En effet. Ce texte est issu du comité interministériel « égalité et citoyenneté » d'avril 2015. Le Premier ministre y avait annoncé un projet de loi luttant contre l'apartheid social et territorial. L'idée est de faire de l'accès au logement une clef de la lutte contre la ségrégation. Certes, la mixité sociale ne se résume pas à la question du logement, mais beaucoup de difficultés résultent du caractère monofonctionnel de certains territoires du point de vue du logement.
Nous avions contribué à rendre plus lisible ce projet de loi : sur 21 articles initiaux, il n'en restait que 14 à l'arrivée à l'Assemblée nationale. Les députés l'ont substantiellement complété. Nous souhaitions ne pas remettre en cause les dispositions votées dans la loi ALUR et recentrer le texte sur la lutte contre la ségrégation sociale et territoriale. J'ai souhaité qu'il prévoie des mesures d'application immédiate. Ainsi, au moins 25 % des attributions hors quartiers prioritaires de la ville seront destinées aux demandeurs du premier quartile ; sur certaines communes, le contingent communal sera repris par le préfet, et celui-ci ne pourra plus déléguer son contingent.
Si la loi fixe un objectif minimal - 25 % - elle prévoit la possibilité d'une adaptation par la conférence intercommunale avec l'accord de l'EPCI et du préfet. Si le texte devait évoluer, il me semble que cette disposition ne devrait pas changer dans les zones A et B1, où les besoins de rééquilibrage sont les plus forts. Pourquoi supprimer la délégation du contingent du préfet ? Dans les Hauts-de-Seine, 32 communes en bénéficient : en 2014, 47 % des logements du contingent préfectoral ont été attribués à des ménages non prioritaires, contre environ 80 % dans les autres départements franciliens. La fin de la délégation n'interdit pas une concertation entre les services de l'État et les collectivités sur les attributions réalisées.
Le 3 mai 2016, ont été publiés le rapport de l'Observatoire national de la politique de la ville et celui de l'INSEE, qui recensent tous deux les difficultés que continuent de rencontrer les habitants de ces quartiers en termes de logement, d'éducation ou d'emploi. La situation plaide pour une évolution des politiques d'attribution. Il faut faciliter l'installation des ménages modestes en dehors des QPV. C'est le seul moyen d'appliquer le principe de mixité sociale tout en faisant respecter le droit au logement.
Nous donnons aux organismes HLM de la souplesse pour faire évoluer leurs loyers. Cela doit notamment permettre aux bailleurs de loger des ménages du premier quartile hors QPV en baissant certains loyers ; ces baisses sont compensées par des hausses de loyers sur d'autres logements. Bien sûr, ces changements se font au moment du changement de locataire. Ainsi, le logement ne sera plus lié éternellement à son plan de financement initial, ce qui permettra une gestion plus fine. Cependant, cette réorganisation des loyers reste facultative.
Les mesures renforçant l'application de l'article 55 de la loi SRU font suite aux constats que nous avons faits sur le terrain. Il s'agit notamment de transférer le contingent municipal des communes carencées au préfet : cette mesure se limite aux seules communes carencées, soit 220 communes sur 1 022 communes soumises à la loi SRU. L'incitation financière n'est pas suffisante : certaines communes préfèrent payer des pénalités plutôt que réaliser des logements sociaux. Le transfert du contingent ne se fait que pendant la période de carence.
Deuxième disposition : exonérer certaines communes soumises à la loi SRU, afin de tenir compte des réalités. L'extension des périmètres des EPCI dans le cadre des réformes territoriales récentes a conduit à intégrer dans le périmètre de l'application de l'article 55 des communes éloignées d'une tension d'agglomération. Par exemple, en 2014, 200 nouvelles communes ont été soumises à des obligations de réalisation de logements sociaux. En 2017, certaines dépasseront par regroupement le seuil de 3 500 habitants.
Le projet de loi initial supprime la mutualisation à l'échelle de l'agglomération des objectifs triennaux de rattrapage : cette souplesse avait une légitimité lors de la publication de la loi SRU pour permettre de s'organiser dans le temps à l'échelle d'un EPCI. Mais à l'approche de l'échéance de 2025, elle conduit à une impasse. De plus, l'analyse des politiques de mutualisation mise en oeuvre par certaines agglomérations met en évidence des pratiques contraires à l'esprit de la loi. Des communes comptant très peu de logements sociaux ont vu diminuer leurs obligations au profit de communes disposant de taux plus élevés.
Le texte augmente aussi la contribution obligatoire maximale des communes pour le financement de l'intermédiation locative et précise les modalités de récupération. En effet, certaines communes disent avoir du mal à rattraper leur retard, faute de foncier disponible. Dans toutes les grandes agglomérations de France, il y a des logements vacants dans le parc privé. L'intermédiation locative permet de missionner les associations, qui signent et garantissent le bail, mais choisissent les locataires. Ceux-ci paient un loyer HLM, et il est possible de demander à la commune d'acquitter la différence avec le prix de marché, ce paiement venant en déduction des pénalités qu'elle paie au titre de l'article 55. En Ile-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur, la somme maximale doit passer de 5 000 à 10 000 euros. C'est un bon moyen, pour les communes, de rattraper leur retard, et tout le monde est gagnant. Par ailleurs, le texte augmente la contribution obligatoire maximale des communes pour le financement de la construction de logements. Il passe de 13 000 euros à 50 000 euros. Le coût du foncier l'impose.
Les préfets apprennent parfois tardivement la mutation de biens sur lesquels ils pourraient exercer une préemption. Les maires doivent transmettre la déclaration d'intention d'aliéner (DIA), mais ils le font parfois au dernier moment. La loi leur imposera de le faire moins d'une semaine après l'avoir reçue.
Deux dispositions intéressantes ont été proposées par des parlementaires. La loi de janvier 2013 avait indiqué que les biens de la SOVAFIM devaient s'inscrire dans le dispositif de décote, et qu'un décret le prévoirait. Ce décret n'est jamais sorti. Les députés ont donc décidé de trancher dans la loi. Ils ont aussi prévu la possibilité d'une procédure de gré à gré entre l'État et un organisme HLM. Là encore, le décret a trop tardé.