J'y viendrai. Dans le monde politique, deux principes me semblent essentiels : respecter les concurrents, et pouvoir se regarder dans la glace tous les matins. Il ne faut pas hésiter à exprimer les désaccords ; et, le cas échéant, en tant que président de l'Arafer, je n'accepterai aucune demande ou pression de la part du Président ou du ministre des transports.
Les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ans partagent la responsabilité d'avoir laissé le réseau se dégrader. Il serait irresponsable de ne pas concentrer tous les moyens humains et financiers sur sa rénovation. Au-delà du drame de Brétigny-sur-Orge, plusieurs accidents n'ont été évités que de justesse. Le coût d'une rénovation globale du réseau est estimé à 30 milliards d'euros ; ce sont 30 000 kilomètres de voies, dont 20 000 à rénover, avec certains sillons très difficiles à fermer en raison de leur forte fréquentation. Pendant dix ans, SNCF Réseau a consacré tous ses moyens d'investissement aux lignes à grande vitesse, au détriment de l'entretien du réseau existant. C'est par conséquent une priorité qui doit être inscrite dans le contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État. C'est la position que j'exprimerai. Aucun autre investissement ne saurait être réalisé sur les LGV si cela doit aggraver le déficit de SNCF Réseau.
Les gares françaises ont deux propriétaires : SNCF Réseau pour les quais, et SNCF Mobilités, à travers Gares et Connexions, pour le reste. Ce reste, disons-le, est la partie la plus juteuse. À la clé, deux redevances, et une illisibilité totale du retour sur investissement. Celui qui paie le plus est SNCF Réseau, celui qui reçoit le plus est SNCF Mobilités. De plus, Mobilités sera en position de concurrence déloyale au moment de l'ouverture. Plusieurs solutions sont envisagées pour y remédier : transférer la propriété des gares à un quatrième Epic, à une filiale de SNCF Réseau - solution proposée par Pierre Cardo - ou aux régions. La dernière solution n'est pas praticable : la France compte 3 000 gares - ce qui nous place en deuxième position derrière l'Allemagne, qui en a 6 300 - dont la taille varie considérablement. La proposition de l'Arafer est la bonne, mais il faut aller très vite. En tout cas, SNCF Mobilités ne saurait récupérer la propriété des gares.
L'intermodalité est le grand défi auquel la France n'a pas su répondre. Comment se fait-il que dix fois plus de marchandises, en volume, soient transportées par le fret en Suisse qu'en France ? Pourquoi l'intermodalité totale entre le canal, la mer, le rail, la route et l'air, ne se fait-elle pas ? Un exemple tiré de mon expérience : la base aérienne militaire de Cambrai ferme. Sachant que le canal Seine-Nord passe par Cambrai, que trois autoroutes s'y croisent, il y avait de quoi créer une plateforme quadrimodale idéale. Nous n'y sommes pas parvenus, parce que la perspective d'un aéroport de fret, à laquelle les parlementaires étaient favorables, a suscité une levée de bouclier des habitants - on peut le comprendre - et des élus du territoire. Nous avions beau faire valoir que les avions cargos feraient moins de bruit que les Mirage, nous n'avons convaincu personne.
L'une des causes de la baisse du fret ferroviaire réside dans les conditions de réservation, d'annulation et de réaffectation des sillons. Les opérateurs préfèrent attendre le dernier moment pour obtenir, à un prix beaucoup plus modique, des sillons annulés ; et certains sillons pré-réservés par la SNCF sont abandonnés au dernier moment, et ne sont pas repris. Dans ces conditions d'incertitude, les entreprises préfèrent la route.
Les règles de sécurité s'imposant au matériel roulant et les conditions d'accès au dispositif des opérateurs étrangers sont décrites précisément dans le quatrième paquet, qui comprend également des règles sociales.
L'opérateur historique est une fierté. Nous le conserverons à condition de le laisser opérer sereinement sa mutation, qui ne se fera pas sans les 150 000 hommes et femmes qui y travaillent. Usager fréquent du train, je rencontre les cheminots. Même ceux qui appartiennent à la CGT reconnaissent qu'ils devront accepter des évolutions. Le récent accord, accepté par la CGT, a été décrit comme une capitulation, mais il introduit la polyvalence - des agents travaillaient 20 heures payées 35 - et la possibilité d'accords locaux d'entreprise, dérogatoires des accords nationaux.