Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 27 septembre 2016 à 21h30
Justice du xxie siècle — Article 17 ter, amendements 50 14

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne, rapporteur :

Les amendements n° 50 et 14 ont pour objet de rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, qui prévoit la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel.

Tout d’abord, la commission des lois a encadré ce dispositif. Elle a entendu réserver le divorce par consentement mutuel sans juge aux couples sans enfant mineur. En effet, il lui semble que la procédure proposée par les députés risquerait de ne pas suffisamment protéger les intérêts des enfants mineurs.

Ensuite, elle a rendu la nouvelle procédure sans juge optionnelle : pourquoi contraindre les époux à emprunter cette voie plutôt que la voie judiciaire ? L’avantage de la solution ainsi proposée est d’éviter que les époux ne soient obligés de supporter le coût significatif que représente le recours à deux avocats, plutôt qu’à un seul.

Si le Gouvernement a chiffré l’économie susceptible d’être réalisée par l’État à environ 4, 25 millions d’euros, le coût de cette mesure pour les justiciables correspond, quant à lui, à une somme estimée entre 53 et 80 millions d’euros. En effet, alors que les époux n’ont actuellement recours au service que d’un seul avocat dans 80 % des cas, ils devraient désormais prendre chacun un avocat.

Le Gouvernement pourrait certes faire valoir que les époux pourront bénéficier de l’aide juridictionnelle. Toutefois, cela ne concernerait qu’environ un tiers des ménages. Le coût demeurerait donc significatif pour les justiciables et atteindrait globalement entre 35 et 53 millions d’euros. En outre, l’économie attendue par l’État s’en trouverait totalement annulée, puisque la réforme lui coûterait alors un peu plus de 10 millions d’euros.

Pour toutes ces raisons, la commission émettra un avis défavorable sur ces deux amendements.

L’amendement n° 112 rectifié, quant à lui, vise à exclure les couples avec enfants du champ de la procédure de divorce déjudiciarisée, que les époux soient ensemble les parents de ces enfants ou non.

Cette nouvelle exception est trop large. Dès lors que l’un des parents aurait un enfant, l’intervention du juge serait obligatoire. Or, si cette exclusion du champ du divorce conventionnel peut se justifier dans les cas où le conjoint du parent s’est investi dans l’éducation de l’enfant et lui a apporté des soins continus, elle est plus discutable lorsque le conjoint du parent ne s’est pas ou peu intéressé à cet enfant. Comme l’amendement ne tend pas à distinguer entre ces différentes situations, la commission y est défavorable.

Enfin, l’amendement n° 113 rectifié a pour objet les modalités d’exercice de l’autorité parentale, notamment en cas de changement de résidence de l’un des parents. La commission ne peut en mesurer les conséquences aujourd’hui, dans la mesure, notamment, où le dispositif de l’amendement comporte certaines notions imprécises, telles que la répartition des frais de déplacement de l’enfant en fonction des ressources véritables « et potentielles » de chacun des parents ou encore la priorité donnée au « maintien des repères de l’enfant ».

L’amendement tend à encadrer de manière excessive la marge d’appréciation du juge et entre donc en contradiction avec la logique actuelle du code civil, lequel pose les grands principes que le juge doit respecter dans son appréciation in concreto de chaque espèce. L’article 373-2-6 du code civil dispose à cet effet que « le juge du tribunal de grande instance délégué aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises […] en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs » et qu’il « peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l'effectivité du maintien des liens de l'enfant avec chacun de ses parents. »

Compte tenu de ces dispositions, la commission est également défavorable à cet amendement.

Au total, la commission est donc défavorable à l’ensemble des amendements qui sont ici en discussion commune.

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