J'en viens maintenant aux dernières propositions de notre rapport : nous proposons d'expérimenter les dispositifs de reconnaissance faciale reliant les systèmes de vidéo-protection à des fichiers. Concrètement, si une personne recherchée est filmée par des caméras de vidéo-protection reliées à une base de données, le système informatique enverrait une alerte aux forces de l'ordre pour les informer de la présence sur zone de cet individu. S'ils sont bien encadrés, de tels dispositifs permettraient de rendre plus efficace la prévention et la répression des actes de terrorisme en localisant plus facilement les personnes concernées. Lors de nos auditions, nous avons constaté que ce type de dispositifs se développait. Méfions-nous de tout « totem technologique », mais ces pistes doivent être explorées. A ce stade, ces dispositifs présentent encore des incertitudes techniques : les reconnaissances faciales statiques (prise de photographies devant une borne prévue à cet effet) ont un taux de réussite compris entre 70 et 90 %. Les systèmes de reconnaissance dynamique (reconnaissance du visage d'une personne se déplaçant dans une foule) ont un taux d'erreurs encore supérieur.
Il ne s'agit pas, non plus, de nier les questionnements juridiques soulevés par l'éventuelle connexion entre la vidéo-protection et des fichiers. En 2008, nos anciens collègues Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier s'étaient montrés très réservés sur cette hypothèse. Force est pourtant de constater que le débat est renouvelé par le niveau de menace auquel sont exposés nos concitoyens. En outre, notre proposition n° 8 n'est pas d'installer ce type de dispositifs dès maintenant mais de l'expérimenter et de réfléchir à un cadre juridique spécifique afin de pouvoir l'utiliser lorsque les techniques correspondantes seront plus fiables. Ainsi, connecter la vidéo-protection à des fichiers pour permettre des reconnaissances faciales supposerait le respect du droit applicable à l'installation de caméras et des règles de protection de données personnelles. Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, seules des autorités publiques assermentées pourraient exploiter ce type de dispositifs.
Ces derniers devraient être utilisés pour une finalité suffisamment précise : nous proposons ainsi de limiter ces expérimentations à la prévention et à la répression des actes de terrorisme.
Lors de nos travaux, nous n'avons pas trouvé de fichiers qui pourraient être directement branchés à un système de vidéo-protection. Les fichiers existants sont soit trop larges, soit inadaptés d'un point de vue technique. Il conviendrait donc de créer un fichier spécifique puis de le mettre en relation avec des caméras. D'ailleurs, un système comparable existe déjà pour contrôler les plaques d'immatriculation des véhicules : il s'agit du système de lecture automatisée des plaques (LAPI). Il serait possible de s'en inspirer pour les modalités de conservation des données relatives à la reconnaissance faciale.
En conclusion, la biométrie constitue une opportunité pour les pouvoirs publics. Elle soulève toutefois des questions techniques et juridiques. La biométrie présente également un enjeu économique important de souveraineté numérique et de politique industrielle. Les entreprises françaises ont en effet développé un savoir-faire reconnu au niveau mondial et fournissent les États en solutions de sécurité biométrique. Une entreprise est ainsi intervenu en Inde sur un programme d'identification portant sur plus d'un milliard d'identités numériques, ce qui considérable.
Il convient donc de demeurer attentif au cadre juridique qui est applicable aux techniques biométriques afin qu'elles puissent maintenir leurs capacités de recherche et développement en France, ce qui est l'objet de notre neuvième et dernière proposition.