Intervention de Annie David

Réunion du 19 juillet 2016 à 14h30
Travail dialogue social et parcours professionnels — Exception d'irrecevabilité

Photo de Annie DavidAnnie David :

Sur le fond, nous estimons, comme en première lecture, que ce texte est contraire à la Constitution et à notre histoire juridique.

En effet, pour garantir l’égalité des citoyennes et des citoyens, la loi, expression de la volonté du peuple souverain, prévaut sur le contrat.

Ainsi, l’article 34 de la Constitution, qui définit les domaines d’intervention du pouvoir législatif, fonde le droit du travail et le droit syndical sur la loi.

Or l’inversion de la hiérarchie des normes, colonne vertébrale de votre projet de loi, comme vous venez de le réaffirmer, madame la ministre, est contraire aux dispositions de cet article, sur lequel le Conseil constitutionnel s’appuie régulièrement. Ce dernier n’accepte que par exception les transferts de compétences de la loi vers les accords d’entreprise. De même, sa jurisprudence établie en 2004 et en 2008 censure tout renvoi à l’accord d’entreprise de dispositions relevant de la Constitution, comme le droit au repos.

Au-delà des aspects purement juridiques, ce sont les valeurs de notre République « laïque, démocratique et sociale » que vous bafouez, en oubliant que la République est sociale grâce aux luttes syndicales et populaires qui ont émaillé notre histoire.

Aujourd’hui, vous reniez cet héritage historique tout en disqualifiant celles et ceux qui poursuivent ce combat progressiste en manifestant dans les rues, comme la Constitution leur en donne le droit.

L’inversion de la hiérarchie des normes n’est pas le seul point qui pose problème sur le plan juridique. Les accords « en faveur de l’emploi » portent atteinte à la liberté contractuelle, puisque l’employeur peut imposer une modification du contrat sans avoir à se justifier.

À cet égard, je citerai également les dispositions relatives aux licenciements économiques, qui varient selon la taille de l’entreprise. Outre qu’elle est contraire au principe d’égalité devant la loi, cette modulation ne s’appuie en rien sur la réalité des entreprises : la taille d’une entreprise n’a pas nécessairement de lien avec sa situation économique !

Enfin, j’insisterai sur le fait que vous remettez en cause nos engagements internationaux, à commencer par les règles fixées par l’Organisation internationale du travail, l’OIT. En 2012, le comité de la liberté syndicale de l’OIT jugeait une affaire très similaire, au sujet d’une réforme menée en Grèce et certainement pensée, comme c’est le cas pour la France, dans un bureau de la Commission européenne.

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