La réunion est ouverte à 14 h 20.
Bienvenue, Monsieur Thierry Repentin, dans ces lieux que vous connaissez bien. Président de la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier (CNAUF), vous avez été nommé en avril 2015 délégué interministériel à la mixité sociale dans l'habitat. Vous êtes à ce titre chargé d'assurer, en appui des préfets, la coordination et le suivi des actions publiques nécessaires à la mise en oeuvre des objectifs prévus par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) et destinés à assurer une répartition équilibrée de logements sociaux sur l'ensemble du territoire. Vous devez également assurer la coordination et l'harmonisation des programmes d'action établis par les préfets vis-à-vis des communes carencées.
Quel bilan faites-vous de votre action ? Que pensez-vous des dispositions du volet logement du projet de loi « égalité et citoyenneté » ? Deux articles vous intéressent directement en qualité de président de la CNAUF : l'article 32 ter, qui permet à la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) de céder des terrains avec décote, et l'article 33 sexdecies, qui permet de céder de gré à gré des terrains avec décote à condition que la cession compte plus de 50 % de logements sociaux.
J'ai plaisir à revenir devant vous, quelques semaines après être venu présenter un bilan annuel du CNAUF. Le projet de loi « égalité et citoyenneté » me concerne directement. La ministre vous a indiqué hier que ce texte traite non du logement mais bien de la mixité sociale dans l'habitat.
En effet. Ce texte est issu du comité interministériel « égalité et citoyenneté » d'avril 2015. Le Premier ministre y avait annoncé un projet de loi luttant contre l'apartheid social et territorial. L'idée est de faire de l'accès au logement une clef de la lutte contre la ségrégation. Certes, la mixité sociale ne se résume pas à la question du logement, mais beaucoup de difficultés résultent du caractère monofonctionnel de certains territoires du point de vue du logement.
Nous avions contribué à rendre plus lisible ce projet de loi : sur 21 articles initiaux, il n'en restait que 14 à l'arrivée à l'Assemblée nationale. Les députés l'ont substantiellement complété. Nous souhaitions ne pas remettre en cause les dispositions votées dans la loi ALUR et recentrer le texte sur la lutte contre la ségrégation sociale et territoriale. J'ai souhaité qu'il prévoie des mesures d'application immédiate. Ainsi, au moins 25 % des attributions hors quartiers prioritaires de la ville seront destinées aux demandeurs du premier quartile ; sur certaines communes, le contingent communal sera repris par le préfet, et celui-ci ne pourra plus déléguer son contingent.
Si la loi fixe un objectif minimal - 25 % - elle prévoit la possibilité d'une adaptation par la conférence intercommunale avec l'accord de l'EPCI et du préfet. Si le texte devait évoluer, il me semble que cette disposition ne devrait pas changer dans les zones A et B1, où les besoins de rééquilibrage sont les plus forts. Pourquoi supprimer la délégation du contingent du préfet ? Dans les Hauts-de-Seine, 32 communes en bénéficient : en 2014, 47 % des logements du contingent préfectoral ont été attribués à des ménages non prioritaires, contre environ 80 % dans les autres départements franciliens. La fin de la délégation n'interdit pas une concertation entre les services de l'État et les collectivités sur les attributions réalisées.
Le 3 mai 2016, ont été publiés le rapport de l'Observatoire national de la politique de la ville et celui de l'INSEE, qui recensent tous deux les difficultés que continuent de rencontrer les habitants de ces quartiers en termes de logement, d'éducation ou d'emploi. La situation plaide pour une évolution des politiques d'attribution. Il faut faciliter l'installation des ménages modestes en dehors des QPV. C'est le seul moyen d'appliquer le principe de mixité sociale tout en faisant respecter le droit au logement.
Nous donnons aux organismes HLM de la souplesse pour faire évoluer leurs loyers. Cela doit notamment permettre aux bailleurs de loger des ménages du premier quartile hors QPV en baissant certains loyers ; ces baisses sont compensées par des hausses de loyers sur d'autres logements. Bien sûr, ces changements se font au moment du changement de locataire. Ainsi, le logement ne sera plus lié éternellement à son plan de financement initial, ce qui permettra une gestion plus fine. Cependant, cette réorganisation des loyers reste facultative.
Les mesures renforçant l'application de l'article 55 de la loi SRU font suite aux constats que nous avons faits sur le terrain. Il s'agit notamment de transférer le contingent municipal des communes carencées au préfet : cette mesure se limite aux seules communes carencées, soit 220 communes sur 1 022 communes soumises à la loi SRU. L'incitation financière n'est pas suffisante : certaines communes préfèrent payer des pénalités plutôt que réaliser des logements sociaux. Le transfert du contingent ne se fait que pendant la période de carence.
Deuxième disposition : exonérer certaines communes soumises à la loi SRU, afin de tenir compte des réalités. L'extension des périmètres des EPCI dans le cadre des réformes territoriales récentes a conduit à intégrer dans le périmètre de l'application de l'article 55 des communes éloignées d'une tension d'agglomération. Par exemple, en 2014, 200 nouvelles communes ont été soumises à des obligations de réalisation de logements sociaux. En 2017, certaines dépasseront par regroupement le seuil de 3 500 habitants.
Le projet de loi initial supprime la mutualisation à l'échelle de l'agglomération des objectifs triennaux de rattrapage : cette souplesse avait une légitimité lors de la publication de la loi SRU pour permettre de s'organiser dans le temps à l'échelle d'un EPCI. Mais à l'approche de l'échéance de 2025, elle conduit à une impasse. De plus, l'analyse des politiques de mutualisation mise en oeuvre par certaines agglomérations met en évidence des pratiques contraires à l'esprit de la loi. Des communes comptant très peu de logements sociaux ont vu diminuer leurs obligations au profit de communes disposant de taux plus élevés.
Le texte augmente aussi la contribution obligatoire maximale des communes pour le financement de l'intermédiation locative et précise les modalités de récupération. En effet, certaines communes disent avoir du mal à rattraper leur retard, faute de foncier disponible. Dans toutes les grandes agglomérations de France, il y a des logements vacants dans le parc privé. L'intermédiation locative permet de missionner les associations, qui signent et garantissent le bail, mais choisissent les locataires. Ceux-ci paient un loyer HLM, et il est possible de demander à la commune d'acquitter la différence avec le prix de marché, ce paiement venant en déduction des pénalités qu'elle paie au titre de l'article 55. En Ile-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur, la somme maximale doit passer de 5 000 à 10 000 euros. C'est un bon moyen, pour les communes, de rattraper leur retard, et tout le monde est gagnant. Par ailleurs, le texte augmente la contribution obligatoire maximale des communes pour le financement de la construction de logements. Il passe de 13 000 euros à 50 000 euros. Le coût du foncier l'impose.
Les préfets apprennent parfois tardivement la mutation de biens sur lesquels ils pourraient exercer une préemption. Les maires doivent transmettre la déclaration d'intention d'aliéner (DIA), mais ils le font parfois au dernier moment. La loi leur imposera de le faire moins d'une semaine après l'avoir reçue.
Deux dispositions intéressantes ont été proposées par des parlementaires. La loi de janvier 2013 avait indiqué que les biens de la SOVAFIM devaient s'inscrire dans le dispositif de décote, et qu'un décret le prévoirait. Ce décret n'est jamais sorti. Les députés ont donc décidé de trancher dans la loi. Ils ont aussi prévu la possibilité d'une procédure de gré à gré entre l'État et un organisme HLM. Là encore, le décret a trop tardé.
Le Conseil général de l'environnement et du développement durable a fait un rapport sur l'application de la loi SRU. Il s'interroge sur le réalisme des objectifs de rattrapage lorsque les communes en sont très éloignées, et recommande que le préfet ne prononce pas la carence lorsqu'elles sont en progression. Qu'en pensez-vous ?
Un cas d'exemption a été introduit dans le texte, sur proposition des EPCI, pour les communes insuffisamment reliées au bassin d'activité et d'emploi par le réseau des transports en commun. Pourquoi pas ? Mais comment ce dispositif s'appliquera-t-il ? Pour les communes comprises dans des plans de prévention du risque inondation (PPRI), l'exemption ne sera plus automatique. Pourquoi ?
En Ile-de-France, le seuil pour relever de l'article 55 de la loi SRU est fixé à 1 500 habitants, contre 3 500 ailleurs. Faut-il maintenir cette différence ? Les députés ont prévu la suppression de la DSU pour les communes carencées. Qu'en pensez-vous ? La ministre nous a indiqué que ce n'était pas son choix. C'est inquiétant. Quelles sont les communes concernées ? Leur nombre ne va-t-il pas augmenter ? La commission nationale de la loi SRU voit son rôle renforcé par ce texte. Qu'en pensez-vous ?
Vous avez indiqué que c'est parce que le décret n'a pas été publié que l'article 32 ter prévoit que l'ensemble des cessions de la SOVAFIM sera soumis à la décote. Le Gouvernement a déclaré que les décrets sont en cours d'élaboration. Seront-ils publiés ? L'article sera-t-il retiré ? Pouvez-vous nous donner les chiffres relatifs à ces cessions ?
Si le logement est un élément essentiel d'intégration, il faut aussi un accompagnement social par la scolarisation, la culture... Or j'ai l'impression que l'État procède à une recentralisation autoritaire, alors qu'il aura besoin des élus locaux pour l'accompagnement social. Ceux-ci en sont un peu froissés.
Vous avez pris en compte l'impact conséquent des nouvelles cartes intercommunales et de l'apparition des communes nouvelles, tant mieux ! Vous devez prendre en compte les opérations de location-accession à la propriété, fréquentes et utiles en zone urbaine ou péri-urbaine, lorsqu'il n'y a aucun bailleur social pour venir construire. L'engagement des communes y est donc important. Pour les familles en question, l'accession à la propriété permet de se projeter vers l'avenir et de financer, ultérieurement, la prise en charge de la dépendance.
Quand vous parlez de mixité sociale dans l'habitat, l'entendez-vous immeuble par immeuble ou par patrimoine immobilier ? Faire partir les occupants qui ont, au fil des années, dépassé les plafonds, libérera certes des logements pour d'autres locataires, mais cela ne réduira-t-il pas la mixité sociale dans les immeubles ? Faut-il continuer à raisonner commune par commune, ou passer au périmètre intercommunal ? Le président de l'intercommunalité a désormais son mot à dire... Il faudrait arrêter de concentrer les logements sociaux dans certaines communes : une fois dépassé le seuil, une commune ne devrait plus pouvoir en construire.
Au Sénat, gauche et droite ont convenu de « s'apprivoiser » sur les nouveaux périmètres d'intercommunalité. Le symbole de cet accord est l'entrée en vigueur progressive du Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI). S'il y en a un, ainsi qu'un Plan Local de l'Habitat Intercommunal (PLHI), il ne devrait pas y avoir lieu de sanctionner.
J'ai connu des préfets qui ne savaient même pas identifier leur contingent ! Vous avez raison de remettre de l'ordre. Il faut remettre le parc privé dans la réflexion. La mixité de l'habitat existe de moins en moins, et l'emploi de cette expression relève de l'hypocrisie. Les plus pauvres continuent à être logés dans le parc privé. Il faut une vraie mobilisation !
En début de quinquennat, nous avons eu le choc de la loi ALUR, dont l'effet concret a été un arrêt de la construction. La situation commence à se rétablir, et voilà un nouveau texte, dont je ne perçois guère l'intérêt, si ce n'est de donner satisfaction à une partie de la majorité. Le problème de la mixité se pose, en réalité, dans les communes comptant plus de 50 % de logements sociaux. Que fait-on dans ces villes ? Pensez-vous que les préfets résoudront le problème ? J'ai détruit dans ma ville plusieurs tours ou ensembles immobiliers des années soixante. Qui les avait bâtis ? Les préfets. Le problème de la majorité est qu'elle se défie trop des élus locaux. Les maires sont tout à fait capables de faire ce que la loi leur impose. On parle toujours des communes carencées, mais certaines ont un problème de manque de terrains ! Sous prétexte que deux ou trois cents communes ne font pas leur travail, faut-il imposer à toutes un carcan législatif ?
Au-delà des quelques exemples d'insertion réussie des populations nomades - notamment en Seine-Saint-Denis - avez-vous pris en compte des modèles développés à l'étranger ? Ceux-ci évitent que ces populations ne s'imposent aux populations sédentaires.
La ministre a rappelé sa volonté d'accroître la mixité sociale. La meilleure méthode est de mixer les publics des programmes. Pourquoi l'accession sociale n'est-elle pas prise en compte dans le quota des logements locatifs ?
Nombre de communes font des efforts considérables pour accueillir les gens du voyage. Une place d'accueil coûte environ 100 000 euros. Ces places ne devraient-elles pas être comptabilisées dans le quota des logements sociaux ?
Nous manquons d'un vrai bilan de l'application de la loi SRU. Dans le Val-de-Marne, les dix-sept communes carencées sont les mêmes depuis quinze ans. Pourtant, des milliers de logements y ont été construits par des promoteurs privés. En réalité, 70 % des demandeurs de logements sont éligibles à un logement social. Des demandeurs de logements sont parfois réorientés vers une ville voisine. Dans les intercommunalités, il faut maintenir les exigences ville par ville. Dans mon département, certaines communes sont à 5 % et d'autres à 40 %. Suffira-t-il de faire la moyenne ? C'est inacceptable ! L'État a créé une nouvelle exigence pour les aires de grand passage, qui pose de grosses difficultés en Ile-de-France.
Je partage les avis exprimés sur la prise en compte des opérations d'accession et celle des places d'accueil pour les gens du voyage. Vous avez évoqué la mobilisation du parc privé vacant : cela existe déjà, pourrait-on le prendre en compte ? Que pensez-vous de la situation des communes balnéaires ? Peut-on amender l'article 55 de la loi SRU pour elles ?
Je n'avais pas prévu d'intervenir, mais je ne peux pas ne pas réagir en entendant une fois de plus la rhétorique consistant à dénoncer un « carcan » législatif. Quinze ans qu'on nous parle de ce carcan ! Si l'action spontanée des collectivités territoriales suffisait, cela se saurait. Si la loi est un carcan, fermons boutique ! Il y a une éminente dignité de la loi, qui permet d'atteindre des objectifs républicains. On présente parfois la loi SRU à la population avec une certaine démagogie...
Si vous pensez qu'il ne faut pas de loi, dites-le ! La mixité sociale doit aller de pair avec la mixité fonctionnelle.
Les effets de seuil sont partout. Certaines communes qui ont fusionné découvrent que, d'un point de vue financier, elles ont fait une mauvaise affaire. Je crois à la fusion des communes, mais les résultats m'incitent à la prudence. Attention à ce que les seuils pour l'application de la loi SRU ne soient pas dissuasifs pour la fusion des communes. Quel est l'objectif principal ? La mixité dans les petites communes ou la diminution du nombre global de communes ?
La prochaine loi de finances restreindra la proportion de communes éligibles à la DSU, qui passera des trois quarts à deux tiers. La DSU est fléchée. L'idée de la supprimer en cas de carence me semble scandaleuse. Pour construire, les communes ont besoin de moyens financiers. La loi est utile, à condition de fixer des objectifs réalistes. Passer de 20 % à 25 % avant 2025 enverra nombre de communes dans le mur : inacceptable ! Au moins, il faudrait un indicateur de faisabilité.
En Seine-Saint-Denis, beaucoup de communes achèveront leur PLU en mars 2017. La métropole reprendra la compétence au 1er janvier 2017, ou peut-être 2018. Comment les délais pourront-ils être tenus pour la métropole du Grand Paris ?
Les allègements de contraintes sur les parkings ont pour conséquence que certains locataires renoncent à utiliser le parking non parce qu'ils n'auraient pas de voiture, mais parce que le parking est payant et non couvert par les APL...
L'idée de ne pas prononcer d'arrêté de carence lorsque le rythme de rattrapage est important est déjà mise en oeuvre : le constat de carence relève d'une analyse libre des préfets, à la fin des trois ans. C'est pourquoi les pratiques ne sont pas toujours les mêmes entre des départements voisins. Les préfets tiendront compte des contrats de mixité sociale : le Premier ministre leur a envoyé une circulaire en ce sens. Sur 221 communes carencées, près de 200 ont signé un tel contrat, ou s'apprêtent à le faire.
Dans ces contrats de mixité sociale, des élus s'engagent par exemple à changer leur PLU ou leur PLUI, pour insérer des dispositifs garantissant une mixité : des emplacements réservés avec 100 % de logement social ou des secteurs à mixité sociale où ils s'assureront qu'en cas de réalisation de plus de 10 à 15 logements, il y aura 30 % à 35 % de logements sociaux. La commune peut aussi identifier des terrains de maîtrise publique, à savoir des terrains de la commune mis à disposition pour rattraper le retard. En cas de mutation, certains parcelles privées feront l'objet d'une préemption par la commune ou par un organisme de logement social auquel elle délègue le droit de préemption ; voici autant d'éléments tangibles d'un engagement de la commune à rattraper son retard, sans forcément mettre des moyens financiers supplémentaires. En contrepartie, l'État s'engage à inscrire prioritairement ces communes pour les agréments de logements sociaux et les subventions afférentes...Ce sont des engagements contractuels. Il serait bon que l'année prochaine, lorsque les préfets devront prononcer des arrêtés de carence, ils tiennent compte des engagements des conseils municipaux. Ainsi, le maire de Charbonnières-les-Bains, commune carencée près de Lyon que M. Carle connaît bien, a signé un contrat de mixité sociale, de même que le maire de La Wantzenau, dans le Bas-Rhin. Partout où je vais, je défends cet outil. Les 22 autres communes ont fait le choix de payer. Le contrat de mixité sociale, Madame la rapporteur, est une réponse effective aux propositions du Conseil général de l'environnement et du développement durable.
Il y a une voie pour sortir des communes de l'exemption d'application de la loi SRU - normalement, la loi s'applique pour des communes de plus de 3 500 habitants ayant intégré récemment une intercommunalité de plus de 50 000 habitants - or, parfois, elles sont très éloignées d'une agglomération. Sur proposition du président de l'EPCI concerné, après instruction par les services de l'État, le ministre pourra exonérer la commune des dispositions de la loi SRU. C'est un nouveau dispositif : la commission nationale « SRU » voit ses pouvoirs effectivement élargis, alors qu'elle ne se prononce actuellement que sur l'allègement ou non des plans triennaux de rattrapage liés à des conditions locales d'impossibilité. Là, compte tenu de la situation, elle donnera un avis sur l'exonération. En cas d'instruction uniquement départementale, on ne comprendra pas les différences d'exonération d'un département à un autre. Cette commission assurera une vision générale. Soyons vigilants sur la composition de cette commission. Le Parlement doit être représenté, car cette commission est l'expression d'une loi. Peut-être faudrait-il qu'un élu la préside. Aujourd'hui, c'est forcément un conseiller d'État - le Conseil assurant la pérennité du droit. Comme cette composition relève du domaine législatif, vous pouvez la modifier.
L'Assemblée nationale a estimé que les communes carencées ne percevront plus de DSU, afin de les distinguer d'autres communes qui font des efforts. M. Dallier, au plan national, la DSU représente 1,8 milliard d'euros. Seraient exemptées de la perception 29 communes pour une dizaine de millions d'euros : remettons les choses en perspective ! Elles percevront de nouveau la DSU lorsqu'elles sortiront du processus de carencement - qui a lieu tous les trois ans. Monsieur Dallier, vous êtes l'élu de l'un des départements ayant le plus bénéficié de l'aide aux maires bâtisseurs : 17 communes de votre département l'ont perçue, pour 5,5 millions d'euros. Ce nouveau dispositif accompagne des territoires réalisant un effort de programmation de logements, et ayant un potentiel financier inférieur à 1 030 euros par habitant. La commune de Romainville, sur votre territoire, est celle qui a le plus touché cette dotation. Elle comprend de nombreux logements sociaux, et l'État a même vendu un terrain pour faire de l'accession à la propriété, afin de rééquilibrer.
Je suis très surpris de ne rien avoir touché ! Comment avez-vous fait ?
C'est en application de la loi : 17 villes en Seine-Saint-Denis, plus de 400 communes en ont bénéficié en 2015, première année d'application. À titre personnel, je trouve surprenant que des communes carencées qui ne programment aucun logement social puissent toucher l'aide aux maires bâtisseurs. C'est le département de M. Carle qui en perçoit le plus. Il faudrait tenir compte aussi de la programmation des logements sociaux. Parfois, l'aide aux maires bâtisseurs est supérieure aux pénalités de l'article 55 de la loi SRU.
Monsieur Delattre, selon vous, il faut s'occuper de la mixité lorsqu'on a 60 % à 70 % de logements sociaux.
Je suis totalement d'accord. Lorsque la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier vend, sur ces communes avec de nombreux logements sociaux, du foncier de l'État, nous nous assurons qu'il existe une programmation largement majoritaire en accession à la propriété, en défiscalisation, pour rattraper un retard. C'est d'intérêt public. L'État doit tantôt vendre du terrain pour faire plus de logements sociaux pour rattraper le retard, tantôt faire l'inverse sur une commune ayant beaucoup de logements sociaux. Le meilleur exemple, c'est Romainville.
En décembre 2000, à l'adoption de la loi SRU, le pourcentage moyen de logements sociaux dans notre pays était de 20 % par agglomération. Si le raisonnement était de 20 % à 25 % de logements sociaux par agglomération, il n'y aurait quasiment plus besoin de créer des logements de sociaux en France. C'est pour cela que la loi SRU prévoit ce chiffre à l'échelle communale. La loi a permis de programmer 480 000 logements sociaux en 15 ans ; c'est insuffisant et il faut continuer. Si vous voulez adopter l'échelle de l'agglomération, il faudrait mettre 30 % à 35 % de logements sociaux pour obtenir l'équivalent. Lorsqu'une commune centre a 70 % de logements sociaux et que plusieurs communes voisines en ont 5 %, la moyenne dépasse les 20 %. Il reste 1,8 million de demandes de logements sociaux dans notre pays. Cela se traduit par un seuil différencié de 1 500 en Ile-de-France par rapport à celui de 3 500 en région, dû à la tension plus marquée sur ce marché : pour 800 000 ménages sur les listes d'attente, 640 000 se trouvent en Ile-de-France. L'effort doit donc être partagé par un plus grand nombre de communes en Ile-de-France. À l'inverse, on me demandait à l'Assemblée nationale pourquoi ne pas passer à 1 500 habitants partout ; je ne pense pas que cela soit une solution.
La SOVAFIM a cédé, entre 2014 et 2015, huit territoires ayant permis la construction de 829 logements dont 716 sociaux. Elle a été créée pour valoriser certains biens de l'État, notamment du patrimoine SNCF et du patrimoine militaire. Selon la loi, elle doit s'insérer dans le dispositif de la décote. Le décret n'est jamais sorti. Un amendement autorisera que le patrimoine restant encore non vendu par la SOVAFIM puisse être vendu avec une décote, si nécessaire. La décote ne s'applique qu'en cas de nécessité : lorsqu'il y a du logement social, lorsqu'on n'arrive pas à équilibrer une opération... Précédemment, je vous avais déjà expliqué ce mécanisme. Je suis régulièrement saisi par certains élus sur du patrimoine SOVAFIM, comme à Saint-Malo, où la société ne fait pas de décote alors qu'une caserne de gendarmerie de plusieurs centaines de logements pourrait être mise sur le marché. J'espère qu'avec cet article nous pourrons débloquer la cession.
Vous indiquiez qu'il n'y avait plus de dérogation automatique pour les PPRI. Selon la loi SRU, dès que 50 % du territoire urbanisable était ciblé par un document pointant des risques - inondations, avalanches, submersion marine, exposition au bruit - une dérogation à la loi SRU s'appliquait. L'Assemblée estime que cette automaticité n'est pas justifiée : cela ne dédouane pas la commune de faire un effort, y compris de programmation de logements sociaux, sur les 50% constructibles. La loi prévoit que ces communes pourront toujours être exclues sur proposition de l'EPCI après avis de la commission nationale « SRU ». C'est la même procédure que celle de l'exclusion pour desserte insuffisante.
L'accession sociale à la propriété est un maillon essentiel dans le parcours résidentiel, pour plus de fluidité, y compris dans le parc locatif social. S'agissant du décompte, il y a une dérogation pour le parc HLM vendu à ses occupants pendant 5 ans. Il n'y a pas eu d'ouverture sur l'accession sociale à la propriété car il n'y a pas eu de blocage des communes pour aider à l'accession à la propriété. Certes, certains maires qui ne veulent pas de logement locatif social freinent, mais l'accession à la propriété est moins problématique. Il n'y aura pas de comptabilisation de l'accession sociale à la propriété.
J'ai proposé que les aires familiales destinées aux gens du voyage sédentarisés, occupées à l'année, soient comptabilisées au titre de l'article 55 - et non les aires de grand passage. Cela pourrait être intéressant pour les communes faisant l'effort de programmer la sédentarisation de ces populations. Cela entrera dans les documents intercommunaux prévoyant la programmation de ces aires d'accueil.
Avec l'application définitive de la loi NOTRe au 1er janvier 2017, certaines communes exclues de l'article 55 devront appliquer la loi SRU car elles intégreront un EPCI de plus de 50 000 habitants, avec un rattrapage arrivant à échéance en 2025. Mon département compte six communes de plus de 3 700 habitants. J'ai proposé à celles entrant dans des agglomérations de plus de 50 000 habitants, de les aider à obtenir 20% de logements sociaux. Les communes entrées dans le dispositif lors de la loi SRU, en 2000, ont eu 25 ans pour rattraper le retard, celles entrant au 1er janvier 2017 n'auront que 7 ou 8 ans !
Dans la métropole du Grand Paris, 40 % des communes de la petite couronne ont intégré ce territoire à statut particulier. Il n'y aura pas de programme local de l'habitat (PLH) intercommunal avant un certain temps... Comment le calendrier de la métropole s'articulera-t-il avec les contraintes de la loi ?
Oui, mais c'est un sujet à regarder de près. Personne ne reviendra sur l'évolution de la prise de la compétence logement par une intercommunalité, car elle est à l'échelle du bassin de vie. L'existence d'une commission d'attribution à l'échelle de l'agglomération avec voix prépondérante du président de l'EPCI ne signifie pas que les maires seront exclus. On ira vers davantage de fichiers partagés pour une bonne gestion du parc HLM. La loi pose le principe que le PLH ne peut plus être adopté sans un volet foncier qui lui est annexé. Le PLH, document très bien fait, doit désormais indiquer un ciblage foncier. Comme cela se fait à l'échelle intercommunale, les maires resteront partie prenante.
Je regrette de ne plus siéger parmi vous pour suggérer, de manière volontariste, à des communes en retard ou carencées qu'elles utilisent dans les PLU ou PLUI les outils des secteurs de mixité sociale et des emplacements réservés. Ainsi, l'État aiderait les communes sous ces conditions.
C'est une bonne règle du jeu. Les promoteurs le sauraient à l'avance, et vous aideriez les maires à rattraper leur retard. Parfois, des maires en commune carencée m'appellent pour modifier le PLU - capacité que j'ai mais que j'utilise peu : en 6 mois, je peux faire une déclaration de projets pour changer le PLU afin d'y insérer des secteurs de mixité sociale ; la population le saurait et les promoteurs achèteraient les terrains moins cher. Ce serait une bonne proposition, certes surprenante de la part du Sénat au regard de sa majorité actuelle, d'aider tout le monde et cela entrerait dans l'esprit des gens.
Cela se fait tout seul. Même lorsque les promoteurs ont le permis, ils doivent vendre 40 % à 50 % de leur surface. Quand on fait 100 logements en accession à la propriété, il y en a 20 ou 30 en logement social. Le promoteur arrive donc facilement à 50%, et obtient un engagement bancaire automatique. Pourquoi voir toujours les choses en noir ? Cela aide les promoteurs privés à démarrer leurs affaires. Pourquoi rajouter encore des contraintes ?
C'est une analyse. Le promoteur, lorsqu'il vient, sait qu'il doit faire de 20 % à 50 % de logements sociaux. Si ce n'est pas dans le PLU, ce n'est pas opposable et le permis de construire ne peut pas être refusé et on ne peut lui imposer un pourcentage de logement social.
Je partage complètement la nécessité de ne pas oublier les PLU et leurs outils. M. Carle a dit des choses fort justes sur la comptabilisation des logements sociaux. Je m'interroge sur le prêt locatif social (PLS). Comment est-il comptabilisé ?
Pour le moment, il n'y a pas de modification du décompte du PLS, sauf à ce que le Parlement le décide. Il est toujours comptabilisé. Les logements étudiants ou les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) que vous créerez seront comptabilisés comme logements sociaux, ce qui peut poser question.
Monsieur le ministre Sueur, nous sommes des élus dans le « carcan » des règles de la République, qui est fait pour une meilleure gestion de la cité. Je ne peux pas imposer une limite maximale de 60 kilomètres par heure en ville ; la loi impose 50 kilomètres par heure. Vous êtes obligés d'entretenir les écoles publiques.
La mixité sociale dans le logement ne peut s'abstraire d'un débat sur la mixité fonctionnelle - vous évoquiez une « mixité d'usage ». Cela relève de la compétence de Patrick Kanner.
Il vous répondra. J'ai essayé d'être le plus équilibré possible. C'est dans l'équilibre que résident les solutions, et je compte sur le Sénat pour améliorer le texte, car il n'y aura qu'une seule lecture.
Merci beaucoup de cet éclairage intéressant. Je relève une contradiction : on ne peut pas dire que c'est le périmètre de la commune qui doit être la référence, et dans le même temps que lorsqu'une commune entre dans une agglomération de plus de 50 000 habitants, c'est le PLU de l'agglomération qui compte.
La loi SRU ne s'applique que dans des communes de plus de 3 500 habitants intégrant des agglomérations de plus de 50 000 habitants. Certaines communes, qui étaient auparavant en dehors de telles agglomérations, y entreront du fait de la loi NOTRe. Elles devront donc appliquer la loi SRU.
Je propose à M. Repentin d'apporter des compléments par écrit et de répondre également à des questions qui n'auraient pas été posées.
La réunion est levée à 15 h 50.