Intervention de Hugues Portelli

Réunion du 11 juillet 2007 à 15h00
Libertés des universités — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli :

...abandonnant ainsi leurs études supérieures sans diplôme et sans laisser la moindre trace de leur passage. C'est un problème crucial qu'il faudra bien, un jour, aborder de face. En effet, cette sélection de fait est la forme la plus hypocrite de toutes les sélections.

Le projet de loi ne traite pas des droits d'inscription. Certes, ils sont très bas en France, mais il faut souligner qu'ils ne constituent pas l'unique source de financement des universités dans les pays modernes. Bien évidemment, leur augmentation ne serait pas populaire ; de surcroît, elle ne serait pas utile en l'absence d'un système de bourses digne de ce nom ; enfin, elle conduirait à renforcer la sélection par l'argent.

Le projet de loi ne traite pas non plus de la sélection à l'entrée du master. Si les étudiants n'en veulent pas, il faut néanmoins être franc et reconnaître qu'une telle sélection existe déjà dans les faits par le biais du système de notation et d'équivalence.

C'est donc sur la gouvernance, l'organisation et le financement des universités que se concentre le texte, qui change radicalement les règles en vigueur, caractérisées jusqu'à ce jour par l'absence d'autonomie, la pénurie de moyens et une approche purement bureaucratique des problèmes.

Sur tous ces sujets, le projet de loi pose un regard neuf, centré sur les concepts d'autonomie et de gestion managériale, déclinés dans tous les chapitres abordés.

Le texte donne une impression générale de modernité et de responsabilité qu'il faut saluer après des décennies de prudence synonyme d'immobilisme et de déclin.

On ne peut que se féliciter des nouvelles compétences transférées aux universités, qu'il s'agisse des finances, de la gestion des ressources humaines ou du patrimoine.

La possibilité pour les universités de se rapprocher enfin des entreprises de façon naturelle et de se doter de fondations susceptibles d'attirer le mécénat constitue un tournant historique dont il faut se réjouir.

De même, la volonté de doter les universités d'un système de décision efficace, en réduisant de moitié l'effectif de leur organe délibérant et en plaçant à leur tête un exécutif doté de véritables pouvoirs, donnera à ces établissements une gouvernance qui leur permettra d'exercer effectivement leurs nouvelles compétences.

Bref, le texte qui nous est soumis pourrait être aux universités ce que les lois de décentralisation de 1982 et 1983 ont été aux collectivités territoriales : l'occasion de rattraper un retard considérable sur les autres États européens et de libérer des énergies créatrices longtemps bridées.

Notre satisfaction serait totale, si le projet de loi ne manquait d'équilibre sur un point central : la place des universitaires au sein de l'université.

Dans une bonne gouvernance, tout est question d'équilibre : après 1968, le souci louable de faire participer toutes les composantes de l'université à son fonctionnement et à ses choix échoua du fait du refus initial des étudiants de profiter de leur nouveau pouvoir mais aussi du fait d'un système de décision proche du régime d'assemblée, où un pouvoir délibérant pléthorique empêche l'exécutif d'exercer ses compétences.

Il ne faudrait pas que, dans un juste souci de correction, le balancier parte trop loin dans l'autre sens, et que les pouvoirs nombreux des futurs présidents ne soient pas équilibrés par les instances représentatives de la communauté universitaire. Or cet équilibre entre pouvoir de décision et pouvoir de contrôle interne est une liberté universitaire fondamentale, dont le Conseil constitutionnel a rappelé l'importance dans sa décision du 20 janvier 1984 et qui est constitutive, depuis l'origine, du concept même d'université.

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