Monsieur le ministre, je vous remercie à mon tour de votre propos introductif.
L'évolution que ce projet de loi connaîtra au cours des débats parlementaires sera fortement marquée par ce que nous vivons depuis quelques mois : c'est inévitable. Récemment encore, seul Paris était visé par ces attaques. À présent, avec Nice et Saint-Étienne-du-Rouvray, elles touchent l'ensemble du pays. La perception qu'en ont nos concitoyens s'en trouve nécessairement transformée.
Le présent texte a un intitulé extrêmement ambitieux, qui pourrait à lui seul résumer un véritable projet de société ! Mais il ne faudrait pas qu'il devienne un projet de loi fourre-tout. Compte tenu de la période que nous traversons, ce texte doit être une réforme extrêmement importante, ayant pour ambition de réunir l'ensemble de la société, bref un projet à la fois social et sociétal.
Notre pays connaît de profondes disparités, notamment selon les origines sociales ou géographiques. Or l'État déploie des efforts qui doivent transparaître dans ce projet de loi. Comment donc faire pour réduire les inégalités que nous constatons, qui perdurent et même parfois s'aggravent, malgré les efforts consentis ?
À l'heure actuelle, nous n'avons pas encore les moyens de nos ambitions. Il est donc indispensable de parler avec nos concitoyens.
À cet égard, je rejoins Jean-Pierre Sueur : notre société actuelle est déstructurée. On le constate au titre des modèles familiaux. Un jour venant, peut-être aborderons-nous enfin la place du père dans la famille. Quand on regarde le profil des terroristes qui ont commis les derniers attentats, un constat est tout à fait frappant : l'absence de structure familiale, voire de toute attention portée à l'enfant, puis à l'adolescent. Il s'agit là d'un problème de fond, qui se double ensuite de difficultés scolaires ou sociétales. À aucun moment ces jeunes n'ont pu retrouver une forme de famille ou d'entité commune. Or, à mon sens, seule la Nation est à même de faire évoluer cette situation.
À ce titre, il ne serait pas illogique que les ministres de l'éducation et de la culture s'approprient eux aussi ce projet de loi. Ce choix serait symboliquement fort.
Il va sans dire que l'effort de financement doit être considérablement renforcé en faveur de la petite enfance, de l'école maternelle et de l'école primaire. Toutefois, ce travail ne sera pas accompli du jour au lendemain. Il me semble donc impératif d'aller dans le sens d'un service civique ou militaire obligatoire. Ainsi, l'on assurera le brassage de l'ensemble des jeunes, tout en favorisant l'idée de citoyenneté, fruit de notre histoire, conduisant chacune et chacun, quelles que soient ses origines, notamment géographiques, à se retrouver autour d'un discours commun, autour de perspectives communes. Même si l'école agit, ce projet commun n'existe pas encore suffisamment.
Deuxièmement, après Yves Rome, je dirai un mot des outils numériques.
Aujourd'hui, beaucoup de jeunes déstructurés ou déconnectés d'une vie sociale traditionnelle utilisent le numérique. Parfois, ils maîtrisent très bien cet outil, ils en sont aussi familiers que de la télévision. Dans ce cadre, comment éviter une banalisation de la violence, en particulier par le biais des jeux vidéo ? Entre l'imaginaire des jeux vidéo et la réalité, la différence n'est parfois pas suffisamment perçue. Comment notre responsabilité collective, celle de l'État, peut-elle être engagée ? Comment assurer une surveillance plus efficace pour éviter cette effroyable banalisation de la violence ? Cette problématique rejoint celle des chaînes d'information en continu, qui font des drames que nous vivons une série de faits divers permanente. C'est là un enjeu sociétal majeur.
Troisièmement et enfin, je remarque que l'on évoque une nouvelle fois les ghettos de pauvres. Mais il y a aussi des ghettos de riches, et les deux réalités sont parfois liées ! Le sujet du logement social concerne directement la commission des affaires économiques. En la matière, il faut bien sûr accroître le parc de logements sociaux existants par de nouvelles constructions, mais cela ne suffira pas ! Il faut également assurer un bon environnement éducatif, culturel et sportif.