Voici un extrait des conclusions de ce comité de l’OIT :
« La mise en place de procédures favorisant systématiquement la négociation décentralisée de dispositions dérogatoires dans un sens moins favorable que les dispositions de niveau supérieur peut conduire à déstabiliser globalement les mécanismes de négociation collective, ainsi que les organisations d’employeurs et de travailleurs, et constitue en ce sens un affaiblissement de la liberté syndicale et de la négociation collective, à l’encontre des principes des conventions n° 87 et 98. »
Madame la ministre, ce comité n’est pas le porte-parole du parti communiste français ou d’organisations syndicales que vous jugez « réfractaires à toute réforme » : il est composé de neuf membres titulaires provenant des groupes « gouvernements », « employeurs » et « travailleurs », et il est présidé par une personnalité indépendante.
Pourtant, cette instance estime, comme nous, que l’inversion de la hiérarchie des normes et surtout la remise en cause du principe de faveur nuisent fortement, quoi que vous en disiez encore aujourd’hui, à la qualité du dialogue social, ce qui est néfaste tant pour les syndicats que pour les entreprises.
Ainsi, en adoptant ce projet de loi, nous serions en infraction par rapport à la convention n° 87 de l’OIT, relative aux libertés syndicales, et à sa convention n° 98, relative à la négociation collective.
Nous serions également en infraction par rapport au pacte des Nations unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
À ce titre, le rapport établi par les experts du comité des droits économiques, sociaux et culturels est sans appel :
« Le comité est préoccupé par les dérogations à des protections acquises en matière de conditions de travail proposées par le projet de loi “ Travail ”, […] y compris pour accroître la flexibilité du marché du travail, sans qu’il soit démontré que l’État a considéré toutes les autres solutions possibles. »
Plus loin, le comité exhorte l’État français à « s’assurer que toute mesure rétrograde concernant les conditions de travail est inévitable et pleinement justifiée ; nécessaire et proportionnée à la situation ; non discriminatoire ».
Pouvez-vous nous assurer que ces précautions ont bien été prises par l’État ? Je ne le pense pas. Le simple fait que vous n’ayez pas pris le temps de la concertation avec les organisations syndicales en est une preuve.
Vous n’avez pas exploré toutes les solutions possibles pour créer de l’emploi et adapter, de manière progressiste, le droit du travail aux évolutions économiques et sociales. Je pense par exemple à la réduction du temps de travail, explorée pourtant il y a peu par un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales. Il est vrai que ce document ne vous a pas été transmis…
Vous avez accepté les propositions du MEDEF, tandis que vous refusiez d’écouter celles des organisations syndicales qui sont aux côtés des salariés et connaissent la réalité de l’entreprise.