Intervention de Michel Forissier

Réunion du 19 juillet 2016 à 14h30
Travail dialogue social et parcours professionnels — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michel ForissierMichel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, conscient des enjeux liés à une meilleure sécurisation des parcours professionnels des actifs, le Sénat avait adopté en première lecture une approche pragmatique des dispositions concernées.

Échaudés par les exemples récents du compte personnel de formation, le CPF, et surtout du compte personnel de prévention de la pénibilité, qui, plus de deux ans après sa création, reste inapplicable, nous avions proposé dans un premier temps de retrancher les principales sources de complexité du compte personnel d’activité, le CPA. Les députés ont malheureusement fait primer l’affichage politique sur la prise en compte des contraintes antiéconomiques qu’entraînera une entrée en vigueur du dispositif dès le 1er janvier prochain.

À nos yeux, la problématique de la valorisation de l’engagement citoyen mérite une réflexion beaucoup plus approfondie que celle qui a présidé à la création du compte d’engagement citoyen, le CEC, proposée par le Gouvernement.

En effet, ce nouveau compte regroupe des formes d’engagement civique, professionnel ou citoyen qui ont bien peu en commun : la participation à la réserve sanitaire est-elle assimilable au tutorat d’un apprenti en entreprise ou à une activité associative locale, aussi altruiste soit-elle ? De surcroît, l’évaluation du coût du volet associatif de ce dispositif et du nombre de ses bénéficiaires potentiels se révèle lacunaire, en raison de l’élargissement de son périmètre opéré en cours d’examen parlementaire, sans étude approfondie.

De même, il nous semblait logique que le compte personnel d’activité soit clos lorsque son titulaire cesse son activité professionnelle, c’est-à-dire lorsqu’il liquide l’ensemble de ses droits à la retraite.

Enfin, nous proposions de simplifier le compte personnel de prévention de la pénibilité afin de répondre aux nombreuses inquiétudes des employeurs.

Je regrette que nous n’ayons pas été entendus sur ces points, et j’éprouve de fortes craintes quant à l’effectivité de la mise en œuvre, à compter du 1er janvier prochain, du CPA.

S’agissant des autres dispositions relatives à la formation professionnelle, on peut noter que l’Assemblée nationale a adopté conformes plusieurs articles introduits par le Sénat, notamment celui qui est relatif au CPF des travailleurs des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, et a approuvé nos indispensables aménagements de la collecte de la contribution à la formation professionnelle des non-salariés.

En revanche, les députés n’ont manifestement pas la même volonté que nous de faire de l’apprentissage une voie de réussite. Alors que le projet de loi initial était quasi muet sur cette problématique, le Sénat avait introduit vingt articles visant à surmonter les obstacles qui freinent aujourd’hui le développement de l’apprentissage et à améliorer le statut des apprentis.

Aucune de ces dispositions n’a été retenue par les députés, pas même l’obligation pour les entreprises d’assurer la formation des maîtres d’apprentissage. Or, a priori, ce sujet faisait consensus !

Ces articles étaient pourtant le fruit d’une longue concertation avec toutes les parties impliquées dans la gouvernance et le bon fonctionnement de cette voie de formation. Aucune mesure de substitution n’a été présentée. En la matière, l’Assemblée nationale et le Gouvernement semblent se satisfaire du statu quo, alors que le modèle français apparaît à bout de souffle, surtout au regard du dynamisme de celui de nos voisins.

Sans nous opposer sur le fond à la garantie jeunes, nous avions estimé que l’expérimentation devait être menée jusqu’à son terme. L’Assemblée nationale a rétabli sa généralisation. Une fois encore, le législateur renonce à s’appuyer, pour faire ses choix, sur l’évaluation d’une politique publique innovante, pour des raisons d’affichage politique en période électorale.

Enfin, l’Assemblée nationale a réintroduit les dispositions dépourvues de portée normative relatives à la validation des acquis de l’expérience, que nous avions bien entendu supprimées. De même, elle a persévéré dans sa demande de rapport sur la prolongation des emplois d’avenir, qui ne sont pourtant pas, chacun le sait, la solution au chômage des jeunes.

Au total, je regrette surtout que le Gouvernement et l’Assemblée nationale n’aient pas saisi l’occasion – sans doute la dernière du quinquennat – que la majorité sénatoriale lui offrait pour faire de l’apprentissage une voie de réussite.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion