Pour autant, le Gouvernement a entendu des questionnements sincères et l’expression de craintes de dumping social. Ces craintes, nous ne les partageons pas. Si nous avions une seule seconde considéré que ce texte pouvait encourager des pratiques de dumping social, nous ne l’aurions évidemment jamais défendu. Mais cette crainte, nous ne la prenons pas à la légère, et nous avons souhaité y répondre.
À ceux qui l’expriment, je veux d’abord dire que cette menace a été brandie chaque fois que le législateur a élargi le champ des accords d’entreprise… et qu’elle ne s’est pas concrétisée.
À ceux qui prétendent y répondre par un renforcement du rôle des branches, je dirai trois choses.
Premièrement, n’idéalisons pas la réalité actuelle des branches, car nombre d’entre elles ne fonctionnent pas bien et n’apportent pas aux salariés les garanties qu’ils sont en droit d’en attendre : quarante-deux branches fixent même des montants de rémunération inférieurs au SMIC ; il faut que chacun en ait conscience.
Deuxièmement, afin précisément de remédier au manque de dynamisme des branches, ce projet de loi tend à les renforcer, en réaffirmant leur rôle de régulation et en procédant à leur rationalisation, pour passer de 700 à 300 en quatre ans. Nous n’avons jamais opposé les différents niveaux de négociation, au contraire : accords d’entreprise, conventions collectives, code du travail doivent demeurer les piliers d’une démocratie sociale moderne, dynamique et génératrice de progrès.
Troisièmement, après le dernier tour de table avec les syndicats, organisé sous l’égide du Premier ministre le mois dernier, nous avons souhaité prendre en compte certaines considérations. C’est ainsi que nous nous sommes déclarés prêts à pousser plus loin le point d’équilibre, à travers trois nouvelles dispositions qui figurent dans la dernière version de ce projet de loi.
Il s’agit d’abord de la définition d’un ordre conventionnel de branche. Aujourd’hui, il existe des domaines où les accords de branche priment et d’autres où ce sont au contraire les accords d’entreprise qui l’emportent ; il en existe d’autres encore où aucun principe n’est fixé : pour ceux-ci, les partenaires sociaux devront se prononcer et définir les thèmes pour lesquels il ne sera pas possible de déroger aux accords de branche.
Il s’agit ensuite de conforter le principe de faveur, au niveau de la branche, sur toutes les questions de pénibilité et d’égalité professionnelle.
Nous, nous n’opposons pas souplesse et régulation : bien au contraire, nous affirmons qu’une démocratie sociale moderne et efficace avance sur ces deux jambes-là.
Enfin, une troisième disposition vise à tirer les leçons de la séquence et à garantir l’étroite association des partenaires sociaux pour la suite. Même si, je le rappelle, ces derniers ont refusé à l’automne dernier d’engager une négociation autour du rapport Combrexelle, je confierai au Haut Conseil du dialogue social, qui regroupe l’ensemble des partenaires sociaux, la tâche de formuler des propositions à la commission de refondation du code du travail. Puisque chacun admet la nécessité de faire évoluer notre législation, que chacun y contribue de façon responsable et constructive, pour aboutir d’ici à 2019, échéance prévue par ce projet de loi.