Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc devant « la réforme la plus importante de la législature », selon les propres termes du Premier ministre. À sa lecture, madame la ministre, et avec tout le respect que j'ai pour votre connaissance du dossier, personne ne peut le croire sans tordre la vérité et abîmer un peu sa bonne foi.
D'ailleurs, la méthode est un aveu, un verdict même. Avez-vous déjà vu dans l'histoire de notre démocratie une grande loi, une grande réforme, qui est discutée, amendée et votée par notre chambre seulement huit jours après l'adoption du texte par le conseil des ministres ?
Voilà pour les grandes phrases sur la « revalorisation du travail du Parlement » et sur « l'ouverture aux idées et aux propositions de l'opposition ». Espérons seulement que la gouvernance des universités ne prendra pas pour exemple la gouvernance du pays que vous inaugurez ainsi.
Pourtant, oui, la grande réforme de notre enseignement supérieur est nécessaire, tant le rôle de celui-ci pour la grandeur de notre pays et sa place dans le monde est majeur, tant l'idée qu'on se fait de l'intelligence, du progrès humain et de la culture en général y est présente, concentrée au maximum.
Il n'est qu'à constater le malaise profond dans nos universités pour savoir que le moment est venu de cette grande réforme, de cette grande ambition commune. Oui, tout le monde était prêt à aborder ce chantier sans oeillères. Alors, pourquoi un petit projet de loi sur la seule gouvernance, sans même définir ensemble au service de quelle ambition, de quels objectifs et avec quels moyens matériels et humains ?
Au-delà de classements internationaux aux méthodes contestables, le malaise est bien là. Les enseignants-chercheurs vivent de plus en plus mal le fait de devoir assumer de lourdes charges administratives et de travailler dans des salles de cours et des laboratoires dont l'état est digne de pays en voie de développement.
Les personnels administratifs et techniques vivent de plus en plus mal le fait de devoir administrer la pénurie des moyens.
Les étudiants vivent de plus en plus mal la précarisation de leurs conditions de vie et le risque de l'échec ? 90 000 jeunes sortent ainsi tous les ans de l'enseignement supérieur sans diplôme.
Les présidents d'université vivent de plus en plus mal le fait d'être cantonnés dans un rôle d'animateur d'instance sans autre véritable pouvoir que celui de protester auprès du ministère face à l'insuffisance récurrente des budgets.
La communauté universitaire dans son ensemble vit de plus en plus mal la stigmatisation de l'université qui, d'héritière de la Sorbonne qu'elle était, ne serait plus désormais qu'un monstre bureaucratique accueillant des bacheliers « trop médiocres » pour intégrer les filières sélectives des grandes écoles, stigmatisation sans cesse alimentée par les idéologues « déclinistes » de votre majorité.