Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord féliciter M. le rapporteur, ainsi que l'ensemble de la commission des affaires culturelles et les orateurs qui se sont succédé à cette tribune. Je pense en particulier à M. Legendre, qui a précisément mis l'accent sur l'urgence et la nécessité d'un tel texte.
La réforme des universités, c'était l'Arlésienne ! Pour l'essentiel, la situation actuelle remonte aux turbulences de 1968, avec la loi Faure, dont les principales dispositions se sont retrouvées dans la loi Savary.
Avec le texte élaboré par François d'Aubert, et repris, sur mon initiative, par la commission des affaires culturelles du Sénat, puis par Claude Allègre, nous avons essayé d'ouvrir une nouvelle voie.
Par ailleurs, l'an dernier, à l'occasion de l'examen du projet de loi de programme pour la recherche, un certain nombre de points ont été évoqués. Nous avions, en particulier, présenté un amendement visant à expérimenter une gouvernance nouvelle des universités. Malheureusement, le ministre de l'époque a écarté cette possibilité d'expérimentation, au motif que le texte n'était pas consacré aux universités. Nous aurions pu démontrer que cette voie est particulièrement intéressante dans les universités ayant mis en place un pôle de recherche et d'enseignement supérieur, dispositif comparable aux formules adoptées par nos partenaires étrangers.
Bien que la compétition internationale se soit accrue, notre système éducatif reste attractif, car il possède une éthique, des valeurs, des compétences et suscite des dévouements que beaucoup nous envient. Cependant, il n'a ni souplesse, ni lisibilité, ni capacité de libérer les énergies et de faciliter l'émergence d'équipes. Il faut avoir, comme moi, participé à des conseils de perfectionnement dans des écoles et à des conseils d'université pour savoir que ces structures n'ont rien à voir entre elles ! C'est le jour et la nuit !
D'un côté, il y a un véritable pilotage, de réelles capacités d'action ; de l'autre, au contraire, on ne fait que bavarder pendant des journées entières. Ce n'est donc pas la peine de chercher à y intégrer des personnalités extérieures, car, bientôt dégoûtées, elles cessent progressivement de participer à des discussions sans fin où elles ne se sentent pas à leur place parce qu'il n'y est jamais question de stratégie.
Or voici enfin un texte consacré aux stratégies ! Il est d'autant plus nécessaire que, si différents phénomènes tels que l'émergence de la Chine, de l'Inde, du Brésil, de l'Afrique du Sud, la puissance financière des pays du Golfe, la menace pour l'économie mondiale du déficit structurel du commerce extérieur américain, renforcent un certain nombre d'inquiétudes, ils font également naître des opportunités, en particulier pour notre enseignement supérieur et pour l'attractivité de la France et de l'Europe.
L'évolution vers un monde multiculturel et multipolaire, la naissance de nouvelles priorités, notamment en matière de développement durable, de coopération européenne renforcée et de coopération euro-méditerranéenne, voilà des opportunités phénoménales dont le Gouvernement a compris l'importance et qu'il nous faut saisir. C'est dire si libérer les énergies est urgent et indispensable !
Certains, à juste titre, se sont plaints que le Parlement n'ait pas disposé de beaucoup de temps pour examiner ce texte. Mais faut-il attendre une autre rentrée universitaire ? Ce n'est pas pensable, d'autant moins que le présent projet de loi sur la gouvernance des universités n'est qu'un premier pas, qui sera suivi d'autres.
Il fallait bien commencer, et tous ceux qui s'intéressent à l'université et qui sont en contact avec l'institution sont d'accord pour reconnaître qu'il fallait commencer par là. C'est ainsi que ce projet de loi se fait l'écho d'une demande formulée de longue date par la conférence des présidents d'université, laquelle a été auditionnée à différentes reprises par la commission des affaires culturelles. Quant à l'Académie des sciences, voici en quels termes elle a formulé son avis s'agissant des universités : « Il faut leur assurer une gouvernance rénovée qui donne une place importante aux enseignants-chercheurs de haut niveau, et aux personnalités extérieures dont le nombre devrait être significativement relevé, pour leur permettre de mener une stratégie à long terme, tout en laissant une place suffisante aux représentants des étudiants et des diverses catégories de personnels qui devraient être élus au scrutin uninominal. À cet égard, il est essentiel que le président de l'université soit élu par l'ensemble des membres du conseil d'administration. »
Ainsi, à juste titre, me semble-t-il, l'Académie des sciences récuse le mode d'élection du conseil d'administration prévu par le projet de loi en évoquant un scrutin uninominal. Le scrutin de liste est, à mon sens, inadapté pour le collège des professeurs, maîtres de conférences et assimilés. Je crains qu'il ne conduise un certain nombre d'universités à devenir prisonnières d'une minorité très active.
Tout le monde comprendra que je vise ici les personnes qui, par dogmatisme, n'aiment ni l'excellence scientifique ni l'innovation. Certaines, en effet, sont réfractaires à l'idée même d'excellence, qui leur paraît antidémocratique, car insuffisamment égalitariste, et réfractaires à la notion d'innovation, qui leur semble, et ils n'ont pas tort, liée à l'utilisation par le monde économique et la société des résultats des recherches fondamentale et appliquée.
Toutefois, si une telle dérive est à craindre, elle n'est pas l'objet du présent projet de loi. Elle pourrait cependant en être une conséquence perverse, si le scrutin de liste donnait la majorité à ces dogmatiques.
Un tel effet pervers se retournerait d'ailleurs contre les usagers, c'est-à-dire contre les étudiants. Les universités concernées, faute d'accéder à l'excellence et d'attirer les meilleurs esprits, ne pourraient que devenir moins attractives aux yeux des étudiants. Seuls seraient pénalisés ceux dont les familles ne peuvent se permettre de supporter les frais que représente un changement d'université. Il s'agirait donc d'une dérive antidémocratique. Au nom de la démocratie véritable, je regrette cette disposition.
J'évoquerai maintenant les opportunités qu'il nous faut saisir et la nécessaire attractivité de l'université.
Il faut que notre système universitaire s'apprête à jouer de nouveau un rôle majeur au niveau international. Il est en effet nécessaire de développer l'attractivité de la culture française dans le monde.
Je voyage beaucoup pour mener diverses études sur le développement durable et favoriser la création d'un espace européen de l'innovation, sujet sur lequel j'ai d'ailleurs été chargé par la Commission européenne de préparer un mémorandum. Quel est le constat ? Partout, aux Indes, au Danemark, en Catalogne, en Bavière, à Berlin, à Shanghai, à Londres, à Milan, partout, donc, grandit l'intérêt pour ce qui se passe en France.
C'est que, effectivement, il se passe quelque chose dans notre pays, grâce aux pôles de compétitivité, grâce aux technopoles françaises, grâce aux nouvelles structures telles que les PRES, les RTRA, les instituts Carnot. Bref, un ferment d'innovation traverse toutes nos régions, suscitant dans le monde entier un intérêt croissant pour notre enseignement supérieur, d'autant que l'image des États-Unis s'est quelque peu ternie.