Intervention de Philippe Kaltenbach

Réunion du 29 septembre 2016 à 10h30
Croix-rouge française — Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis ce jour pour examiner la proposition de loi relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux.

Ce texte, adopté à l’unanimité par Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, vise à donner à une institution reconnue les outils nécessaires à la réalisation d’une de ses missions.

La Croix-Rouge française est une association remarquable à plusieurs égards.

Branche française du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, elle a été fondée en 1864 et reconnue d’utilité publique en 1945. Elle est aujourd’hui la première association française. Elle mobilise des effectifs considérables : plus de 50 000 bénévoles et 18 000 salariés. Son maillage territorial est impressionnant, avec 800 groupes locaux, 600 établissements et près d’une centaine de délégations départementales.

Ces moyens lui permettent de mener une action exceptionnelle sur notre territoire, mais aussi à l’étranger, puisqu’elle agit également dans plus de 35 pays.

S’il fallait encore convaincre de l’importance de cette organisation, je citerais simplement quelques chiffres. La Croix-Rouge française, c’est 1 500 000 personnes accueillies et accompagnées ; c’est 55 millions de repas distribués ; c’est un million de personnes formées ou initiées aux premiers secours ; c’est 2 444 000 personnes aidées à l’international.

L’action menée par la Croix-Rouge française pour prévenir et apaiser les souffrances humaines sans aucune discrimination s’articule autour de cinq pôles : l’urgence et le secourisme, l’action sociale, la santé, la formation et la solidarité internationale.

Ainsi, la Croix-Rouge française s’engage notamment à apporter son aide lors des calamités publiques, à diffuser les principes fondamentaux du mouvement et du droit international humanitaire et à exercer une mission de rétablissement des liens familiaux. C’est cette dernière mission, qui n’est peut-être pas la plus connue, mais qui est essentielle, qui nous occupe aujourd’hui.

Elle consiste à maintenir ou à rétablir les liens entre les membres d’une famille et à faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues lorsqu’un conflit, une catastrophe naturelle ou d’origine humaine ou toute autre situation ayant une incidence sur le plan humanitaire vient rompre les liens familiaux.

Consacrée par les conventions de Genève de 1949 et par leurs protocoles additionnels, cette mission s’organise autour de quatre activités : rechercher les membres de la famille ; appuyer la démarche de réunification familiale lorsque la Croix-Rouge a retrouvé les proches ; transmettre des nouvelles familiales lorsque tous les autres moyens de communication sont bloqués ou inaccessibles ; enfin, assurer la délivrance de certains documents par le Comité international de la Croix-Rouge, pour faire valoir des droits.

Cette mission essentielle menée par la Croix-Rouge française – madame la secrétaire d'État, vous avez rappelé que quelque 500 dossiers avaient été traités à ce titre l’année dernière – rencontre cependant aujourd’hui deux difficultés essentielles.

La première tient au fait que, depuis deux ans, un nombre croissant de personnes ont dû quitter leur pays pour des raisons humanitaires et ont été séparées de leur famille. Ce fut tout particulièrement le cas en Syrie, en Ukraine, en République démocratique du Congo ou encore en Guinée.

La seconde difficulté est que, jusqu’en 2013, l’État, via les préfectures, participait à cette mission de rétablissement des liens familiaux dans le cadre des recherches dans l’intérêt des familles. Créé à la fin de la Première Guerre mondiale, ce dispositif mettait les outils de la puissance publique au service de particuliers recherchant un membre de leur famille disparu. Malheureusement tombé en désuétude, ce dispositif a fini par être abrogé. La Croix-Rouge est donc aujourd’hui le seul organisme qui mène cette mission de rétablissement des liens familiaux.

Or elle ne dispose d’aucun accès facilité aux données de l’administration et se voit parfois opposer par cette dernière une fin de non-recevoir à ses demandes. Il fallait remédier rapidement à cette situation. C’est l’ambition de cette proposition de loi, qui vise à donner à la Croix-Rouge un accès privilégié à certaines informations détenues par les administrations.

Il faut le rappeler, cette proposition de loi concrétise un engagement de François Hollande. Le Président de la République avait en effet précisé lors du 150e anniversaire de la Croix-Rouge, il y a deux ans, qu’il était soucieux de formaliser par la loi le mandat de la Croix-Rouge française en matière de rétablissement des liens familiaux et de diffusion du droit international humanitaire.

Cet engagement présidentiel s’est vu concrétiser par une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen. Leur initiative doit être saluée, et ce d’autant plus que leur proposition de loi a su faire consensus, au point d’obtenir, le 15 juin dernier, un vote à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Je ne doute pas que tel sera également le cas aujourd'hui au Sénat.

Le texte transmis au Sénat introduit trois dérogations au droit actuel, afin que la Croix-Rouge puisse accéder à certaines données de l’administration dans le cadre de sa mission.

La première dérogation permettra à la Croix-Rouge d’obtenir auprès des administrations de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics administratifs, des organismes de sécurité sociale et des organismes qui assurent la gestion des prestations sociales, sur demande écrite et motivée, communication des informations relatives à la personne recherchée figurant dans un document administratif ou dans un traitement de données à caractère personnel, dans la mesure où ces informations sont indispensables à la détermination du sort de la personne recherchée sur le territoire national.

Cette dérogation se fera sous le contrôle de la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, et il appartiendra aux organismes de décider si les informations demandées sont indispensables à la mission de rétablissement des liens familiaux.

La deuxième dérogation permettra à la Croix-Rouge française de demander directement aux officiers de l’état civil les copies intégrales et extraits des actes dont ils sont dépositaires.

Enfin, la troisième dérogation offrira à la Croix-Rouge française la possibilité de saisir le représentant de l’État dans le département ou le ministre des affaires étrangères, afin de vérifier si une personne est inscrite ou non sur les listes électorales.

Au-delà de ces dérogations techniques, la proposition de loi rappelle le principe d’action de la Croix-Rouge française en matière de rétablissement des liens familiaux, qui impose l’accord écrit, sauf en cas de décès, de la personne intéressée, avant de communiquer les informations recueillies à des tiers.

Pour être parfaitement complet, il doit également être précisé que la commission des lois du Sénat a judicieusement enrichi le texte qui lui avait été transmis, en le rendant applicable aux collectivités d’outre-mer et en ouvrant la possibilité d’accéder aux listes consulaires.

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