Intervention de François Zocchetto

Réunion du 27 septembre 2016 à 14h30
Justice du xxie siècle — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « modernisation de la justice du XXIe siècle » : voilà un intitulé lourd à porter ! Il faut dire que lors de la présentation de la première mouture de ce texte, il y a maintenant un an, les excès de langage étaient habituels. Mais, depuis, les choses ont changé et nombre d’entre nous conviennent qu’il aurait été sage et raisonnable de donner au projet de loi un titre plus proche de la réalité : l’actuel ne pourra susciter que déceptions et incompréhensions.

Pourtant, ce texte était attendu, il est nécessaire. Chacun reconnaît que la justice en France ne fonctionne pas bien : elle est engorgée, les délais sont anormalement longs, les décisions sont souvent imprévisibles, voire contradictoires. Tout cela a inévitablement entraîné, au fil du temps, une perte de confiance de nos concitoyens dans l’autorité judiciaire. Et que dire de la grande question de l’exécution des peines, qui n’est pas abordée dans ce texte ?

Dans ce contexte où chacun fait plutôt preuve de bonne foi depuis quelques mois, pourquoi avoir voulu court-circuiter le Sénat et organiser l’examen de ce texte de façon incohérente ? En effet, alors que l’Assemblée nationale a attendu six mois après la première lecture au Sénat pour se saisir de ce projet de loi, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée et fait voter par les députés des dispositions de première importance, que nous n’aurons donc pas eu la possibilité d’examiner. Pourquoi une telle attitude ? Monsieur le garde des sceaux, nous avons été meurtris et choqués que le Sénat, pourtant très volontariste sur ces sujets et bien préparé au débat par de nombreux rapports de la commission des lois ou de commissions d’enquête, soit exclu du jeu !

Il aurait été de bonne méthode de tenir compte de ses travaux, comme vous l’avez fait, plus tôt cette année, en matière de procédure pénale, en reprenant les principales dispositions – pas toutes, malheureusement – de la proposition de loi d’origine sénatoriale que nous avions votée au mois de décembre 2015. À l’inverse, comment comprendre que l’on veuille, au travers du présent texte, supprimer purement et simplement la collégialité de l’instruction, sans avancer d’argument crédible ? L’affaire d’Outreau n’est pas si loin ! Le rapporteur, tout en tenant compte des contraintes budgétaires et de la difficulté de créer des postes, propose de maintenir la possibilité de la collégialité de l’instruction dans certains cas : cette suggestion mérite d’être retenue.

Que penser aussi de l’attitude consistant à vouloir imposer abruptement le divorce sans juge, alors que ce sujet est de première importance et concerne une bonne partie de nos concitoyens ? Un vrai débat doit s’engager sur ce thème. Il est possible d’alléger la procédure tout en garantissant le respect des droits élémentaires de chacun des conjoints et des enfants mineurs ; c’est ce que propose la commission des lois du Sénat.

Que dire encore de la brutalité avec laquelle on voudrait imposer la procédure de changement de la mention du sexe dans l’état civil ? C’est là aussi un sujet important, et ce n’est pas parce qu’il ne concerne que peu de personnes que le législateur ne doit pas s’y intéresser. Un simple dispositif déclaratif entraînera à mon avis plus de problèmes qu’il ne permettra d’en régler.

Comment comprendre que l’on veuille supprimer les tribunaux correctionnels des mineurs, quelques années après leur création ? Personne ne pourra nier que les délits commis par des mineurs âgés de seize à dix-huit ans en situation de récidive peuvent mériter de faire l’objet d’un examen par une juridiction spécialisée, plutôt que d’être renvoyés devant le juge des enfants.

Enfin, la mutualisation des effectifs de greffes proposée par la commission des lois du Sénat est une mesure de bon sens, dont on ne comprend pas qu’elle soit écartée par l’Assemblée nationale et le Gouvernement.

En conclusion, monsieur le garde des sceaux, sur les sujets que je viens d’évoquer, tout n’est pas encore définitivement perdu, mais il vous appartient d’encourager l’Assemblée nationale, dont vous présidiez voilà quelques mois encore la commission des lois, de reprendre les propositions du Sénat sur la collégialité de l’instruction, le divorce sans juge ou le changement d’état civil pour les personnes transsexuelles.

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