Séance en hémicycle du 29 septembre 2016 à 10h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • colombie
  • croix-rouge
  • familiaux
  • rétablissement

Sommaire

La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 461-1 du code de commerce, M. le Premier ministre, par lettre en date du 28 septembre 2016, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière de concurrence sur le projet de nomination de Mme Isabelle de Silva aux fonctions de présidente de l’Autorité de la concurrence.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires économiques.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

Est autorisée la ratification de la convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l'aviation civile internationale, faite à Pékin le 10 septembre 2010, signée par la France le 15 avril 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Est autorisée la ratification du protocole complémentaire à la convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs, fait à Pékin le 10 septembre 2010, signé par la France le 15 avril 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je mets aux voix le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale et du protocole complémentaire à la convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs (projet n° 751, texte de la commission n° 857, rapport n° 856).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant les centres d'excellence mis en œuvre dans le cadre de la stratégie de rationalisation du secteur des systèmes de missiles, signé à Paris le 24 septembre 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni, de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord concernant les centres d’excellence mis en œuvre dans le cadre de la stratégie de rationalisation du secteur des systèmes de missiles (projet n° 752, texte de la commission n° 855, rapport n° 854).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Didier Guillaume, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le président, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste et républicain, je tiens à vous dire que, hier, le Sénat ne s’est pas honoré : en se cachant derrière l’argutie juridique de l’article 45 de la Constitution dans le cadre des travaux de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi Égalité et citoyenneté, il a même, au sujet du droit à l’avortement, suivi les instincts les plus vils et les plus conservateurs. Je l’affirme devant Mme Michèle André, qui a, par le passé, assumé les fonctions de secrétaire d’État chargée des droits des femmes !

Bien sûr, l’article 45 a toute sa légitimité. Toutefois, ce 28 septembre n’était pas un jour anodin : c’était celui de la grande campagne du planning familial en faveur du droit à l’avortement pour toutes les femmes. Il s’agit bien de l’égalité des femmes ! §Considérer, sous la pression des lobbies, que ce sujet ne relève pas du projet de loi Égalité et citoyenneté constitue, à nos yeux, un véritable recul.

Au cours de la même journée d’hier, notre institution a assisté à deux événements exceptionnels.

Le matin, à la bibliothèque de la Haute Assemblée, Robert Badinter remettait à M. le président du Sénat un exemplaire de son discours en faveur de l’abolition de la peine de mort. Ce document a ainsi rejoint les archives de notre assemblée. Sur toutes les travées, nous applaudissons désormais des deux mains cette immense avancée qu’a été l’abolition de la peine de mort. Or, l’après-midi même, la commission spéciale opérait l’immense recul que je viens de rappeler !

Cette décision n’est pas tolérable. Nous continuerons à nous battre pour le droit des femmes à disposer de leur corps, à disposer d’elles-mêmes, pour le droit à l’avortement. Il faut avoir conscience des évolutions à l’œuvre sur internet, notamment sur les réseaux sociaux. Au XXIe siècle, on ne peut refuser d’admettre que, dans notre pays, divers sites internet nient le droit à l’avortement et contestent ainsi le droit des femmes à disposer de leur corps.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. Aussi me devais-je, au nom du groupe socialiste et républicain tout entier, de formuler cette mise au point. Ce rappel au règlement est très fort. Nous avons été choqués par l’emploi de cette argutie juridique, qui, loin d’honorer le Sénat, le fait revenir quarante ans en arrière !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain – MM. André Gattolin et Michel Billout applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Mon cher collègue, acte vous est donné de votre rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (projet n° 750, texte de la commission n° 837, rapport n° 836).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du développement et de la francophonie

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous est soumis ce matin le projet de loi autorisant l’approbation de la convention fiscale entre la France et la Colombie signée à Bogota le 25 juin 2015.

Après plusieurs années de négociations, ouvertes à la demande de la Colombie à partir de 2009, l’accord auquel nous sommes parvenus avec nos partenaires colombiens a été adopté par l’Assemblée nationale le 30 juin dernier. Cette convention est importante, car elle répond au besoin de sécurité juridique tant de nos compatriotes que de nos entreprises présents en Colombie.

Tout d’abord, j’appelle votre attention sur les dispositions de ce texte qui permettront à nos deux États de bénéficier d’un cadre adapté pour éviter les doubles impositions et prévenir l’évasion et la fraude fiscales.

Sous réserve d’aménagements dus aux législations internes, les dispositions de la convention fiscale entre la France et la Colombie sont globalement conformes au modèle de convention de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, dont la dernière version a été publiée en 2014.

La Colombie est, avec le soutien de la France, en voie d’accession à l’OCDE. Il convient de préciser que, au sein de cette instance, le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales a évalué favorablement, cette année, le cadre juridique du pays et sa pratique au regard des standards internationaux.

Le texte qui est aujourd’hui soumis à votre approbation vise à clarifier les règles de répartition des droits d’imposer entre les deux parties. Son article 10 pose le principe de l’imposition des dividendes dans l’État de résidence de leur bénéficiaire. Il prévoit également la possibilité que l’État de la source puisse les imposer aux taux maxima de 5 % ou 15 %. Quant aux intérêts, l’article 11 limite leur imposition à la source à un taux de 10 %.

En outre, cette convention fixe les modalités d’élimination de la double imposition en combinant la méthode de l’exonération et celle de l’imputation, sur l’impôt français, d’un crédit d’impôt, en vertu de l’article 22.

Par ailleurs, comme vous pourrez le constater à l’article 24, au cas où le contribuable se trouverait en situation de double imposition, la convention prévoit une procédure amiable et un dispositif d’arbitrage.

De plus, la convention fiscale avec la Colombie comporte un arsenal de mesures visant à empêcher qu’elle ne permette des montages d’évasion fiscale et des situations de double exonération. Comme vous le savez, la France est en pointe dans les travaux de l’OCDE tendant à prévenir l’érosion de la base fiscale et le transfert de bénéfices, …

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

… ce qui transparaît dans ce texte. Plusieurs clauses anti-abus y ont été introduites sur l’initiative de la France aux articles 10, 11, 12, 20 et 26.

Ensuite, je tiens à insister sur l’importance de cette convention pour notre relation bilatérale avec la Colombie.

Troisième puissance économique d’Amérique du Sud, la Colombie connaît une phase de croissance soutenue depuis plusieurs années et se révèle toujours plus attractive pour les investisseurs internationaux. Elle constitue une porte d’entrée privilégiée en Amérique du Sud, d’autant qu’elle est bien insérée dans le commerce mondial, que ce soit à travers l’Alliance du Pacifique ou via son accord de libre-échange avec l’Union européenne.

Représentant le dix-septième excédent commercial français en 2014, la Colombie constitue un marché stratégique pour la France, qui y exporte principalement du matériel de transport, des produits pharmaceutiques et des produits chimiques ou cosmétiques.

En termes d’investissements directs à l’étranger, ou IDE, la Colombie est déjà un partenaire de premier ordre : au total, 150 filiales françaises y sont implantées à ce jour. Casino, Renault, Schneider Electric, ou encore Veolia jouent un rôle important dans l’économie colombienne. Je précise à ce titre que la Colombie avoisine les 50 millions d’habitants !

La signature, le 26 septembre dernier, de l’accord de paix historique entre le gouvernement colombien et les forces armées révolutionnaires de Colombie, les FARC, lors de laquelle j’ai eu l’honneur de représenter la France, contribuera encore à améliorer l’environnement sécuritaire du pays. Celui-ci deviendra plus attractif encore pour nos entreprises et pour nos ressortissants.

Cet événement est historique. Il peut sembler un peu lointain vu d’Europe, mais son importance est essentielle, après cinquante-deux ans d’une guerre civile atroce. Il doit aussi être l’occasion, pour la France, de resserrer ses liens avec la Colombie et de lui témoigner son soutien dans la mise en œuvre du processus de paix. L’accord conclu doit être ratifié par référendum dimanche prochain. Les dernières enquêtes d’opinion donnent le oui gagnant avec 60 % des voix. Toutefois, les sondages ne sont pas toujours très fiables en Colombie.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

Dans ce contexte, la convention fiscale signée au mois de juin 2015 permettra de renforcer les échanges commerciaux et financiers, ainsi que les IDE entre nos deux pays. Elle fait suite à l’accord sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements franco-colombiens signé en 2014.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les principales observations qu’appelle la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui présenté à votre approbation.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Après la paix, la prospérité : l’accord signé lundi dernier entre le gouvernement colombien et les forces armées révolutionnaires de Colombie, les FARC, après plus d’un demi-siècle de conflit, devrait lever le dernier obstacle majeur à la normalisation de la situation de la troisième puissance économique d’Amérique latine. Bien entendu, nous souhaitons que le référendum de dimanche prochain aille dans ce sens ! Je relève à cet égard que, si les sondages ne sont pas toujours fiables en Colombie, ils peuvent également être sujets à caution dans d’autres pays…

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

M. André Vallini, secrétaire d'État. Je ne me prononcerai pas !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Les sondages ne sont pas une science exacte…

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Quoi qu’il en soit, depuis plusieurs années, le gouvernement colombien mène une politique d’ouverture aux échanges et aux investissements internationaux, laquelle s’est traduite par une série d’accords avec ses partenaires. La convention fiscale du 25 juin 2015 entre la France et la Colombie, que nous examinons aujourd’hui, s’inscrit précisément dans ce cadre. Elle vient compléter l’accord conclu entre les deux pays sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements, texte que le Sénat a approuvé le 12 juillet dernier.

Disons-le d’emblée : cet accord est tout aussi important pour la France que pour la Colombie, car aujourd’hui ces deux pays ne sont liés par aucune convention fiscale. Les particuliers comme les entreprises sont donc soumis à un risque de double imposition, avec une retenue à la source de 33 % sur les revenus « remontés » vers la France. Jusqu’à présent, pour l’éviter, les entreprises n’ont souvent pas d’autre choix que de réaliser leurs investissements via des filiales en Espagne. En effet, notre voisin espagnol est lié à la Colombie par une convention fiscale depuis 2005. Toutefois, ce passage par un pays tiers se fait au prix de lourdes complications.

Cet accord permettra donc d’encourager, entre nos deux États, des échanges et des investissements qui offrent d’ores et déjà des perspectives prometteuses : la Colombie est notre deuxième partenaire commercial en Amérique du Sud, et nos entreprises y sont très présentes dans le domaine de la grande distribution ou dans le secteur des infrastructures. M. le secrétaire d’État a cité le groupe Casino. Je précise que cette entreprise représente, en Colombie, 100 000 emplois directs et 200 000 emplois indirects. Elle y est ainsi, sauf erreur de ma part, le premier employeur.

Dans le détail, la convention fiscale franco-colombienne est largement conforme au dernier modèle de l’OCDE. Sur certains points, elle se révèle même plus ambitieuse que celui-ci.

Ainsi, les revenus passifs bénéficient d’un traitement favorable : 5 % ou 10 % d’imposition pour les dividendes, 10 % pour les intérêts et 10 % pour les redevances. Le choix des seuils et le vaste champ des exonérations aboutissent, globalement, à un régime plus favorable que le modèle de l’OCDE ou le passage par l’Espagne. En tout état de cause, ce dispositif est préférable à la retenue à la source de 33 %.

Toutefois, nos deux États ont veillé à préserver leur souveraineté fiscale sur certaines de leurs activités, notamment sur les activités extractives. Ces dernières sont d’une grande importance pour la Colombie, dont le sous-sol est riche en minerais et en hydrocarbures. En 2013, elles représentaient environ 70 % des exportations colombiennes.

Ainsi, les activités extractives sont présumées constituer un « établissement stable » dès lors qu’elles dépassent deux mois, contre six mois en vertu du droit commun.

Du côté de la France, une série de dispositions permet la bonne application de régimes dérogatoires, notamment en matière d’investissements immobiliers.

Enfin, la convention fiscale entre la France et la Colombie est un texte exemplaire en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Il faut dire que nos deux pays ont une même vision de ce combat : très active au sein de l’OCDE, la France peut souvent compter sur le soutien de la Colombie, laquelle est confrontée depuis longtemps à une évasion fiscale de grande ampleur.

Cette communauté de vues a permis d’introduire dans cette convention deux clauses anti-abus générales et plusieurs clauses sectorielles, visant, d’une part, les montages artificiels et, de l’autre, les montages dissimulant le « bénéficiaire effectif ».

Pour ce qui concerne la coopération fiscale, le dispositif prévu est très complet. Il servira de base à l’échange automatique d’informations que la France et la Colombie se sont engagées à mettre en œuvre dès 2017. Rappelons à cet égard que la Colombie est jugée pleinement conforme par le Forum mondial de l’OCDE sur la transparence fiscale.

Mes chers collègues, en conclusion, cette convention fiscale entre la France et la Colombie est non seulement nécessaire, mais elle est de surcroît équilibrée et ambitieuse : c’est pourquoi je vous propose d’adopter ce projet de loi sans modification.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la commission des finances applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Il est des signatures qui ont sans doute plus d’importance que d’autres… Bien sûr, on peut bel et bien se satisfaire de la passation d’une convention fiscale entre la République française et la République de Colombie et de la discussion de ce projet de loi de ratification. Mais il va sans dire que ce débat se révèle plutôt anecdotique au regard de l’accord signé cette semaine à Cartagena del Atlántico entre le gouvernement colombien et les représentants des forces armées révolutionnaires de Colombie qui, sous les auspices de Cuba, de la France et d’autres pays, met un terme à cinq décennies de guerre civile.

Puisse cet accord de Cartagena clore le sombre chapitre du narco-État des années quatre-vingt, avec ses politiciens corrompus, ses militaires persuadés de leur immunité judiciaire, ses assassinats de syndicalistes paysans et de militants ouvriers, sans oublier ses enlèvements de journalistes – certains d’entre eux ont été froidement abattus sans que les coupables soient jamais retrouvés.

Puissance économique émergente, productrice de quelques-uns des cafés les plus délicats de la planète, la Colombie, avec un territoire grand comme deux fois la France et peuplé d’environ 50 millions d’habitants, est désormais la troisième puissance économique du subcontinent, après le Brésil et l’Argentine. Elle figure à présent dans le top 20 des pays producteurs de pétrole : sans doute cet aspect de la question n’est-il pas en l’occurrence tout à fait secondaire…

Dans le même temps, le pays est confronté à des enjeux majeurs d’éducation, étant donné la jeunesse de sa population. Il doit également se consacrer à la valorisation des régions rurales, au développement de ses activités industrielles et économiques, ou encore à la lutte contre le sous-emploi et l’emploi informel. Nous devons l’aider à relever tous ces défis.

On observe dès lors que la convention fiscale dont il nous est aujourd’hui donné de débattre ne constitue que l’un des aspects de la situation. Bien sûr, elle correspond en bien des points aux règles fixées par l’OCDE en matière de coopération fiscale. Mais elle ne va manifestement pas assez loin dans le sens d’une plus grande transparence du travail à accomplir, en commun, par nos deux administrations fiscales.

Il est évident que ce texte se préoccupe fondamentalement des revenus de capitaux et du patrimoine, dans le droit fil de la loi n° 1739 de 2014, qui a modifié une bonne partie des règles fiscales en vigueur en Colombie en faveur des investissements privés nationaux comme étrangers.

Il est pourtant acquis, pour ce qui nous concerne, que la durabilité du développement de ce nouveau grand État d’Amérique du Sud ne pourra répondre aux défis qui l’attendent que dans le cadre d’une large socialisation des solutions apportées aux besoins immenses d’une population exprimant de fortes attentes. Or la lutte contre la fraude fiscale compte au nombre des enjeux soulevés dans ce cadre, pour notre partie comme pour la partie colombienne.

Dans l’attente, au regard des exigences du moment et des orientations mêmes de la coopération fiscale internationale menée ces derniers temps, nous ne pouvons que nous abstenir sur ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui vient à point. Est-ce un hasard du calendrier ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Lundi dernier, après cinquante-deux ans d’un terrible conflit armé, un accord de paix historique a été signé entre le gouvernement de Colombie et la guérilla des FARC. Nous espérons tous que, lors du référendum de dimanche prochain, une très large majorité du peuple colombien se prononcera pour la ratification de cet accord. Cette étape essentielle vers la paix permettra d’agir sur cette face obscure de la Colombie que M. Foucaud a indiquée : le trafic de drogue, la violence et la corruption.

Toutefois, le débat d’aujourd’hui porte essentiellement sur l’économie. À cet égard, il faut observer que cette paix va créer un climat favorable aux investissements, en particulier aux investissements étrangers. Il faut s’en réjouir, car la Colombie offre de nombreuses opportunités d’investissement.

La France est déjà présente en Colombie, qu’il s’agisse du secteur pétrolier, de la grande distribution – M. le rapporteur a rappelé que, à travers le groupe Casino, elle était le premier employeur du pays –, des hôtels, du bâtiment et des travaux publics, avec Vinci, ou encore des assurances, avec Axa. Au total, les entreprises françaises comptent 150 filiales en Colombie.

De son côté, la Colombie va diversifier son économie et améliorer ses infrastructures. Ce faisant, elle va ouvrir de nouvelles possibilités d’investissement.

Forte d’un marché significatif – elle compte près de 50 millions d’habitants –, elle dispose d’un PIB de 250 milliards de dollars : on mesure ainsi l’importance de ce pays, qui constitue la troisième puissance économique d’Amérique du Sud.

Malgré l’absence de convention fiscale, nos intérêts économiques en Colombie, je le répète, sont déjà importants. Les échanges commerciaux bilatéraux ont triplé entre 2004 et 2013. Depuis 2006, notre pays enregistre en Colombie un excédent commercial élevé – nous en avons bien besoin ! –, qui s’établit à 620 millions d’euros par an. Au demeurant, la France est l’un des premiers investisseurs étrangers en Colombie.

Au mois de janvier 2015, François Hollande a signé avec son homologue colombien, M. Santos, une convention bilatérale destinée à développer les relations économiques et à créer un comité stratégique franco-colombien.

L’accord qui est aujourd’hui soumis à notre examen est une preuve supplémentaire des liens étroits noués, en la matière, par nos deux pays. Il offrira un cadre juridique propice au développement des investissements français en Colombie. Il constitue donc un précieux complément de l’accord franco-colombien sur la protection des investissements.

L’entrée en vigueur de ce nouvel accord fera gagner du temps et de l’argent aux investisseurs français. Ces derniers ne subiront plus le prélèvement à la source de 33 %, que le fisc colombien applique aux dividendes, intérêts et redevances. De plus, ils ne courront plus le risque d’une double imposition. Enfin, comme M. Doligé l’a relevé, ils n’auront plus à transiter par l’Espagne pour réaliser leurs investissements en Colombie. Cette procédure peu claire, pour ne pas dire kafkaïenne, va prendre fin, et nous nous en réjouissons.

Parallèlement, la présente convention couvre largement le sujet de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. À ce titre, elle comporte des dispositions très complètes, qui permettront d’éviter le détournement des avantages offerts par son intermédiaire.

Le dispositif relatif à l’échange de renseignements est encore plus exigeant que le Base Erosion and Profit S hifting, le fameux BEPS élaboré par l’OCDE. Il ouvre la voie à l’échange automatique d’informations : c’est précisément la solution que nous recherchons, étant donné qu’elle évite de perdre du temps par suite de discussions inutiles ou d’éventuels mouvements de mauvaise volonté.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Tant que ce dispositif ne sera pas entré en vigueur, il conviendra sans doute de veiller à ce que les autorités fiscales colombiennes fassent preuve de rapidité et d’exactitude dans la transmission des données, problème que nous connaissons avec d’autres pays moins lointains que la Colombie. Je n’en dirai pas davantage ; les membres de la commission des finances en ont débattu ce matin même, en auditionnant M. Moscovici…

En outre, je souligne le fait que les renseignements échangés pourront être utilisés à des fins autres que fiscales, en particulier pour renforcer la lutte contre le narcotrafic.

Au surplus, en tant que sénateur des Français établis hors de France, je note avec satisfaction que cette convention fiscale simplifiera la vie de nos concitoyens établis en Colombie. Leur nombre, qui avoisine aujourd’hui les 5 500, est en constante augmentation. À l’avenir, les intéressés pourront résoudre beaucoup plus facilement les questions fiscales qui leur sont posées.

Enfin, les pensions du secteur privé seront désormais imposées au lieu d’habitation. Quant aux subsides reçus de l’étranger par les étudiants, les apprentis, les stagiaires et les volontaires internationaux en entreprise, les VIE, ils bénéficieront d’une exonération dans l’État où ceux-ci séjournent. Ces dispositions sont elles aussi très positives.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous considérons que cette convention est un très bon texte. Bien entendu, nous la soutiendrons !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ainsi que cela a été rappelé, nous examinons cette première convention fiscale de l’histoire des relations entre la France et la Colombie à quelques jours seulement d’un scrutin historique qui pourrait mettre un terme à cinquante-deux ans d’une guerre civile atroce dans ce pays.

Si, comme c’est attendu et comme nous l’espérons, le camp de la paix l’emporte dimanche prochain, le pays sera rapidement confronté à des choix cruciaux concernant son avenir et son développement.

L’exceptionnelle richesse de son sous-sol, que plusieurs intervenants ont évoquée, suscite bien des convoitises, qu’une nouvelle stabilité politique pourrait encore attiser.

Après des décennies de chaos dont la société colombienne sort profondément inégalitaire et gangrenée par la corruption et la criminalité, le gouvernement colombien pourrait être tenté de chercher un profit immédiat dans une exploitation minière débridée.

On sait peu que la Colombie est aujourd’hui le deuxième pays au monde en matière de richesse de la biodiversité et le troisième pays au monde dans le palmarès des assassinats de militants écologistes et de défenseurs de l’environnement.

Il ne faudrait pas que la convention dont il est question favorise, demain, le saccage par des sociétés extractives françaises de l’environnement de peuples autochtones à peine libérés de la guérilla. Ce n’est, certes, pas pleinement rassurant, mais l’on peut considérer, à cet égard, que l’absence d’une telle convention n’apporterait pas davantage de garanties. Il est déjà possible pour nos multinationales d’œuvrer en Colombie par le truchement de filiales espagnoles.

La présente convention apporte donc à des relations commerciales déjà possibles un cadre juridique plus sûr.

En matière de prospection et d’extraction minières, la convention instaure une définition particulièrement large de l’établissement stable qui conserve au pays qui en est le siège – en l’occurrence, la Colombie – la faculté d’imposer ses activités.

Là encore, si ce dispositif n’apporte pas la garantie d’un développement à venir harmonieux pour la Colombie, il est évidemment positif que l’État propriétaire des ressources bénéficie de l’imposition de l’exploitant.

Pour le reste, ce texte comprend un bon arsenal contre les abus en matière de fraude et d’évasion fiscales. Quant au mécanisme de coopération entre administrations fiscales, il est conforme aux derniers standards de l’OCDE.

Le Forum mondial de l’OCDE a en outre jugé que la Colombie, laquelle est moins un paradis fiscal qu’une victime de l’évasion, satisfaisait ses critères.

Pour toutes ces raisons, avec ses craintes et ses espoirs pour le futur de la Colombie, le groupe écologiste votera en faveur de cette convention.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’aborder le fond de cet accord, je tiens à saluer le tournant historique qui a lieu en Colombie. L’accord de paix conclu le 23 juin dernier à La Havane entre le gouvernement de Juan Manuel Santos et le chef des FARC est effectivement le premier accord en ce sens depuis le début de la guerre civile, voilà plus d’un demi-siècle.

C’est une page longue et douloureuse qui se tourne enfin dans la patrie de l’écrivain et prix Nobel de littérature Gabriel Garcia Marquez. Les ennemis d’hier ont rendu les armes et semblent prêts à écrire un nouveau chapitre de l’histoire de la Colombie, animés par la volonté de construire un avenir meilleur.

Les défis auxquels la Colombie est confrontée sont immenses.

Le premier d’entre eux est la lutte contre les inégalités sociales et foncières, qui restent parmi les plus élevées au monde.

Le second défi, après avoir mis fin à la guerre, est, comme aurait dit Clemenceau, de « gagner la paix ». Comme à Cuba, il sera intéressant de suivre l’évolution politique de la Colombie dans les prochaines années.

Enfin, dans ce pays grand comme deux fois la France, mais quatre fois moins riche, le développement économique et la lutte contre le narcotrafic restent des priorités.

Pour cela, la Colombie peut compter sur d’abondantes richesses naturelles et sur une certaine résilience face à la baisse des cours du pétrole, à la différence de son voisin vénézuélien.

La convention en vue d’éviter les doubles impositions et de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales qu’il nous est proposé d’approuver aujourd’hui va de pair avec l’accord sur la protection des investissements ratifié cet été. Très attendue par les contribuables des deux pays et par les entreprises françaises, elle permettra de disposer d’un cadre juridique clair et stable, le premier du genre entre la France et la Colombie.

Elle évite les risques de double imposition en définissant la résidence fiscale et en répartissant précisément les droits d’imposer entre les deux pays.

Elle prévoit également un régime favorable à l’investissement des entreprises françaises en Colombie, en conformité avec les règles de l’OCDE, tout en préservant les prérogatives de l’État colombien pour l’imposition des activités extractives.

En outre, la France et la Colombie sont toutes deux engagées dans la lutte contre la fraude fiscale. Cela se traduit par l’adoption de nombreuses clauses anti-abus et par la mise en place de l’échange automatique de données à l’horizon 2017-2018.

Cet accord s’inscrit dans la logique des politiques ambitieuses menées depuis plusieurs années pour lutter contre la fraude fiscale. Espérons qu’il sera bientôt suivi d’accords similaires conclus avec d’autres pays avec lesquels la France n’a pas encore signé de convention fiscale.

Sans surprise, mes collègues du groupe du RDSE et moi-même voterons en faveur de la ratification de cette convention, et souhaitons qu’elle entre en vigueur le plus tôt possible.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Les membres du groupe UDI-UC s’abstiendront sur cette convention.

Nous avons pris note de toutes les avancées que celle-ci contient, y compris le fait que, sur un plan formel, elle représente le texte le plus abouti issu des modèles de l’OCDE.

Pourtant, il y a un « mais » : dans cette convention, rien ne concerne le blanchiment d’argent lié au trafic de stupéfiants. Or la Colombie n’est pas un pays comme les autres. L’autoroute du dixième parallèle relie l’Amérique du Sud et l’Afrique de l’Ouest, et le trafic de drogue alimente le terrorisme.

Le trafic de cocaïne représente ainsi 1, 5 milliard d’euros par an et Al-Qaïda au Maghreb islamique, ou AQMI, est responsable de 30 % du trafic de drogue à destination de l’Europe. En travaillant sur les réseaux terroristes, nous avons trouvé des financements provenant d’Amérique du Sud au bénéfice d’AQMI au Sinaï. Il ne s’agit donc pas d’un détail.

J’ai relevé, comme les intervenants qui m’ont précédée, tous les points positifs de cette convention, ainsi que la nécessité de soutenir l’évolution de la Colombie, de défendre nos investisseurs et d’éviter la tricherie consistant à passer par l’Espagne.

Néanmoins, je le répète, mon groupe s’abstiendra en attendant un mémorandum complétant ce dispositif. Le problème du blanchiment est aujourd’hui extrêmement important. Il est lié aux questions de sécurité et de terrorisme.

Cette position n’emporte pas, bien évidemment, une opposition, qui serait déraisonnable, à cette convention, laquelle constitue une avancée qu’il faut soutenir. Le groupe UDI-UC souhaite toutefois montrer son hésitation concernant les dispositions relatives au blanchiment.

Nous nous sommes exprimés dans le cadre de la commission des affaires étrangères, et nous nous en tenons à l’abstention.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Le présent projet de loi vise à approuver un accord bilatéral conclu entre la France et la Colombie le 25 juin 2015.

Son examen par notre parlement intervient à un moment particulier pour les relations entre nos deux pays, puisque la Colombie est en train de tourner une page de son histoire. Le hasard du calendrier veut en effet que, voilà trois jours, après cinquante-deux ans de combats, plus de 260 000 morts, 45 000 disparus et 6, 9 millions de déplacés, un accord de paix historique a été signé entre la guérilla des FARC et le gouvernement colombien. L’Union européenne a aussitôt décidé de retirer les FARC de sa liste des organisations terroristes.

Si la paix n’est pas encore achevée, la guérilla de l’Armée de libération nationale, l’ELN, étant toujours active avec ses 1 500 combattants, un pas immense vers la stabilisation du pays a toutefois été réalisé, les FARC, dix fois plus nombreux que l’ELN, constituant jusqu’alors le plus gros facteur de déstabilisation.

Ce fait ouvre la voie à une intensification de l’implantation de nos entreprises et de nos concitoyens en Colombie, qui est le pays d’Amérique latine dans lequel nous exportons déjà le plus, après le Brésil. Plus largement, c’est le troisième pays au monde dans lequel nos exportations ont le plus augmenté depuis 2005.

De nombreuses entreprises françaises y sont déjà installées. La grande distribution, Renault, Accor, par exemple, y est très bien implantée.

Il est fort à parier qu’il va constituer un nouvel eldorado offrant de grandes opportunités économiques pour de jeunes entrepreneurs français désireux de tenter l’aventure.

Dans ce contexte très favorable, l’approbation de la convention en cause est essentielle, car elle va permettre d’éviter les doubles impositions pour nos sociétés et pour nos compatriotes souhaitant s’installer et investir en Colombie. Côté français, sont concernés l’impôt sur le revenu, l’ISF, la CRDS, la CSG et l’impôt sur les sociétés.

Cette approbation facilitera également les investissements colombiens en France.

Le présent projet de loi vient en effet compléter celui que le Sénat a déjà adopté au mois de mai dernier approuvant un accord de 2014 entre la France et la Colombie sur la protection des investissements. Ces deux textes font d’ailleurs l’objet d’un examen commun à l’Assemblée nationale.

La convention fiscale que nous examinons aujourd’hui est d’autant plus importante qu’elle est le résultat de longues négociations entamées en 2009 et qu’elle constitue une première en termes d’accord fiscal entre la France et la Colombie.

Par ailleurs, elle a également pour objet de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. C’est un sujet très important, sur lequel le Sénat a beaucoup travaillé. En 2012, j’ai eu ainsi l’honneur de présider …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

… la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, dont le rapporteur était notre collègue Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

C’était une magnifique commission d’enquête !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

La présente convention fiscale a été signée quelques mois après la conclusion de l’accord multilatéral signé le 29 octobre 2014 à Berlin, engageant aujourd’hui quatre-vingt-quatre États, dont la France et la Colombie. Cet accord prévoit, à partir de 2017, un échange multilatéral automatique d’informations bancaires, afin de lutter contre la fraude fiscale. La France et la Colombie feront partie de la première vague à le mettre en œuvre, dès le mois de septembre 2017.

D’ici là, cette convention de coopération administrative bilatérale d’échange d’informations constitue une première étape très utile, d’autant plus qu’elle est plus exigeante que ce que requiert le standard actuel de l’OCDE. La France et la Colombie seront en effet soumises à une obligation de garantir la disponibilité de l’information et la capacité de leurs administrations à y accéder et à la transmettre.

Cette convention constitue donc un premier pas dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales en Colombie, pas qui deviendra décisif quand l’échange sera non plus seulement à la demande, mais automatique.

L’absence d’automaticité des échanges, du fait de la réticence de nombreux États, a effectivement entravé une réelle efficacité pour déceler les comptes bancaires de Français dans des pays étrangers où ils ne sont pas résidents. Mais la loi américaine de 2010, dite « FATCA », a progressivement changé la donne en poussant plusieurs pays européens, puis les pays du G20, à se mobiliser en faveur de l’échange automatique et à élaborer une norme commune de déclaration, sous l’égide de l’OCDE.

L’accord multilatéral du 29 octobre 2014 va permettre la mise en œuvre de cette nouvelle norme mondiale à partir de 2017. Cela représentera une grande avancée, au regard du montant très important de la fraude fiscale pour notre pays que notre commission d’enquête avait chiffrée en 2012 à un minimum de 35 milliards d’euros par an.

Pour toutes ces raisons, conformément à la position de la commission des finances et de notre rapporteur, Éric Doligé, dont je tiens à saluer la qualité du rapport, je voterai, ainsi que l’ensemble du groupe Les Républicains, en faveur de ce projet de loi, qui permettra à la fois de développer nos échanges économiques et commerciaux avec la troisième puissance de l’Amérique latine et d’engager une première étape dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales en Colombie et en France.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi.

Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole), signée à Bogota le 25 juin 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Je souhaite répondre aux propos tenus par Nathalie Goulet quand elle a exposé la position, tout à fait compréhensible, d’abstention de son groupe, liée au fait que la convention fiscale ne serait pas assez engagée en matière de lutte contre le blanchiment.

Je me permets de vous rappeler, ma chère collègue, que le blanchiment, en l’occurrence concernant les produits que vous avez signalés, relève non pas des conventions fiscales, lesquelles traitent d’autres sujets, mais du GAFI, le groupe d’action financière internationale. Ce sont deux choses bien différentes.

En revanche, à l’article 10 de la convention fiscale est précisée la notion de « bénéficiaire effectif » qui permet indirectement de lutter contre le blanchiment en démasquant les prête-noms et les sociétés-écrans.

Comme toutes les conventions fiscales, ce texte n’a pas pour objet de lutter contre le blanchiment, un sujet qui se traite dans un autre cadre, mais elle contient des éléments susceptibles de clarifier des mouvements financiers et probablement de débusquer un certain nombre d’actions de blanchiment.

Je souhaitais apporter cette précision de manière qu’il n’y ait pas de confusion entre conventions fiscales et GAFI.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de vos explications, lesquelles n’avaient pas été fournies lors de la réunion de la commission des affaires étrangères. C’est la raison pour laquelle mon groupe s’était abstenu, et il ne m’appartient pas de revenir sur cette position. Pourtant, vos observations auraient sans doute influencé notre vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Vos collègues du groupe UDI-UC en commission des finances avaient bien compris cette notion particulière et s’étaient prononcés favorablement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’exercice par la Croix-Rouge française de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux (proposition n° 693, texte de la commission n° 842, rapport n° 841).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Juliette Méadel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’aide aux victimes

Monsieur le président, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, qui est actuellement en déplacement dans les Antilles et en Guyane.

L’examen de cette proposition de loi relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux me donne l’occasion de remercier une nouvelle fois, devant la représentation nationale, les 57 000 bénévoles et 18 000 salariés de la Croix-Rouge française, ainsi que l’ensemble des forces de secours, de leur engagement exemplaire aux côtés des victimes, comme j’ai pu le constater dès les premières heures après l’attentat survenu à Nice le 14 juillet dernier. Je l’ai rappelé, avant-hier encore, à son président, Jean Jacques Eledjam, lors de notre entretien au secrétariat d’État chargé de l’aide aux victimes.

Je tiens également à saluer l’action de la Croix-Rouge en faveur de la formation des Françaises et des Français aux gestes qui sauvent sur l’ensemble du territoire. Dans le contexte actuel de menace terroriste importante, faire de chaque citoyen un acteur de sa propre sécurité et de celle des autres est un témoignage précieux de fraternité et de solidarité.

À l’instar des modules de sensibilisation proposés depuis cette rentrée dans les établissements scolaires, je souhaite, et je travaille en ce sens avec l’ensemble du Gouvernement, que des initiatives semblables puissent être prises dans les entreprises et les administrations.

Si les missions de secourisme de la Croix-Rouge française sont bien connues du grand public, celle du rétablissement des liens familiaux est plus confidentielle, plus subtile, mais pourtant essentielle.

Cette tâche délicate, qui consiste, je le rappelle, à réunifier les membres d’une famille séparés par un conflit, une catastrophe naturelle ou une crise humanitaire, est assurée par la Croix-Rouge depuis 1949.

Au mois d’avril dernier, la directrice générale de celle-ci, Annie Burlot-Bourdil, a attiré l’attention du Gouvernement sur les difficultés auxquelles la Croix-Rouge est régulièrement confrontée en raison de l’état du droit, l’empêchant d’accéder à certaines informations détenues par l’administration sur des personnes recherchées par leurs proches. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de soutenir la proposition de loi de la députée Françoise Dumas que nous examinons aujourd’hui.

En réalité, cette proposition de loi n’est rien moins que la concrétisation d’un engagement pris, voilà deux ans, par le Président de la République lui-même.

Le texte répond ainsi pleinement aux attentes légitimes de la Croix-Rouge française tout en garantissant le strict respect de la vie privée et du droit à l’oubli des personnes recherchées.

Je rappelle que, l’année dernière, 562 demandes de recherche ont été traitées par la Croix-Rouge française et 23 familles ont pu être réunies grâce au travail de longue haleine de l’ensemble des salariés et bénévoles du Comité international de la Croix-Rouge.

Bien que les deux tiers de ces demandes concernent des personnes séparées pendant la Seconde Guerre mondiale, les nombreux conflits et catastrophes humanitaires qui affectent aujourd’hui le monde, et la France en particulier, notamment ces drames terribles qui se produisent aux frontières extérieures de l’Europe, confèrent à la mission de rétablissement des liens familiaux une importance considérable. Je pense bien sûr à la crise migratoire sans précédent – la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale – qui frappe la zone euro-méditerranéenne et qui nous concerne tous directement.

Nous-mêmes, nous accueillons sur notre sol des populations, des femmes, des hommes, souvent accompagnés de leurs enfants, qui ont bravé tous les dangers pour fuir la guerre, la dictature, la barbarie, les persécutions qui ravagent leur pays natal.

Dans les Balkans ou en Méditerranée, ils empruntent alors le long et terrible chemin de l’exode vers ce qu’ils espèrent être une vie meilleure, vers la paix et vers la sécurité. L’année dernière, dans ce contexte, plus d’un million de personnes sont arrivées sur le territoire de l’Union européenne. Et, au cours de la même période, environ 3 700 migrants ont trouvé la mort en tentant de traverser la Méditerranée. Bien des familles ont été meurtries, brisées, déchirées sur les routes de l’exil. Certaines d’entre elles sont en deuil, d’autres espèrent encore.

Face à ces drames, notre responsabilité absolue – celle que le droit international nous confère, mais aussi notre responsabilité éthique, morale et politique – est de tout faire, dès lors qu’il y a encore de l’espoir, pour donner une chance à ces familles qui ont tout perdu, ou presque, de se retrouver de nouveau, de se réunir pour traverser ces épreuves.

Cela suppose de donner à la Croix-Rouge française, dont chacun connaît le sérieux, le professionnalisme et la crédibilité, les moyens nécessaires à l’accomplissement de cette mission. C’est ce que nous sommes en train de faire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte soumis à votre examen introduit trois dérogations dans le droit existant pour permettre à la Croix-Rouge française, dans sa mission de rétablissement des liens familiaux, d’obtenir, pour déterminer le sort de la personne recherchée, toutes les informations indispensables de la part des administrations d’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics administratifs, des organismes de sécurité sociale et des organismes qui assurent la gestion des prestations sociales.

Il appartient dès lors à ces organisations, sous le contrôle de la Commission d’accès aux documents administratifs, d’apprécier le caractère indispensable des informations demandées, ce qui introduit une certaine souplesse dans le dispositif pour éviter les demandes superflues ou celles qui excèdent les limites de la mission de rétablissement des liens familiaux.

La Croix-Rouge française pourra également obtenir communication des copies intégrales et extraits d’actes de l’état civil, et vérifier l’inscription d’une personne sur les listes électorales.

En outre, l’article 4 de la proposition de loi rappelle les principes déjà appliqués par la Croix-Rouge française dans le traitement du rétablissement des liens familiaux, à savoir le consentement écrit préalable de toute personne retrouvée avant communication de ses coordonnées aux membres de la famille qui la recherchent.

Je veux, pour terminer, remercier le Sénat, plus particulièrement la rapporteur, Marie Mercier, des améliorations apportées au texte en commission. Lorsque la cause est noble, les forces républicaines savent se rassembler pour faire aboutir les projets d’intérêt général. C’est ce qui explique que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 15 juin dernier, et c’est la raison pour laquelle sans doute en sera-t-il de même au Sénat. Je l’espère en tout cas.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Madame la secrétaire d’État, vous avez dressé un tableau particulièrement complet des actions de la Croix-Rouge.

Chacun dans cette enceinte connaît le rôle de la Croix-Rouge française. Présente dans 190 pays à travers le monde, celle-ci exerce des missions bien connues de secours, de solidarité, de santé, ou encore de formation de secouristes.

La Croix-Rouge est une association, même si elle rassemble de très nombreux bénévoles et salariés et que son budget dépasse 1 milliard d’euros. Elle a donc besoin d’un cadre légal spécifique pour mener à bien cette mission, qui nous occupe aujourd’hui, de rétablissement des liens familiaux rompus de façon brutale à l’occasion d’un conflit armé, d’un drame humanitaire ou d’une catastrophe naturelle, afin de réunir ces familles brisées.

Afin que la Croix-Rouge puisse se procurer différents documents administratifs ou obtenir l’accès aux listes électorales, il faut définir ce cadre, tout en respectant une certaine confidentialité. C’est pourquoi seuls les salariés de la Croix-Rouge auront accès aux documents concernés. Les bénévoles n’apporteront qu’une aide à la saisie des informations.

La Croix-Rouge française est fidèle à des principes de neutralité et d’humanité. J’espère donc que le Sénat votera cette proposition de loi, qui l’aidera à mener à bien cette mission.

Ma collègue de l’Assemblée nationale Françoise Dumas et moi-même avons travaillé ce texte, qui a fait l’objet de légers ajustements lors de son examen par la commission des lois. La possibilité de consulter les listes électorales consulaires a ainsi été ajoutée, et les modalités de son application outre-mer ont été définies.

Je forme le vœu que la présente proposition de loi ainsi modifiée soit adoptée avec l’unanimité qui convient à son sujet.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis ce jour pour examiner la proposition de loi relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux.

Ce texte, adopté à l’unanimité par Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, vise à donner à une institution reconnue les outils nécessaires à la réalisation d’une de ses missions.

La Croix-Rouge française est une association remarquable à plusieurs égards.

Branche française du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, elle a été fondée en 1864 et reconnue d’utilité publique en 1945. Elle est aujourd’hui la première association française. Elle mobilise des effectifs considérables : plus de 50 000 bénévoles et 18 000 salariés. Son maillage territorial est impressionnant, avec 800 groupes locaux, 600 établissements et près d’une centaine de délégations départementales.

Ces moyens lui permettent de mener une action exceptionnelle sur notre territoire, mais aussi à l’étranger, puisqu’elle agit également dans plus de 35 pays.

S’il fallait encore convaincre de l’importance de cette organisation, je citerais simplement quelques chiffres. La Croix-Rouge française, c’est 1 500 000 personnes accueillies et accompagnées ; c’est 55 millions de repas distribués ; c’est un million de personnes formées ou initiées aux premiers secours ; c’est 2 444 000 personnes aidées à l’international.

L’action menée par la Croix-Rouge française pour prévenir et apaiser les souffrances humaines sans aucune discrimination s’articule autour de cinq pôles : l’urgence et le secourisme, l’action sociale, la santé, la formation et la solidarité internationale.

Ainsi, la Croix-Rouge française s’engage notamment à apporter son aide lors des calamités publiques, à diffuser les principes fondamentaux du mouvement et du droit international humanitaire et à exercer une mission de rétablissement des liens familiaux. C’est cette dernière mission, qui n’est peut-être pas la plus connue, mais qui est essentielle, qui nous occupe aujourd’hui.

Elle consiste à maintenir ou à rétablir les liens entre les membres d’une famille et à faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues lorsqu’un conflit, une catastrophe naturelle ou d’origine humaine ou toute autre situation ayant une incidence sur le plan humanitaire vient rompre les liens familiaux.

Consacrée par les conventions de Genève de 1949 et par leurs protocoles additionnels, cette mission s’organise autour de quatre activités : rechercher les membres de la famille ; appuyer la démarche de réunification familiale lorsque la Croix-Rouge a retrouvé les proches ; transmettre des nouvelles familiales lorsque tous les autres moyens de communication sont bloqués ou inaccessibles ; enfin, assurer la délivrance de certains documents par le Comité international de la Croix-Rouge, pour faire valoir des droits.

Cette mission essentielle menée par la Croix-Rouge française – madame la secrétaire d'État, vous avez rappelé que quelque 500 dossiers avaient été traités à ce titre l’année dernière – rencontre cependant aujourd’hui deux difficultés essentielles.

La première tient au fait que, depuis deux ans, un nombre croissant de personnes ont dû quitter leur pays pour des raisons humanitaires et ont été séparées de leur famille. Ce fut tout particulièrement le cas en Syrie, en Ukraine, en République démocratique du Congo ou encore en Guinée.

La seconde difficulté est que, jusqu’en 2013, l’État, via les préfectures, participait à cette mission de rétablissement des liens familiaux dans le cadre des recherches dans l’intérêt des familles. Créé à la fin de la Première Guerre mondiale, ce dispositif mettait les outils de la puissance publique au service de particuliers recherchant un membre de leur famille disparu. Malheureusement tombé en désuétude, ce dispositif a fini par être abrogé. La Croix-Rouge est donc aujourd’hui le seul organisme qui mène cette mission de rétablissement des liens familiaux.

Or elle ne dispose d’aucun accès facilité aux données de l’administration et se voit parfois opposer par cette dernière une fin de non-recevoir à ses demandes. Il fallait remédier rapidement à cette situation. C’est l’ambition de cette proposition de loi, qui vise à donner à la Croix-Rouge un accès privilégié à certaines informations détenues par les administrations.

Il faut le rappeler, cette proposition de loi concrétise un engagement de François Hollande. Le Président de la République avait en effet précisé lors du 150e anniversaire de la Croix-Rouge, il y a deux ans, qu’il était soucieux de formaliser par la loi le mandat de la Croix-Rouge française en matière de rétablissement des liens familiaux et de diffusion du droit international humanitaire.

Cet engagement présidentiel s’est vu concrétiser par une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen. Leur initiative doit être saluée, et ce d’autant plus que leur proposition de loi a su faire consensus, au point d’obtenir, le 15 juin dernier, un vote à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Je ne doute pas que tel sera également le cas aujourd'hui au Sénat.

Le texte transmis au Sénat introduit trois dérogations au droit actuel, afin que la Croix-Rouge puisse accéder à certaines données de l’administration dans le cadre de sa mission.

La première dérogation permettra à la Croix-Rouge d’obtenir auprès des administrations de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics administratifs, des organismes de sécurité sociale et des organismes qui assurent la gestion des prestations sociales, sur demande écrite et motivée, communication des informations relatives à la personne recherchée figurant dans un document administratif ou dans un traitement de données à caractère personnel, dans la mesure où ces informations sont indispensables à la détermination du sort de la personne recherchée sur le territoire national.

Cette dérogation se fera sous le contrôle de la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, et il appartiendra aux organismes de décider si les informations demandées sont indispensables à la mission de rétablissement des liens familiaux.

La deuxième dérogation permettra à la Croix-Rouge française de demander directement aux officiers de l’état civil les copies intégrales et extraits des actes dont ils sont dépositaires.

Enfin, la troisième dérogation offrira à la Croix-Rouge française la possibilité de saisir le représentant de l’État dans le département ou le ministre des affaires étrangères, afin de vérifier si une personne est inscrite ou non sur les listes électorales.

Au-delà de ces dérogations techniques, la proposition de loi rappelle le principe d’action de la Croix-Rouge française en matière de rétablissement des liens familiaux, qui impose l’accord écrit, sauf en cas de décès, de la personne intéressée, avant de communiquer les informations recueillies à des tiers.

Pour être parfaitement complet, il doit également être précisé que la commission des lois du Sénat a judicieusement enrichi le texte qui lui avait été transmis, en le rendant applicable aux collectivités d’outre-mer et en ouvrant la possibilité d’accéder aux listes consulaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

J’allais y venir, monsieur le président. Je tiens effectivement à féliciter notre excellente rapporteur, qui a fait un travail remarquable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Pour conclure, la mission humanitaire exercée par la Croix-Rouge française et l’actuelle crise migratoire, dont l’ampleur a été rappelée par Mme la secrétaire d'État, justifient pleinement les dérogations accordées à la Croix-Rouge française. Celles-ci se justifient, en outre, par le sérieux et la qualité du travail de l’organisation. Le choix de confier à la Croix-Rouge française un accès facilité à certaines données de l’administration n’est donc en rien hasardeux. C’est d’ailleurs ce qui explique que l’Allemagne et le Royaume-Uni ont adopté des législations allant dans le même sens.

La présente proposition de loi renvoie directement à une exigence morale : aider des personnes en difficulté à rétablir leurs liens familiaux. Cette exigence humaniste caractérise notre pays et notre République. Cet humanisme, il faut le faire vivre plus que jamais dans un contexte international troublé, et alors que nous sommes confrontés à un nombre croissant de réfugiés.

Avec cette proposition de loi, nous aidons la Croix-Rouge française dans sa mission, nous envoyons le message que nous sommes au côté des familles déchirées par des événements tragiques, nous respectons nos engagements internationaux, à savoir les quatre conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977, nous nous inscrivons dans la longue tradition humaniste de la France et nous respectons l’engagement pris par le Président de la République lors du 150e anniversaire de la Croix-Rouge.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe socialiste et républicain voteront ce texte des deux mains.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi des députés Bruno Le Roux et Françoise Dumas, relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux.

L’objectif de cette proposition de loi est simple : il s’agit d’aider des familles installées en France ou à l’étranger à retrouver, par l’intermédiaire du mouvement international de la Croix-Rouge, des proches dont elles ont été séparées dans des situations violentes ou traumatiques : sont ici visées les situations de guerre, de conflit armé, d’attentat, de catastrophe naturelle ou humanitaire.

En revanche, les recherches de personnes disparues dans des conditions suspectes, les recherches généalogiques ou celles qui résultent d’une procédure d’adoption, pour lesquelles les services de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge ne sauraient être compétents, sont exclues.

Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale prévoyait, tout d’abord, de déroger à l’une des dispositions du code des relations entre le public et l’administration, pour permettre à la Croix-Rouge française d’obtenir communication de certains documents administratifs ou traitements de données ; ensuite, d’autoriser la Croix-Rouge française à demander directement aux officiers d’état civil les copies intégrales et extraits d’actes d’état civil d’une personne recherchée ; enfin, d’autoriser la Croix-Rouge française à saisir le représentant de l’État afin de vérifier l’inscription ou non d’une personne sur les listes électorales.

Les conditions dans lesquelles les informations recueillies par la Croix-Rouge française dans le cadre de sa mission de rétablissement des liens familiaux peuvent être transmises ou non à des tiers étaient précisées à l’article 4 de la proposition de loi.

Notre commission des lois, sur l’initiative de sa rapporteur, Mme Mercier, a amendé le texte, afin d’actualiser les mesures de coordination et d’assurer son application dans les collectivités ultramarines.

Cette proposition de loi est sans aucun doute utile et nécessaire. Le large consensus dont elle fait l’objet en est la preuve, et le groupe écologiste lui apportera tout son soutien. Toutefois, derrière ces aspects techniques, se trouve la réalité tragique de la séparation des familles provoquée par les conflits armés, les catastrophes naturelles et les migrations.

« Vous pouvez vous mettre à l’abri pour échapper aux obus, mais comment ne pas souffrir quand vous n’avez aucune idée de ce qui est arrivé à votre fils ? » Ces mots de Mirvat, soixante-cinq ans, réfugiée au Liban, disent tout l’enjeu du rétablissement des liens familiaux. Ces mots nous rappellent que ceux que l’on ne qualifie plus que de « migrants » sont avant tout des êtres humains, des pères, des grands-mères, des enfants qui doivent fuir pour survivre.

Les témoignages que le Comité international de la Croix-Rouge et le Croissant Rouge recueillent sont édifiants. Malgré les conditions terribles dans lesquelles ils tentent de rejoindre l’Europe, la première urgence pour les réfugiés, lorsqu’ils sont à l’abri, est bien souvent d’avoir des nouvelles de leurs proches restés sur place.

Comme le souligne le Comité international de la Croix-Rouge, les familles des personnes portées disparues souffrent beaucoup de l’incertitude qui plane sur le sort de leurs proches, particulièrement lorsque ceux-ci ont disparu pendant un conflit armé ou dans un contexte de graves violences.

Ceux qui ne parviennent pas à rétablir le contact avec leurs proches disparus ou à savoir ce qu’il est advenu d’eux vivent dans un état d’incertitude émotionnelle, ignorant si leur parent, leur frère, leur sœur ou leur enfant est vivant ou mort. Même s’ils supposent qu’un membre de leur famille est décédé, le doute les empêche souvent de faire le deuil ou de reprendre leur propre vie tant qu’ils ne savent pas ce qui s’est passé.

C’est cette considération, que l’on retrouve aussi bien dans le droit international humanitaire que dans le droit international des droits de l’homme, qui préside au droit de connaître le sort de ses proches disparus.

En tant que législateur, nous avons le devoir d’adopter les dispositions utiles à la mise en œuvre de ce droit. Cette proposition de loi y contribuera sans aucun doute. En tant que femmes et hommes politiques, nous devrions toujours avoir en mémoire les malheurs engendrés par les conflits qui obligent à l’exil.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Guérini

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, il nous est demandé aujourd’hui de faciliter l’exercice de l’une des missions de la Croix-Rouge, à savoir le rétablissement des liens familiaux.

Ce n’est certes pas l’activité la plus connue de la première association française, mais qui, aujourd’hui, pourrait nier son importance ?

Nous abordons cette discussion alors que les conflits se multiplient dans le monde, au moment où la crise migratoire, au centre de nombreuses émotions et de fortes inquiétudes, ne peut se réduire à un sujet politique, car elle pose également un problème de conscience.

Prévue par les protocoles additionnels aux conventions de Genève du 12 août 1949, cette mission vise « à retrouver la trace, rétablir le contact entre les membres d’une famille, à appuyer les demandes de réunification familiale et à faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues ».

Bien évidemment, il ne s’agit pas de recherches spécialisées, qui sont toujours assurées par les services de l’État, d’enquêtes relevant de la généalogie ou encore d’investigations sur des parents biologiques à la suite d’une adoption.

Concrètement, les quatre articles de cette courte proposition de loi concernent les trop nombreuses personnes qui, sur notre planète, sont séparées par des crises humanitaires, des conflits armés ou des catastrophes naturelles. Autant d’événements dramatiques à l’origine de ruptures du lien sacré de la famille, de ruptures brutales qui entraînent des situations d’isolement, d’abandon et d’exclusion.

Ces recherches nécessitent courage, attention et capacité d’écoute, autant de qualités et de compétences que la Croix-Rouge prodigue au quotidien, en apportant des soins et des secours aux victimes, en soulageant les souffrances de femmes, d’hommes et d’enfants frappés par un sort funeste.

En plus de cent cinquante ans, l’association fondée par Henri Dunant, déclarée d’intérêt public par décret impérial en 1866 et reconnue d’utilité publique il y a soixante-seize ans, s’est taillé une place particulière dans le cœur des Français.

Quoi de plus logique ? La Croix-Rouge, c’est bien sûr une vision du secours et de l’action, mais c’est aussi une force et une méthode qui ont su donner ses lettres de noblesse à l’idée humanitaire, désormais relayée par le travail de 189 sociétés nationales, regroupant cent millions de bénévoles, et récompensées par quatre prix Nobel.

Chez nous, cette force et cette méthode de la Croix-Rouge, ce sont plus de 900 délégations locales, 18 000 salariés et quelque 53 000 bénévoles. Ce réseau, ces compétences, cet engagement symbolisent un idéal de solidarité et de générosité, et c’est l’une des fiertés de notre République.

Comment ne pas saluer son président, Jean-Jacques Eledjam, qui contribue, avec ses équipes, à maintenir la grandeur de cette association, qui n’a rien d’une vieille dame et qui n’est pas, elle aussi, à l’abri des tensions et des remous ?

C’est dans un contexte troublé, en ces moments très difficiles que traverse notre pays, que nous abordons l’étude de cette proposition. Celle-ci concrétise un engagement du chef de l’État, pris il y a deux ans déjà, devant la 70e assemblée générale de la Croix-Rouge.

Au cours de ces deux années, le débat sur les frontières a rebondi sous la pression de la crise migratoire, nourrie par le tragique conflit syrien et la misère sur le continent africain. Cette situation préoccupante nous pousse à réfléchir aux valeurs qui nous rassemblent. Plus que jamais, nous mesurons combien les frontières, protectrices, sont aussi source de séparations et de déchirements. Ne l’oublions jamais et veillons à ne jamais le revivre.

Comment ne pas souligner que, depuis vingt-quatre mois, les services de la Croix-Rouge ont enregistré une augmentation de 50 % des demandes de rétablissement des liens familiaux, passant de 200 demandes lors des quatre premiers mois de 2015 à quelque 299 pour le premier trimestre 2016 ?

Grâce à ce texte, le travail de rétablissement des liens familiaux sera facilité, dans le strict respect des conditions dans lesquelles un tiers peut être informé du sort d’une personne recherchée. Ce choix, l’Allemagne l’a fait en 2001. Elle a été imitée par la Belgique il y a dix ans et par le Royaume-Uni en 2007.

Face à l’état d’urgence humanitaire auquel nous sommes confrontés, il était temps que nous nous mettions au diapason de ces pays, à contre-courant du mouvement de décomposition sournois – disons-le – de l’idéal européen que nous observons.

Je souligne également que ce travail de rétablissement des liens familiaux, strictement encadré, pallie l’abandon par l’État, depuis 2013, de la procédure de recherche dans l’intérêt des familles. C’est à cette date que ce que l’on appelait communément le service des « RIF », « Recherches dans l’intérêt des familles », dont l’origine remontait à la Première Guerre mondiale, a été dissous.

Certains avaient imaginé qu’il était envisageable de sous-traiter ces recherches à la sagacité d’internet, au motif que ce réseau offre d’intéressantes possibilités. Certes ! Il n’est certainement pas utile de chercher la polémique, car il faut également rappeler que ce service était surtout sollicité pour la recherche de pensions alimentaires…

Permettez-moi, avant de conclure, de faire part des interrogations de notre groupe sur l’absence de clarification dans cette proposition de loi quant au rapport entre le travail de la Croix-Rouge et celui qui relève des recherches concernant les demandeurs d’asile, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, pouvant être saisi à ce titre. Ne faudrait-il pas établir clairement les champs d’intervention de chacun, ce qui permettrait de prévenir toute tentation de désengagement des pouvoirs publics ?

Reconnaissons-le, grâce à ce texte, la tâche de la Croix-Rouge sera grandement facilitée. L’organisation bénéficiera d’un appui législatif favorisant des réponses que j’espère plus rapides à des demandes formulées dans l’inquiétude. Des familles dispersées garderont ainsi espoir et dignité. Le groupe du RDSE ne peut que s’en féliciter. Il votera ce texte.

Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mme Esther Benbassa et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, la Croix-Rouge française est aujourd’hui la première association française, et cette proposition de loi tend à faciliter l’une de ses missions, à savoir le rétablissement des liens familiaux.

Cette proposition de loi vise à accorder à la Croix-Rouge française, par le biais de dérogations légales ciblées, un accès privilégié aux documents administratifs et aux traitements de données réalisés par l’administration. Elle prévoit des dérogations spécifiques en faveur de la Croix-Rouge, pour lui permettre d’accéder plus facilement à des données nominatives.

La Croix-Rouge est un acteur majeur, notamment lors de catastrophes naturelles et de situations d’urgence. Elle est également une interlocutrice privilégiée de l’État dans la mise en œuvre des politiques publiques dans le domaine de la santé et de l’action sociale.

La Croix-Rouge exerce en effet trois missions statutaires : elle apporte son aide dans toutes les calamités publiques et dans le domaine de la sécurité civile, elle diffuse le droit international humanitaire et elle participe au rétablissement des liens familiaux.

Chaque année, des milliers de familles sont victimes de conflits armés, de catastrophes naturelles, de crises humanitaires entraînant inévitablement des déplacements de population et des séparations.

C’est dans ce cadre que la Croix-Rouge se mobilise depuis 1949 pour rétablir et maintenir les liens entre les membres d’une même famille. Ce service français est un maillon de l’immense chaîne que forment les 189 Croix-Rouge à travers le monde. Entre elles, et pour toujours plus d’efficacité, les dossiers s’échangent et s’enrichissent.

Cette mission de rétablissement des liens familiaux, ou RLF, se décline autour de trois activités : la recherche des membres d’une même famille et l’appui à la démarche de réunification familiale ; la transmission de nouvelles familiales ; la délivrance de certains documents du Comité international de la Croix-Rouge pour faire valoir un droit.

Les différentes bases de données, confidentielles, sont croisées afin de reconstituer les itinéraires. L’ensemble de ses services est bien évidemment gratuit !

Pour montrer l’efficacité de l’action de la Croix-Rouge, voici quelques chiffres clefs pour l’année 2015 : les sept antennes RLF en France ont traité et instruit plus de 500 dossiers, et près de 66 % des demandes adressées au service de rétablissement des liens familiaux connaissent ou ont connu une issue positive pour cette année.

Comme le note la Croix-Rouge, « le respect de l’unité familiale fait partie intégrante du respect de la dignité humaine. Notre bien-être personnel dépend en grande partie de notre capacité à maintenir des liens avec nos proches. En rétablissant les liens familiaux, nous apportons soutien et réconfort. »

Depuis sa création, ce sont près de 50 000 dossiers qui ont été instruits. Aujourd’hui encore, près de 15 % des dossiers traités par la Croix-Rouge concernent la Seconde Guerre mondiale.

Parmi les autres demandeurs, on trouve de nombreux mineurs ou migrants venant de pays africains en guerre. Confiés par leurs parents à des passeurs censés les aider à rejoindre des proches en Europe, ils ont été abandonnés et livrés à eux-mêmes. Ils perdent alors tout lien.

Pourtant, ce lien qui unit est vital. Comme une colonne vertébrale, il permet à toute personne de tenir, d’avoir une identité, une histoire. Balzac écrivait : « La famille sera toujours la base des sociétés. » Le rétablissement des liens familiaux est d’ailleurs un droit international, édicté par la convention de Genève de 1949 sur les conflits armés et non armés. Ce service pourra donc compter sur une nouvelle aide de poids, grâce à cette proposition de loi qui vise à permettre à la Croix-Rouge d’accéder plus facilement à des données nominatives, mais toujours dans le respect de la vie privée !

Par cette proposition de loi, le service de rétablissement des liens familiaux pourra être autorisé à collecter lui-même ces informations.

J’en termine en saluant l’excellent travail de notre collègue Marie Mercier au sein de la commission des lois et en vous annonçant, sans surprise, que le groupe UDI-UC est tout à fait favorable à l’adoption de ce texte, qui donne de nouveaux moyens à la Croix-Rouge afin de renforcer son action en lui permettant un accès plus rapide aux données nécessaires au service de rétablissement des liens familiaux.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteur, mes chers collègues, après la Seconde Guerre mondiale, la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949 a reconnu le droit à chacune et à chacun de connaître le sort des membres de sa famille qui ont disparu, ainsi que de correspondre et de communiquer avec ceux dont elle est séparée.

Depuis 1949, il incombe ainsi à chaque État partie de mener des actions visant à prévenir la séparation, à rétablir et à maintenir des liens entre les membres d’une famille et à faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues.

Jusqu’en 2013, les préfectures participaient à cette mission au travers de ce que l’on appelait alors « les recherches dans l’intérêt des familles ». Depuis 2013, la Croix-Rouge française est devenue la seule instance de recours des particuliers, pour les aider dans leurs démarches, dès lors que les circonstances de la disparition sont celles d’un conflit, d’une catastrophe naturelle ou d’une crise humanitaire.

Les conflits armés et les migrations des populations ont considérablement augmenté le nombre de demandes auprès de la Croix-Rouge française pour rétablir des liens familiaux. Ainsi, comme cela a déjà été indiqué, cette association a enregistré 200 nouvelles demandes entre janvier et avril 2015 et 299 autres demandes, pendant la même période, en 2016.

Or, du point de vue du droit, la Croix-Rouge n’a actuellement aucun accès spécifique aux informations détenues par l’administration. Il lui est donc régulièrement opposé la non-communicabilité de documents administratifs, qui pourraient pourtant être très utiles en vue de faire aboutir les recherches des personnes disparues.

La proposition de loi qui nous est soumise accorde des dérogations ciblées en faveur de la Croix-Rouge française, afin de lui permettre d’accéder plus facilement à des données nominatives dans le seul cadre de sa mission d’intérêt général de rétablissement des liens familiaux.

Il est vital – nous le reconnaissons tous ici, me semble-t-il – qu’une famille ou une personne rétablisse le contact avec ses proches, et nous partageons bien évidemment la volonté de faciliter la mission réalisée par la Croix-Rouge.

Néanmoins, nous connaissons les raisons d’une telle situation. Elles sont de plusieurs ordres, dont la démultiplication des conflits armés dans le monde, en Syrie, en Irak, en Ukraine et dans des contrées du continent africain.

En outre, la fermeture des frontières, loin de dissuader des migrants de continuer leur périple, les pousse au contraire à risquer leur vie et à être trop souvent séparés de leurs proches, parmi lesquels des enfants.

La Croix-Rouge le déplorait elle-même : « Les contrôles aux frontières effectués au hasard et la criminalisation des déplacements irréguliers tendent à exposer les plus vulnérables, notamment les femmes et les enfants, à des risques importants, tels que la séparation familiale, source de trop grandes souffrances. »

C’est un vrai sujet, qui fait aujourd'hui l’objet de nombreux débats, et personne ne peut s’en abstraire. Une proposition de loi aussi légitime que celle que nous examinons ce matin ne pourra à elle seule éviter les discussions sur les véritables raisons qui amènent des personnes, par milliers, à se déraciner.

Enfin, on peut s’interroger sur le choix effectué en 2013 par le ministère de l’intérieur de ne plus assurer la mission de recherche dans l’intérêt des familles, qu’exerçaient les préfectures depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Alors que le nombre de réfugiés provenant de conflits armés progresse et que nous serons confrontés aux réfugiés climatiques, il faut inévitablement s’attendre dans les années à venir à une augmentation du nombre de demandes de rétablissement des liens familiaux.

Dès lors, pourquoi le Gouvernement ne reprend-il pas directement la mission d’intérêt général de rétablissement des liens familiaux ?

La Croix-Rouge est reconnue aux niveaux national et international. Nous soutenons et saluons son action, tout en ayant conscience des risques de dérives qui existent de la part d’une organisation non étatique.

La proposition de confier à la Croix-Rouge la mission de rétablissement des liens familiaux reçoit notre assentiment. Aussi, le groupe CRC votera en faveur de cette proposition de loi.

M. Philippe Kaltenbach applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

(Non modifié)

Par dérogation à l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, la Croix-Rouge française peut, dans le cadre de sa mission d’intérêt général de rétablissement des liens familiaux prévue par les protocoles additionnels aux conventions de Genève du 12 août 1949, obtenir auprès des administrations de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics administratifs, des organismes de sécurité sociale et des organismes qui assurent la gestion des prestations sociales, sur demande écrite et motivée, communication des informations relatives à la personne recherchée, figurant dans un document administratif ou dans un traitement de données à caractère personnel, dans la mesure où ces informations sont indispensables à la détermination du sort de la personne recherchée sur le territoire national.

L'article 1 er est adopté.

La Croix-Rouge française peut, dans le cadre de sa mission d’intérêt général mentionnée à l’article 1er de la présente loi, demander directement aux officiers de l’état civil dépositaires des actes de l’état civil les copies intégrales et extraits de ces actes. –

Adopté.

Par dérogation aux articles L. 28 et L. 330-4 du code électoral, la Croix-Rouge française est habilitée, dans le cadre de sa mission d’intérêt général mentionnée à l’article 1er de la présente loi, à saisir le représentant de l’État dans le département ou le ministre des affaires étrangères afin de vérifier si une personne est inscrite ou non sur les listes électorales et, le cas échéant, de prendre communication des données relatives à cette personne. –

Adopté.

(Supprimé)

(Non modifié)

Tant que la personne recherchée n’a pas été retrouvée, la Croix-Rouge française ne transmet à des tiers aucune information la concernant. Si la personne a été retrouvée par la Croix-Rouge française, aucune information la concernant ne peut être transmise à des tiers sans son consentement écrit. Si la personne est décédée, la Croix-Rouge française informe les tiers qui lui en font la demande du décès et, le cas échéant, du lieu de sépulture de la personne. –

Adopté.

Les articles 1er à 4 de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Dans les conditions fixées à l’article 1er de la présente loi, la Croix-Rouge française peut exercer son droit de communication auprès des administrations de la Nouvelle-Calédonie, des circonscriptions territoriales des îles Wallis et Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises.

Pour l’application de l’article 3 de la présente loi dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, la référence au département est remplacée par la référence à la collectivité. –

Adopté.

I. – Le code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :

1° Le A de l’article L. 342-2 est complété par un 23° ainsi rédigé :

« 23° Les articles 1er et 3 de la loi n° … du … relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux. » ;

2° À la seconde colonne de la dernière ligne du tableau des articles L. 552-8, L. 562-8 et L. 574-1, les mots : « loi n° … du … pour une République numérique » sont remplacés par les mots : « loi n° … du … relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux ».

II. – La présente loi est ainsi modifiée :

1° L’article 3 est ainsi modifié :

a) Les mots : « aux articles L. 28 et L. 330-4 » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 16 » ;

b) Les mots : « le représentant de l’État dans le département ou le ministre des affaires étrangères » sont remplacés par les mots : « l’Institut national de la statistique et des études économiques » ;

2° Le dernier alinéa de l’article 5 est supprimé.

III. – Le II du présent article entre en vigueur le même jour que l’article 2 de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 3, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I.- Alinéas 5 à 9

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

II. – À l’article 3 de la présente loi, la référence : « L. 28 » est remplacée par la référence : « L. 37 ».

II. – Alinéa 10

Remplacer la référence :

par la référence :

La parole est à Mme la rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Cet amendement a été suggéré par le Gouvernement.

La commission des lois souhaitait que la Croix-Rouge puisse consulter les listes électorales par le biais du répertoire électoral unique réalisé par l’INSEE. Toutefois, cette mesure est de nature à complexifier les choses.

Aussi, nous proposons d’en revenir à l’existant, c'est-à-dire à une consultation via les préfectures ou les mairies.

Debut de section - Permalien
Juliette Méadel, secrétaire d'État

D’une part, l’amendement de la commission tend à anticiper l’entrée en vigueur de la loi du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales, dont la mise en place doit intervenir au plus tard le 31 décembre 2019. Il vise à assurer une coordination, puisque les dispositions de l’article L. 28 du code électoral relatif au droit de communication des informations contenues dans les listes électorales sont transférées à l’article L. 37.

D’autre part, la commission des lois a proposé de confier à l’INSEE, qui sera chargé de la gestion du répertoire électoral unique et permanent, le soin d’assurer la communication des informations à la Croix-Rouge.

Si l’objectif de simplification pour les missions de la Croix-Rouge est légitime et partagé, une telle option pose toutefois deux difficultés.

La première est d’ordre technique et opérationnel. Le répertoire électoral unique est un système de gestion informatique lourd et complexe, pour lequel les fonctionnalités à des fins de communication n’ont pas été prévues.

La seconde difficulté tient au rôle assigné à l’INSEE par la loi précitée. En dépit de la création de ce répertoire, l’INSEE n’a pas été chargé de procéder à la communication des listes électorales à des tiers. Cette compétence demeure attribuée au maire ou au préfet, qui apprécie notamment la légitimité et la motivation de toutes les demandes de communication des listes électorales, qu’elles émanent des électeurs, des candidats ou des partis politiques. Il ne serait ni cohérent ni justifié de déroger à cette règle de compétence pour les demandes de la Croix-Rouge et de modifier les attributions de l’INSEE.

Le Gouvernement se félicite des échanges constructifs qu’il a eus avec Mme la rapporteur et qui ont permis d’aboutir à cet amendement. En conséquence, il émet un avis favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 6 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Mes chers collègues, je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

M. le président du Sénat a reçu de Mme la première vice-présidente de l’Assemblée de la Polynésie française, par lettre en date du 1er septembre 2016, un avis sur le projet de loi de finances pour 2017.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.