Intervention de Dominique Estrosi Sassone

Commission spéciale Egalité et citoyenneté — Réunion du 12 juillet 2016 à 14h35
Audition de Mme Emmanuelle Cosse ministre du logement et de l'habitat durable

Photo de Dominique Estrosi SassoneDominique Estrosi Sassone, rapporteur :

Madame la ministre, était-il nécessaire de consacrer un important volet du projet de loi à la politique du logement et à la mixité sociale après l'adoption ces dernières années d'un certain nombre de lois - la loi SRU, la loi ALUR, la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, mais aussi la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République et la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles ? Les modifications législatives et réglementaires dans ce domaine, on le voit, sont incessantes.

À la lecture du projet de loi, nous craignons une complexification, le risque étant, sous prétexte d'accroître la transparence, de créer de véritables usines à gaz, en particulier en matière d'attribution et de mixité sociale. Jusqu'où va la mixité sociale ? Faire habiter les pauvres chez les riches est peut-être faisable, mais faire habiter les riches chez les pauvres semble en revanche particulièrement compliqué.

Le texte contient des mesures extrêmement coercitives et des sanctions pour les élus, plus particulièrement pour les maires, et donne toujours plus la main à l'État et aux préfets, en matière d'attribution et en cas de non-réalisation des objectifs fixés dans la loi SRU. Il traduit une certaine défiance à l'égard des élus et plus particulièrement des maires.

Vous avez évoqué l'attribution de 25 % des logements locatifs sociaux au premier quartile des ménages les plus pauvres hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Si ce pourcentage n'était pas atteint ou si le bailleur refusait de signer une convention intercommunale d'attribution, le préfet procèderait aux attributions manquantes sur l'ensemble des contingents. Comment ces dispositions vont-elles s'appliquer en pratique ?

Le projet de loi prévoit que le préfet aura le choix de supprimer ou non la délégation de ses contingents au maire. Quels critères seront retenus pour décider ou non de la suppression de cette délégation au maire ?

Vos propos sur la liste des publics prioritaires me rassurent, car il est vrai que cette liste est déjà longue. Que reste-t-il pour les ménages - les jeunes, les personnes âgées dont la pension est extrêmement faible, les familles de condition modeste - qui ont besoin d'un logement social, mais qui, n'étant pas considérés comme des publics prioritaires, voient continuellement passer devant eux les personnes bénéficiant du droit au logement opposable ou des publics prioritaires ? Il y a là un risque de rupture d'équité.

Le texte supprime la possibilité pour la commune de créer une commission d'attribution, ce qui ne manquera pas d'alarmer les maires. Il donne dans les commissions d'attribution une voix prépondérante au président de l'EPCI, sous certaines conditions, au détriment du maire, qui n'aura plus de voix prépondérante au moins sur le contingent de sa commune. Il prévoit la mise à contribution du contingent du maire en cas d'attributions manquantes. Ces mesures risquent de décourager les maires, y compris ceux d'entre eux qui, même s'ils n'atteignent pas les objectifs de quotas de logements sociaux, font des efforts. Le risque n'est-il pas que les maires n'apportent plus leur garantie dans de telles conditions ? On pourrait les comprendre.

Le conseil général de l'environnement et du développement durable, que j'ai auditionné, a publié un rapport très intéressant sur l'application de la loi SRU. Il s'est interrogé devant moi sur le réalisme des objectifs de rattrapage des communes les plus carencées. Il propose que les préfets puissent ne pas prononcer la carence lorsqu'une certaine progression est constatée dans la commune. Il s'agirait de prendre davantage en considération des objectifs de progression que des objectifs fixes. Pourquoi ne pas avoir pris en compte cette proposition dans le projet de loi ?

Vous avez évoqué la suppression de la DSU pour les communes carencées, je n'y reviens pas.

L'article 33 du projet de loi prévoit pas moins de douze ordonnances. Vos services travaillent-ils déjà à leur rédaction ? Certaines d'entre elles portent sur des sujets assez sensibles, comme l'avenir des plans locaux d'urbanisme, les PLU, et des schémas de cohérence territoriale, les SCOT, dans le contexte de la recomposition de la carte intercommunale. Il s'agit d'adapter le régime des PLU à la situation créée à la suite de la recomposition de cette carte.

En cas de fusion de deux EPCI, dont l'un a déjà la compétence PLU, le nouvel EPCI possèdera automatiquement ladite compétence. Le mécanisme de fusion privera donc les communes du droit de veto sur le transfert automatique de la compétence PLU au niveau intercommunal prévu à l'article 136 de la loi ALUR. Il y a là une antinomie. Il semblerait qu'une période transitoire de cinq ans soit prévue, mais tout cela reste très flou. Le Gouvernement ne donne pas beaucoup d'indications sur le mécanisme qui pourrait être mis en place. Il nous paraît inquiétant, vous le comprendrez, que l'on puisse toucher à un domaine aussi sensible que le droit des sols par ordonnances.

Le texte modifie les dispositions de la loi ALUR sur la commission de contrôle des professionnels de l'immobilier. Cette commission n'a jamais vu le jour. À l'Assemblée nationale, vous avez demandé la fusion de cette commission et du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières. J'aimerais avoir des précisions sur ce point.

Je n'ai pas de question à vous poser sur le surloyer, car vous vous êtes attardée sur ce point.

En revanche, vous n'avez pas du tout parlé d'un sujet important, l'accueil des gens du voyage, dont il est question à la fois dans le titre II et dans le titre III. De nombreux maires sont excédés par l'arrivée massive de gens du voyage, notamment lors des grands rassemblements, et par leur intrusion illicite sur des terrains privés ou publics. Comment trouver l'équilibre entre les nouveaux droits accordés aux gens du voyage et les contraintes des collectivités territoriales qui doivent gérer sur le terrain le stationnement des caravanes ?

Telles sont les questions que je souhaitais vous poser, madame la ministre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion