Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 27 septembre 2016 à 21h30
Justice du xxie siècle — Article 18 quater

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne, rapporteur :

Cet amendement tend à rétablir l’article 18 quater dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire le transfert aux officiers de l’état civil de la procédure de changement de prénom et de la celle de changement de sexe.

S’agissant de la procédure de changement de prénom, la commission n’est pas opposée, dans son principe, à une telle déjudiciarisation. Cette mesure avait même été proposée par nos collègues Catherine Tasca et Michel Mercier, dans leur rapport d’information intitulé Justice aux affaires familiales : pour un règlement pacifié des litiges.

Toutefois, dans leur rapport, nos collègues insistaient sur la nécessité, tout comme pour l’enregistrement des pactes civils de solidarité, de transférer aux communes les moyens correspondant à ces nouvelles attributions, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Quant à la procédure de changement de sexe à l’état civil, la commission a estimé que fonder cette procédure sur l’autodétermination, sur des faits allégués par le demandeur lui-même et ses proches, ne lui apportait pas une sécurité juridique suffisante.

Elle a donc préféré s’inspirer de la jurisprudence dégagée par la Cour de cassation depuis 1992, tout en l’adaptant pour supprimer toute référence au caractère pathologique du transsexualisme.

Elle a également abandonné la référence au traitement médico-chirurgical. En effet, cette rédaction donnait lieu à des différences d’interprétation de la part des juges du fond, certaines juridictions refusant le changement d’état civil aux personnes qui n’avaient pas subi d’opération chirurgicale lourde, conduisant à une modification des organes génitaux et à une stérilisation.

Pour éviter ces divergences d’interprétation, la commission des lois a précisé que le seul fait de ne pas avoir subi d’opération chirurgicale conduisant à une modification des organes génitaux ou à une stérilisation ne pouvait motiver le refus de faire droit à la demande.

Ce point a toute son importance. J’ai effectivement reçu un certain nombre de coups de téléphone et de messages électroniques émanant de personnes à qui cette précision avait échappé.

En revanche, dans un souci d’objectivation de la procédure, et pour s’assurer que la demande de changement de sexe à l’état civil ne reposait pas sur un trouble temporaire, la commission a prévu une appréciation médicale de la demande. Cet avis médical pourrait être élaboré à partir des pièces fournies par le demandeur, et non sur la base d’une expertise systématique.

Comme l’a souligné Mme Dominique Lottin, Premier président de la cour d’appel de Versailles, lorsque nous l’avons auditionnée, « se présenter publiquement comme appartenant au sexe revendiqué, être connu sous un sexe, en avoir l’apparence physique : tout cela est éminemment subjectif et ouvre la porte à une diversité d’interprétations ».

C’est pourquoi l’avis médical nous semble indispensable. Quand une personne transsexuelle entre dans un processus de changement, elle a affaire au monde médical, qui compte des spécialistes de la question.

Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.

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