Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’analyse des modifications apportées par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture à l’ensemble du texte adopté par le Sénat, et en particulier aux articles dont j’ai eu la charge, conduit à une véritable déception.
Bien entendu, nous sommes en mesure de comprendre que le Gouvernement n’était pas prêt à retenir tous les éléments introduits par le Sénat en première lecture. Cependant, excepté quelques sujets consensuels et quelques mesures techniques, nous regrettons, dans l’esprit même du texte d’origine, que l’Assemblée nationale et son rapporteur, ainsi que le Gouvernement, n’aient pas exprimé la moindre intention de rechercher avec la Haute Assemblée l’amélioration de mesures concrètes, dans le sens de la simplification et d’une plus grande efficacité.
De ce fait, ce texte se trouve encombré de dispositions ayant une faible valeur normative, parfois confuses, souvent inutiles ou inapplicables. Il en est ainsi, notamment, de la responsabilité sociale des plateformes, du droit à la déconnexion, des règles relatives à la reconduction des contrats saisonniers et de la création d’une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise.
En ce qui concerne le droit à la déconnexion, les députés ont réintroduit les dispositions peu normatives que nous avions supprimées. En outre, ils ont imprudemment élargi l’obligation d’élaborer une charte sur ce sujet à toutes les entreprises sans distinction de taille, y compris les très petites entreprises, les TPE.
S’agissant de la responsabilité des plateformes de mise en relation électronique à l’égard de leurs collaborateurs indépendants, les députés ont, hélas ! rétabli leur rédaction contestée tout en aménageant les règles relatives à la couverture du risque d’accident du travail. Ils ont également supprimé la disposition relative à la présomption de non-salariat pour ces travailleurs, compte tenu des difficultés juridiques qu’elle aurait entraînées, se montrant ainsi sensibles à nos arguments.
Mais c’est le rétablissement de l’instance de dialogue social du réseau de franchise qui paraît le plus incompréhensible. En effet, même si le dispositif a été aménagé en nouvelle lecture, il méconnaît toujours la nature des relations existant entre le franchiseur, les franchisés et les salariés de ceux-ci.
Nous avions également récrit les dispositions relatives au licenciement économique, dont la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture avait fait l’objet de vives critiques de la part de la majorité des partenaires sociaux et des personnes que nous avions auditionnées. La version sénatoriale, qui visait à sécuriser juridiquement ce type de licenciement et à encadrer les recours devant le juge, a toutefois été rejetée en bloc par les députés, y compris la notion essentielle et objective de faisceau d’indices pour définir une entreprise en difficulté.
Les députés ont également repoussé deux autres de nos propositions, visant à créer un véritable rescrit social pour toutes les entreprises et à obliger les partenaires sociaux à prévoir des stipulations spécifiques en faveur des petites entreprises dans tout accord de branche, même non étendu. Je suis pourtant convaincu que les accords types négociés par les branches peuvent être un puissant levier de modernisation sociale pour les petites entreprises.
Je note à ce propos que toutes les mesures introduites au Sénat sur l’initiative de la délégation aux entreprises ont été rejetées par l’Assemblée nationale : à ce point, il s’agit non plus d’une différence politique, mais d’une différence de culture, qui témoigne d’une véritable déconnexion entre la gauche gouvernementale et le monde de l’entreprise.
Pour ce qui concerne la médecine du travail, les députés ont fait leur notre souci de rationaliser les visites des salariés en contrats courts, d’améliorer le suivi des travailleurs de nuit et de maintenir les règles de gouvernance actuelles des services de santé au travail.
Néanmoins, ces avancées ne sauraient masquer la suppression de la visite d’aptitude obligatoire, l’abandon de la création d’une procédure d’appel des avis d’aptitude devant une commission régionale de médecins du travail, ou encore le rejet des modifications des règles en matière de responsabilité civile et pénale de l’employeur.
Sur ce sujet sensible, le présent texte, qui ne donne satisfaction à personne, apparaît plus comme un réaménagement de façade que comme un traitement de fond.
En conclusion, le texte élaboré par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, qui est parfois en contradiction avec les objectifs initialement affichés, …