Intervention de Juliette Méadel

Réunion du 29 septembre 2016 à 10h30
Croix-rouge française — Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Juliette Méadel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’aide aux victimes :

Monsieur le président, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, qui est actuellement en déplacement dans les Antilles et en Guyane.

L’examen de cette proposition de loi relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux me donne l’occasion de remercier une nouvelle fois, devant la représentation nationale, les 57 000 bénévoles et 18 000 salariés de la Croix-Rouge française, ainsi que l’ensemble des forces de secours, de leur engagement exemplaire aux côtés des victimes, comme j’ai pu le constater dès les premières heures après l’attentat survenu à Nice le 14 juillet dernier. Je l’ai rappelé, avant-hier encore, à son président, Jean Jacques Eledjam, lors de notre entretien au secrétariat d’État chargé de l’aide aux victimes.

Je tiens également à saluer l’action de la Croix-Rouge en faveur de la formation des Françaises et des Français aux gestes qui sauvent sur l’ensemble du territoire. Dans le contexte actuel de menace terroriste importante, faire de chaque citoyen un acteur de sa propre sécurité et de celle des autres est un témoignage précieux de fraternité et de solidarité.

À l’instar des modules de sensibilisation proposés depuis cette rentrée dans les établissements scolaires, je souhaite, et je travaille en ce sens avec l’ensemble du Gouvernement, que des initiatives semblables puissent être prises dans les entreprises et les administrations.

Si les missions de secourisme de la Croix-Rouge française sont bien connues du grand public, celle du rétablissement des liens familiaux est plus confidentielle, plus subtile, mais pourtant essentielle.

Cette tâche délicate, qui consiste, je le rappelle, à réunifier les membres d’une famille séparés par un conflit, une catastrophe naturelle ou une crise humanitaire, est assurée par la Croix-Rouge depuis 1949.

Au mois d’avril dernier, la directrice générale de celle-ci, Annie Burlot-Bourdil, a attiré l’attention du Gouvernement sur les difficultés auxquelles la Croix-Rouge est régulièrement confrontée en raison de l’état du droit, l’empêchant d’accéder à certaines informations détenues par l’administration sur des personnes recherchées par leurs proches. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de soutenir la proposition de loi de la députée Françoise Dumas que nous examinons aujourd’hui.

En réalité, cette proposition de loi n’est rien moins que la concrétisation d’un engagement pris, voilà deux ans, par le Président de la République lui-même.

Le texte répond ainsi pleinement aux attentes légitimes de la Croix-Rouge française tout en garantissant le strict respect de la vie privée et du droit à l’oubli des personnes recherchées.

Je rappelle que, l’année dernière, 562 demandes de recherche ont été traitées par la Croix-Rouge française et 23 familles ont pu être réunies grâce au travail de longue haleine de l’ensemble des salariés et bénévoles du Comité international de la Croix-Rouge.

Bien que les deux tiers de ces demandes concernent des personnes séparées pendant la Seconde Guerre mondiale, les nombreux conflits et catastrophes humanitaires qui affectent aujourd’hui le monde, et la France en particulier, notamment ces drames terribles qui se produisent aux frontières extérieures de l’Europe, confèrent à la mission de rétablissement des liens familiaux une importance considérable. Je pense bien sûr à la crise migratoire sans précédent – la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale – qui frappe la zone euro-méditerranéenne et qui nous concerne tous directement.

Nous-mêmes, nous accueillons sur notre sol des populations, des femmes, des hommes, souvent accompagnés de leurs enfants, qui ont bravé tous les dangers pour fuir la guerre, la dictature, la barbarie, les persécutions qui ravagent leur pays natal.

Dans les Balkans ou en Méditerranée, ils empruntent alors le long et terrible chemin de l’exode vers ce qu’ils espèrent être une vie meilleure, vers la paix et vers la sécurité. L’année dernière, dans ce contexte, plus d’un million de personnes sont arrivées sur le territoire de l’Union européenne. Et, au cours de la même période, environ 3 700 migrants ont trouvé la mort en tentant de traverser la Méditerranée. Bien des familles ont été meurtries, brisées, déchirées sur les routes de l’exil. Certaines d’entre elles sont en deuil, d’autres espèrent encore.

Face à ces drames, notre responsabilité absolue – celle que le droit international nous confère, mais aussi notre responsabilité éthique, morale et politique – est de tout faire, dès lors qu’il y a encore de l’espoir, pour donner une chance à ces familles qui ont tout perdu, ou presque, de se retrouver de nouveau, de se réunir pour traverser ces épreuves.

Cela suppose de donner à la Croix-Rouge française, dont chacun connaît le sérieux, le professionnalisme et la crédibilité, les moyens nécessaires à l’accomplissement de cette mission. C’est ce que nous sommes en train de faire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte soumis à votre examen introduit trois dérogations dans le droit existant pour permettre à la Croix-Rouge française, dans sa mission de rétablissement des liens familiaux, d’obtenir, pour déterminer le sort de la personne recherchée, toutes les informations indispensables de la part des administrations d’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics administratifs, des organismes de sécurité sociale et des organismes qui assurent la gestion des prestations sociales.

Il appartient dès lors à ces organisations, sous le contrôle de la Commission d’accès aux documents administratifs, d’apprécier le caractère indispensable des informations demandées, ce qui introduit une certaine souplesse dans le dispositif pour éviter les demandes superflues ou celles qui excèdent les limites de la mission de rétablissement des liens familiaux.

La Croix-Rouge française pourra également obtenir communication des copies intégrales et extraits d’actes de l’état civil, et vérifier l’inscription d’une personne sur les listes électorales.

En outre, l’article 4 de la proposition de loi rappelle les principes déjà appliqués par la Croix-Rouge française dans le traitement du rétablissement des liens familiaux, à savoir le consentement écrit préalable de toute personne retrouvée avant communication de ses coordonnées aux membres de la famille qui la recherchent.

Je veux, pour terminer, remercier le Sénat, plus particulièrement la rapporteur, Marie Mercier, des améliorations apportées au texte en commission. Lorsque la cause est noble, les forces républicaines savent se rassembler pour faire aboutir les projets d’intérêt général. C’est ce qui explique que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 15 juin dernier, et c’est la raison pour laquelle sans doute en sera-t-il de même au Sénat. Je l’espère en tout cas.

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