Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'avenir de l'université dans toute la République m'intéresse bien évidemment, mais j'évoquerai ici la situation singulière de l'université à la Réunion.
La Réunion, région française d'outre-mer intégrée à l'Union européenne et membre actif de la Commission de l'océan Indien, s'attache à nouer des liens sans cesse renforcés avec les Mascareignes et ses voisins malgaches, indiens, sud-africains et mozambicains, ainsi qu'avec d'autres pays riverains de l'océan Indien, tels le Vietnam et l'Australie, et, plus loin encore, avec la Chine, d'où sont issus bon nombre de Réunionnais.
Du fait de sa position géographique et de son histoire, la Réunion et son université disposent d'atouts originaux qui doivent permettre à l'île de jouer pleinement son rôle de frontière interactive de l'Union européenne.
L'université et ses enseignements sont très inégalement répartis. Au nord du département, le chef-lieu, Saint-Denis, concentre l'essentiel des enseignements et des structures. Dans le sud de l'île, principal bassin de population de la Réunion, seuls quelques enseignements sont dispensés dans les villes de Saint-Pierre et Le Tampon. Une telle situation pénalise bien évidemment le sud du département, d'autant que les difficultés de communication sont telles que le trajet pour aller de Saint-Pierre à Saint-Denis dure deux heures, voire trois.
En vingt ans, le nombre d'étudiants est passé de 2 000 à 12 000. Les jeunes originaires du Sud doivent se loger à Saint-Denis dans des conditions si onéreuses que beaucoup parmi les moins favorisés abandonnent leurs études dès la première année. Cependant, les résultats remarquables obtenus au baccalauréat indiquent que la barre des 20 000 étudiants sera bientôt atteinte.
La réussite en licence et l'amélioration des conditions de vie étudiante ? deux des cinq piliers du projet de loi ? dépendent donc d'une délocalisation effective et équitable des enseignements entre le nord et le sud de la Réunion.
Il s'agit non pas de dupliquer dans le Sud les installations universitaires du Nord et leurs enseignements, mais bien plutôt d'établir des filières liées au développement économique du Sud afin de réunir les conditions les plus favorables à leur essor.
Dans le Nord comme dans le Sud, il est urgent de construire des milliers de logements étudiants, sans lesquels la poursuite d'études supérieures se révèle impossible pour les jeunes moins favorisés, qui, du reste, ne sont pas les moins méritants ou les moins talentueux.
Madame la ministre, malgré son dynamisme économique et un taux de croissance supérieur à celui de la métropole, la Réunion connaît d'importants retards structurels privant d'emploi 30 % des actifs. En matière de taux d'encadrement administratif, la Réunion se classe au dernier rang des départements.
C'est assez dire que, outre ses missions classiques, l'université doit contribuer au développement durable, seul capable de créer les emplois pérennes dont la Réunion a besoin dans la fonction publique, notamment en ce qui concerne les services à la personne.
Madame la ministre, si des filières permettant la mise en valeur des atouts de la Réunion sont nécessaires, il faut aussi conjurer les dangers spécifiques à ces régions, dangers qui risquent de toucher également la métropole.
Ces dangers s'appellent « maladies émergentes ou résurgentes ». L'épidémie de Chikungunya qui a sévi en 2005-2006 en est l'une des illustrations. À la demande de nos parlementaires, le précédent gouvernement, en partenariat avec le conseil régional et le conseil général, a mis en place un Centre de recherche et de veille sur les maladies émergentes dans l'océan Indien. Une telle création représente une avancée considérable pour notre île, ainsi que pour tout l'océan Indien. En outre, ce centre préfigure ce que pourra être le Centre hospitalier régional puis le futur Centre hospitalier régional universitaire, le CHRU.
En permettant d'ouvrir des débouchés et de créer de nouveaux emplois pour nos jeunes chercheurs, ces structures permettront également à la Réunion de jouer pleinement son rôle dans l'océan Indien et de concrétiser la volonté commune des États de la zone et de la Réunion de nouer des accords de codéveloppement.
La Réunion se situe dans un océan où la quasi-totalité des pays riverains sont anglophones. Trois d'entre eux sont appelés à jouer un rôle croissant : en 2025, l'Inde, dont la population sera bientôt de 1, 3 milliard d'habitants, s'affirmera comme une superpuissance de l'océan Indien ; l'Afrique du Sud, forte de 49 millions d'âmes aujourd'hui, frôlera les 100 millions d'habitants et deviendra une grande puissance régionale ; enfin, toute proche des rivages réunionnais, Madagascar, qui comptait 4 millions d'individus en 1947, dépassera la barre des 35 millions d'habitants.
J'ajoute que Madagascar, l'un des pays les plus pauvres du monde, dispose de potentialités impressionnantes. Pour les mettre en valeur, il a un besoin urgent de partenariats. Contrairement à la France, et alors qu'ils n'ont aucun lien historique avec la Grande Île, la Chine et le Canada répondent déjà à cette demande. Il est de notre devoir d'apporter notre concours au développement de Madagascar et à la formation corrélée de nos jeunesses respectives, grâce notamment à l'université. Si nous tardons, d'autres le feront.
Madame la ministre, la Réunion ne peut attendre. Elle est confrontée au défi d'un accroissement de 28 % de sa population