Toutefois, quitte à citer ce jeune ministre, autant le faire dans sa vérité. Cela me semble important pour éclairer notre débat et l’avenir : « Le travail se transforme et nous devons en avoir conscience », dit-il. S’agissant de ce projet de loi, il dit encore : « C’est une réforme à laquelle je crois, que je défends, mais ce n’est déjà plus le combat d’aujourd’hui, parce que le travail a radicalement changé ». Il ajoute : « Nous sortons de l’âge classique du travail ».
Il est dommage que la droite sénatoriale refuse d’explorer davantage les voies esquissées par ce texte concernant la numérisation de l’économie. Notre conviction est que l’économie fordiste, verticale, correspond au schéma d’hier ; le schéma d’aujourd’hui, c’est l’économie numérique. Nous ne restaurerons pas l’ordre ancien.
L’économie numérique accomplira le découplage de la couverture sociale et du contrat de travail. Cette économie requiert la mise en place de nouvelles institutions pour accompagner les nouvelles formes de travail et pour rendre le nouveau modèle social inclusif et soutenable. Voilà ce que nous devons faire, et c’est ce qu’esquisse ce projet de loi §
J’en veux pour preuve l’article 21, qui jette les bases de ce nouveau modèle avec le compte personnel d’activité.
Je veux aussi rappeler qu’en parallèle à notre débat parlementaire s’est tenue la négociation sur l’assurance chômage, laquelle a échoué du fait – il faut le dire – du patronat §
Toutefois, quelque chose de très important en est sorti : l’accord de branche sur les intermittents. Cet accord prévoit en effet que, en contrepartie d’une assurance chômage spécifique, l’usage du CDD n’est pas limité. En clair, cela signifie protection sociale pour les intermittents et, pour leurs employeurs, forcément multiples, capacité de bénéficier d’une main-d’œuvre qualifiée et flexible.
Ce peut être une voie d’avenir bien préférable, à mes yeux, au chimérique revenu universel. À n’en pas douter, la protection sociale sera une nouvelle frontière de nos débats en France et, nous le souhaitons, en Europe. Lors des dernières élections européennes, nous avions placé la couverture de l’assurance chômage, notamment pour les jeunes, au premier rang d’un agenda social européen. Je pense que la France montre une voie d’avenir au travers de cet accord.
Je dois aussi, à l’issue de ces quatre mois de débat public, tirer une leçon pour l’avenir – j’espère que chacun fera de même.
Cette leçon tient à la gouvernance : toute réforme de cette importance doit respecter la démocratie sociale – c’est l’esprit même de la loi –, tenir compte de la démocratie d’opinion et user de la démocratie politique.
Sur ce dernier point, madame David, le 49.3 n’est pas le problème. Cette procédure a sa légitimité démocratique en ce qu’elle oblige l’opposition à montrer qu’elle est capable de constituer une majorité alternative. En cela, le 49.3 est un principe démocratique.
Je voudrais aussi citer pour l’avenir – très proche, celui-là – le rapport que M. Philippe Laurent a remis au Gouvernement sur le temps de travail dans la fonction publique et le débat qu’aura le Gouvernement avec les syndicats et les employeurs, débat dont les conclusions devraient être tirées en décembre de cette année. Ce sera un test de l’exercice démocratique.
Madame la ministre, on nous annonce 127 décrets pour l’application de ce projet de loi.