Intervention de Bernard Roman

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 20 juillet 2016 à 11h05
Article 13 de la constitution — Audition de M. Bernard Roman candidat proposé aux fonctions de président de l'autorité de régulation des activités ferroviaires et routières arafer

Bernard Roman, candidat proposé par le président de la République aux fonctions de président de l'Arafer :

Merci de votre accueil. C'est avec humilité que je me présente devant vous car votre commission compte les meilleurs spécialistes de ces questions. C'est aussi avec solennité, conscient de l'honneur que me fait le Président de la République en me proposant pour cette fonction qui relève de l'article 13 de la Constitution : le pouvoir de nomination du Président est encadré par votre décision. Solennité aussi car, si je suis nommé à la tête de cette autorité, je serai le garant de son indépendance. Je mesure l'importance stratégique de cette fonction, au regard des enjeux nationaux et européens.

Je suis député depuis 1997, membre depuis dix-neuf ans de la commission des lois, que j'ai présidée durant deux ans. Je suis également questeur de l'Assemblée nationale. Certes, je ne suis pas spécialiste des transports mais je me suis impliqué, dans mes mandats locaux, sur ces dossiers. Comme adjoint au maire de Lille, Pierre Mauroy, et vice-président de la communauté urbaine pendant 25 ans, j'ai négocié avec la SNCF et Réseau ferré de France (RFF) le tracé du TGV Nord et la construction de la gare de Lille TGV et du quartier d'affaires qui la surplombe, Euralille. Comme premier vice-président de la région Nord-Pas-de-Calais, j'ai négocié à trois reprises, avec le président Daniel Percheron, le contrat sur les TER avec la SNCF. Sur la question latente de la tarification des péages, nous avons su innover : nous avons été la seule région à avoir financé des lignes TER-GV prolongeant des lignes TGV. En tant que conseiller général, je me suis aussi occupé, comme nombre d'entre vous, de l'organisation et du financement des transports scolaires.

N'étant pas expert de ces sujets, j'ai beaucoup travaillé depuis dix jours. J'ai refusé de me faire préparer mon intervention, car je souhaite vous convaincre de ma passion à accepter cette mission, aussi importante qu'exaltante, au service de l'État.

Vous avez rappelé le cadre juridique. En 2001, le premier paquet ferroviaire européen a obligé les États membres à se doter d'une autorité de régulation indépendante pour préparer l'ouverture à la concurrence du transport de marchandises. En 2009, la loi ORTF a créé l'Araf. Celle d'août 2014 l'a renforcée, et la loi Macron a élargi les missions de l'Araf, devenue Arafer, au transport interurbain de moins de 100 kilomètres et aux concessions autoroutières. La loi du 30 mai 2016 ratifiant un accord bilatéral franco-britannique sur les conditions d'accès au tunnel sous la Manche conforte encore l'Arafer.

Mais les lois ne sont rien sans les décrets d'application, or certains ne sont toujours pas publiés. Nous attendons toujours les trois contrats stratégiques décennaux avec les trois Epic de la SNCF, notamment SNCF Réseau, sur lequel l'Arafer a un droit de regard. Nous attendons également le décret sur la règle d'or encadrant le financement, hors endettement supplémentaire, des investissements. Je me propose, si vous me nommez, de faire pression auprès du Gouvernement, au nom de l'Arafer, pour que ces décrets sortent sans délais.

Le quatrième paquet ferroviaire, qui vient d'être bouclé à Bruxelles et va être soumis à la ratification par chaque État membre, ouvre le transport de voyageurs à la concurrence à compter du 1er décembre 2020 sur toutes les lignes non concédées, c'est-à-dire les lignes à grande vitesse, et à compter de 2023 sur toutes les lignes concédées. L'objectif est de procéder par appels d'offres à compter de 2024 pour toutes les autorités organisatrices de transports (AOT).

Les missions de l'Arafer ont été accrues, notamment en 2015, sans que ses moyens augmentent. Le président Cardo s'en est plaint à plusieurs reprises. J'y reviendrai.

Le mandat de président de l'Arafer est de six ans. Par courtoisie, j'ai voulu rencontrer Pierre Cardo ; il m'a devancé. Présenter le bilan de l'Arafer, c'est d'abord rendre hommage à l'action de son premier président, Pierre Cardo, qui, à partir d'une coquille vide, a mis en place avec ténacité une structure dotée de services performants et a affirmé son indépendance vis-à-vis des opérateurs, notamment la SNCF, et du Gouvernement. Il a su fédérer le collège de l'Arafer, qui est de grande qualité : toutes les décisions importantes ont été prises à l'unanimité. Si je suis nommé, je m'inscrirai dans les pas de Pierre Cardo.

Parmi les missions historiques de l'Arafer, cela consistera à assurer aux opérateurs autres que la SNCF l'accès au réseau pour le fret ferroviaire et à améliorer le fonctionnement du secteur. Parmi ses outils, les avis conformes et simples, le règlement des différends, l'exercice d'un pouvoir réglementaire supplétif qui provoque parfois quelques démangeaisons dans les cabinets ministériels... L'Arafer régule également le cabotage sur les lignes internationales. Ces missions sont toujours d'actualité.

Les régions, en tant qu'AOT, tendent à prendre le relai des entreprises ferroviaires pour mieux maîtriser les redevances. La mission d'accès au réseau prendra plus d'ampleur avec la poursuite de l'ouverture à la concurrence. La réforme de 2014 a renforcé les pouvoirs de l'Arafer : l'avis conforme a été élargi aux gares, ateliers de maintenance et fournisseurs d'énergie, dont certains sont gérés par SNCF Mobilités, ce qui pose un problème de concurrence déloyale... Il faudra y mettre de l'ordre, dans les pas de Pierre Cardo.

L'Arafer a aussi un rôle nouveau dans le rétablissement de l'équilibre financier du système, qui soulève une immense inquiétude : la dette historique de la SNCF, non maastrichtienne et assumée par les gouvernements depuis trente ans, est de 40 milliards d'euros pour SNCF Réseau et de 13 milliards d'euros pour SNCF Mobilités. On ne peut rester inerte. La règle d'or et la compétence donnée à l'Arafer sur les conditions dans lesquelles SNCF Réseau pourra engager tout chantier de plus de 100 millions d'euros sans rompre l'équilibre budgétaire sont essentielles. Il faut publier le décret !

Troisième mission, le suivi des transports. Un observatoire des marchés, multimodal depuis 2015, fournit des informations synthétisées au législateur et à l'exécutif afin de leur offrir une vision de l'évolution de l'organisation des transports. La loi Macron a imposé la déclaration à l'Arafer des liaisons par autocar de moins de 100 kilomètres. Les régions peuvent saisir l'Arafer des situations de concurrence déloyale avec les services publics de transport. Dans 80 % des cas, sur les 80 demandes, l'Arafer n'a pas estimé qu'il y avait concurrence déloyale avec les TER.

Le suivi du secteur est une mission passionnante qui a démarré au 1er octobre 2015. Les résultats du dernier trimestre 2015 et du premier trimestre 2016 montrent une augmentation de 80 % de la fréquentation sur les lignes d'autocars. Va-t-elle continuer à croître, ou se tasser ? C'est en tout cas un élément de l'offre de transport à prendre en compte.

La loi Macron a chargé l'Arafer d'ouvrir un registre des gares routières. Celles-ci sont régies par une ordonnance de 1945 ; depuis, rien n'a évolué. Il est temps de réorganiser l'égal accès des autocaristes à ces gares.

Dernier secteur, les autoroutes. L'Arafer a une mission de transparence sur la composition des commissions des marchés. Elle a mis son veto sur certaines, où il existait un risque de conflits d'intérêts. À la suite du rapport de l'Autorité de la concurrence sur les bénéfices jugés démentiels des sociétés d'autoroutes - près de 24 % en 2015 ! - un groupe de travail a réuni sénateurs et députés. Certains envisageaient la nationalisation - qui aurait coûté 50 milliards d'euros. Ce travail s'est conclu par un protocole, qui n'a jamais été communiqué aux députés ni, j'imagine, aux sénateurs...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion