Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le débat sur le projet de loi relatif aux libertés des universités intervient l'année où nous célébrons le vingt-cinquième anniversaire de l'université des Antilles et de la Guyane. Ce sera donc pour moi l'occasion de rappeler à votre attention la situation très particulière et inquiétante de l'enseignement supérieur aux Antilles et en Guyane.
Le projet de loi dont nous discutons, que les universitaires appelaient de leurs voeux depuis de nombreuses années, s'inscrit dans la continuité de la loi Faure de 1968 et de la loi Savary de 1984, qui ont posé le principe de l'autonomie des universités. Pourtant, faute de dispositions adéquates, la réalité de ce principe est restée lettre morte, ou presque, et ce jusqu'à aujourd'hui.
Or, la dégradation du système universitaire français n'est plus à prouver. Les chiffres des dépenses par étudiant, des bourses, des crédits d'équipement ou de recherche parlent d'eux-mêmes ? cela a déjà été évoqué. Les conditions de travail, trop souvent déplorables, ne font que les confirmer.
Par ailleurs, nous devons désormais faire face à une concurrence internationale croissante, en particulier britannique et allemande. Le classement des universités mondiales nous est bien trop souvent défavorable.
Il est donc largement temps d'agir, de réformer l'organisation et le fonctionnement de nos établissements d'enseignement supérieur. En effet, c'est bien l'absence d'autonomie qui, jusqu'à aujourd'hui, les entrave en les privant de leur capacité d'initiative, de leur vitalité. Nous devons libérer ces énergies et donner à nos universités les moyens de devenir plus réactives, plus modernes.
Plus d'autonomie et de responsabilité, voilà ce dont les universités ont besoin pour être poussées à l'excellence et pour que la concurrence avec les universités étrangères soit moins biaisée.
Mais, comme vient de le souligner notre excellent collègue Jean-Pierre Fourcade, nos universités ont aussi besoin que les étudiants soient correctement orientés, motivés et sélectionnés. Cela passe notamment par l'une des mesures phares de votre projet de loi, madame le ministre : la transformation radicale de la gouvernance des universités.
Ainsi, les présidents d'université seront investis de nouveaux pouvoirs, beaucoup plus larges, et devront être porteurs d'un « projet d'établissement ». Cela renforcera leur légitimité et leur autorité au sein d'un conseil d'administration remodelé et resserré.
Cette gouvernance forte et crédible apparaît comme la condition sine qua non d'une réelle autonomie des universités.
C'est pourtant là que le bât blesse, madame le ministre, et que je me dois de vous rappeler certaines caractéristiques propres à l'enseignement supérieur en Guyane. En effet, si la réforme s'avère extrêmement pertinente dans un contexte régional, elle paraît sur plusieurs points difficilement applicable aux Antilles et en Guyane.
Tout d'abord, le conseil d'administration de l'université des Antilles et de la Guyane est actuellement composé de soixante membres, à raison de vingt membres pour chacun des pôles : Guadeloupe, Guyane, Martinique. Cette parité entre les trois pôles est l'une des clefs de l'unité de l'établissement.
Le contexte social, économique et même scientifique de la Guyane est cependant très différent de celui des Antilles. Il paraît dès lors très improbable que l'université puisse répondre efficacement aux enjeux de la Guyane alors que la représentation de celle-ci au conseil d'administration diminuerait. C'est pourquoi, madame le ministre, je présenterai à l'article 6 du projet de loi un amendement tendant à porter à quarante-cinq le nombre maximal des membres des conseils d'administration.
L'article 6 pose par ailleurs le problème des huit personnalités extérieures siégeant au conseil d'administration. Cela ne peut s'adapter à la particularité territoriale de l'université des Antilles et de la Guyane.
Actuellement, son conseil d'administration comprend quatorze personnalités extérieures, dont six sièges attribués aux trois conseils généraux et aux trois conseils régionaux.
Le texte, en prévoyant parmi les huit personnalités extérieures la présence d'un seul représentant du conseil régional, est particulièrement inadapté à la situation de l'université des Antilles et de la Guyane. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement tendant à porter le nombre maximal de personnalités extérieures membres du conseil d'administration à quatorze.
Le nouveau mode d'élection envisagé pour les présidents d'université ne me semble pas aller dans le sens du renforcement de la légitimité et de la crédibilité des présidents. Il conduirait en effet à la désignation du président par un maximum de vingt-deux élus, dont quatorze seraient des représentants des enseignants-chercheurs. Ces derniers auraient donc automatiquement une majorité absolue. Or, un président d'université est d'autant plus fort que son élection est l'expression d'une large représentation de la communauté et des partenaires de l'université.
J'ai donc souhaité m'associer à l'amendement déposé par notre collègue Pierre Laffitte, qui a vu, comme moi, à quel point il était indispensable d'inclure les personnalités extérieures dans le corps électoral, ce qui induit par ailleurs une modification du mode de désignation de ces personnalités, modification que nous proposerons dans un autre amendement.
Par ailleurs, une ambiguïté doit être levée au sujet des présidents d'université.
Le dernier alinéa de l'article 6 du projet de loi prévoit que les présidents d'université ont voix prépondérante en cas de partage des voix. Cette formulation sous-entend que le président a voix délibérative au conseil, alors même qu'il n'en est pas membre au sens de l'article L. 712-3 du code de l'éducation.
Et, dès lors qu'il deviendrait membre du conseil d'administration après son élection, il pourrait rompre le principe de parité, rappelé dans ce même article, entre les professeurs des universités et les autres enseignants. Madame le ministre, pouvez-vous me donner votre sentiment sur ce point ?
Le texte introduit un élément essentiel en créant une vice-présidence au sein du Conseil des études et de la vie universitaire qui sera spécialement chargée des questions de la vie étudiante.
Cependant, la rédaction du projet de loi ne fait pas apparaître clairement la qualité d'étudiant de ce vice-président, qualité qui est pourtant fondamentale. J'ai donc déposé un amendement tendant à rendre cette qualité plus explicite.
L'une des motivations principales de cette réforme, je l'ai déjà dit, est le renforcement de la gouvernance de l'université. À cet effet, il est curieux que le texte donne au président de l'université un droit de veto sur les affectations, alors que cette prérogative est laissée aux directeurs d'instituts ou écoles relevant de l'article L. 713-9 du code de l'éducation.
Je présenterai donc un amendement visant à modifier l'article L. 713-9 du code de l'éducation et à supprimer le droit de veto des directeurs d'instituts et écoles sur les affectations.
S'agissant enfin du comité de sélection, la nécessité qu'il soit composé de 50 % de membres extérieurs à l'établissement peut constituer pour l'université des Antilles et de la Guyane une source d'accroissement important des dépenses, dans la mesure où les membres extérieurs viennent le plus souvent de la métropole.
Sans vouloir nuire au caractère national du recrutement, j'ai néanmoins déposé un amendement prévoyant que l'université des Antilles et de la Guyane pourra constituer des comités de sélection comportant moins de 50 % de membres extérieurs, mais au moins deux enseignants-chercheurs d'un autre établissement.
Madame le ministre, je tiens à rappeler ici à quel point la Guyane mérite, du fait de sa situation géostratégique si particulière, un traitement adapté.
La Guyane française présente des caractéristiques démographiques, économiques et sociales telles qu'elle mérite des actions complémentaires afin de faire de ce territoire un centre d'excellence dans son environnement régional.
La structure universitaire en Guyane est dispersée et, par conséquent, bien peu lisible. Elle est composée de diverses entités : quatre établissements plus ou moins autonomes, des délocalisations de services communs ainsi que l'UFR de médecine administrés depuis les Antilles ; une représentation du président de l'université et de son administration sur le pôle Guyane a pour mission de coordonner l'ensemble.
Que voulons-nous faire de l'université des Antilles et de la Guyane ?
La création d'un établissement autonome doté d'une personnalité morale unique apparaît comme une nécessité évidente et urgente. J'appelle de mes voeux la création rapide de cette université de Guyane autonome avec une gouvernance forte.
L'enseignement supérieur en Guyane gagnerait considérablement et incontestablement en efficacité et en compétitivité si toutes ces structures fusionnaient enfin.
Cette revendication est tout à fait légitime et pertinente ; elle émane tant du corps enseignant, du personnel universitaire et des étudiants de Guyane que de l'ensemble des Guyanais et de leurs élus.
Madame le ministre, telles sont les raisons pour lesquelles j'ai déposé des amendements, qui permettront à moyen terme, grâce aux aménagements qu'ils prévoient, de préparer la collectivité guyanaise à aller vers une université de plein exercice. C'est avec confiance que je soutiendrai votre projet de loi.