Intervention de Christophe-André Frassa

Réunion du 28 septembre 2016 à 14h30
République numérique — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Lors de sa réunion du 29 juin dernier, la commission mixte paritaire est parvenue, après plus de quatre heures de débat, à élaborer un texte commun.

Je tiens d’emblée à souligner que le Sénat a largement participé à la construction de la « République numérique » et je souhaite saluer l’ensemble des commissions qui ont œuvré à ce travail : la commission des lois, qui était saisie au fond de ce texte, notamment des parties relatives à l’open data et à la protection des données personnelles ; la commission des finances, avec pour rapporteur pour avis Philippe Dallier, qui a permis une meilleure régulation des jeux vidéo ; la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, avec pour rapporteur pour avis Patrick Chaize, qui a œuvré pour l’amélioration de la couverture numérique du territoire ; la commission des affaires économiques, avec pour rapporteur pour avis Bruno Sido, qui a travaillé à une plus grande neutralité du net ; la commission de la culture, avec pour rapporteur pour avis Colette Mélot, qui a permis un meilleur encadrement de la liberté de panorama.

Plus généralement, ce projet de loi comporte trois volets : le premier est relatif à la mise à disposition des données publiques, le deuxième, à la protection des données personnelles et aux modes d’usage du numérique, et, le dernier, à l’accès à l’internet.

S’agissant de la mise à disposition des données publiques, ou open data, le Sénat a créé des dispositifs sectoriels permettant aux usagers et aux entreprises d’accéder plus facilement aux informations relatives à leurs consommations énergétiques ou à leur situation foncière.

Grâce au Sénat, l’open data a été mieux encadré, afin de garantir le respect du droit à la vie privée. À titre d’exemple, nous avons repris les préconisations du rapport d’information de nos collègues François Pillet et Gaëtan Gorce, et prévu la réalisation d’une analyse de risques avant la mise en open data des décisions de justice. Il convient, en effet, d’éviter toute réidentification des personnes concernées par ces décisions.

Nous avons aussi travaillé à une meilleure articulation entre les différents dispositifs d’open data, notamment en coordonnant le régime général de mise à disposition des données et le dispositif prévu pour les délégations de service public.

Toutefois, les inquiétudes concernant une trop grande libéralisation de la donnée persistent dans certains secteurs économiques, en particulier chez les exploitants de services publics industriels et commerciaux. Il conviendra donc de rester vigilant sur ce point, notamment sur l’utilisation de la notion de « secret industriel et commercial », qui permettra toujours de ne pas publier certaines données sensibles.

À titre personnel, je reste convaincu que l’introduction du « secret d’affaires », reconnu au niveau européen, aurait apporté des garanties supplémentaires aux entreprises.

Concernant le deuxième volet du texte, relatif à la protection des données personnelles et aux modes d’usage du numérique, la commission mixte paritaire est parvenue à un compromis sur la délicate question de la « mort numérique ». Ce compromis est fondé sur un principe très simple : il appartient non pas aux opérateurs, mais aux héritiers de gérer la succession du défunt. Dès lors, le décès d’une personne doit conduire à l’extinction automatique de ses comptes utilisateur, sauf directive contraire du défunt, et les héritiers peuvent accéder aux comptes pour l’organisation et le règlement de la succession.

Par ailleurs, la CMP s’est largement inspirée du dispositif introduit par le Sénat pour mieux encadrer les biens immobiliers loués sur internet pour une courte durée. Députés comme sénateurs se sont mobilisés pour lutter efficacement contre la fraude sans imposer de contraintes excessives aux loueurs ou aux plateformes. Concrètement, les conseils municipaux des villes touristiques ou « sous tension » en matière de logement pourront soumettre les locations de courte durée à une déclaration préalable. Cette dernière, qui sera remplie sur internet en quelques minutes, permettra de vérifier que le bien concerné n’a pas été loué plus de 120 jours dans l’année.

Le Sénat a également clarifié le régime juridique des compétitions de jeux vidéo ainsi que celui des recommandés électroniques, des coffres-forts et de l’identité numériques. Espérons que cette clarification facilitera le développement de ces secteurs économiques d’avenir.

La CMP n’a pas retenu les propositions de notre commission des finances concernant la déclaration automatique des revenus gagnés en ligne par les particuliers et la franchise fiscale correspondante de 5 000 euros. Je suis toutefois persuadé que cette proposition de bon sens reviendra au centre du débat dans les prochains mois.

Enfin, n’oublions pas que le Sénat est à l’origine de deux mesures très attendues par les personnes en situation de handicap : la carte mobilité inclusion, qui simplifiera grandement les documents de reconnaissance du handicap, et le centre relais téléphonique, pour les sourds et malentendants.

S’agissant du dernier volet du texte, l’aménagement numérique du territoire, la CMP a retenu la plupart de nos propositions visant à faciliter l’accès des territoires à internet. Des aménagements comptables ont ainsi été accordés aux collectivités territoriales créant un réseau d’initiative publique. De même, un dispositif a été prévu pour permettre au ministre chargé du numérique de formaliser des engagements de couverture avec les opérateurs lors de l’attribution des fréquences.

En revanche, la commission mixte paritaire n’a pas retenu notre proposition visant à généraliser la mutualisation des réseaux radioélectriques sous le contrôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP.

Nous avons toutefois obtenu des opérateurs un engagement que nous ne manquerons pas de leur rappeler : 1 500 zones supplémentaires vont devoir être couvertes en internet d’ici à quatre ans, ce qui permettra d’engager une dynamique vertueuse.

En conclusion, mes chers collègues, votre commission vous propose d’adopter le présent projet de loi au regard des nombreux apports du Sénat retenus en CMP.

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