Nous devons également faire confiance à notre jeunesse, qui est un autre de nos atouts. Notre démographie dynamique fait de la France, à l’inverse de nombre de ses voisins, un pays toujours jeune. Il faut donner à notre jeunesse la capacité d’assumer son propre destin, lui faire confiance, non par « jeunisme » – terme qui d’ailleurs ne veut rien dire –, mais simplement pour que la France reste ce grand pays qui rayonne et pèse sur la marche du monde.
La jeunesse n’est pas homogène ; elle est diverse, mais elle peut éprouver un sentiment de génération, une responsabilité de génération, celle d’être actrice de la construction de l’avenir de ce pays, de ce qu’il sera dans vingt, trente ou quarante ans. Voilà le sens de la priorité donnée à la jeunesse. On mesure le degré de civilisation d’une société à sa capacité à faire une place à sa jeunesse.
C’est la raison pour laquelle nous allons donner un nouvel élan au service civique, outil du lien social. C’est d’ailleurs une proposition de loi déposée au Sénat en 2009 par Yvon Collin qui est à l’origine de la loi de 2010 relative au service civique. Vous le savez, le Président de la République a fixé un objectif ambitieux. Le service civique, qui doit continuer à relever du volontariat – je me félicite que la commission spéciale partage ce point de vue –, doit concerner une demi-classe d’âge, soit 350 000 jeunes, à l’horizon 2018-2019. Nous devons gagner la bataille de la montée en charge du dispositif, sans remettre en cause la qualité des missions et la distinction essentielle entre le service civique et l’emploi.
Vous aurez bientôt à examiner le projet de loi de finances pour 2017, qui, comme vous pourrez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, entérine cette volonté politique en prévoyant un abondement sans précédent du budget du service civique.
Nous consolidons également des dispositifs facilitant l’accès des jeunes à leur autonomie. Ainsi, en matière de santé, nous renforçons le droit à une information complète sur les droits relatifs à la couverture maladie. Nous vous proposerons en outre, dans ce cadre, de rétablir la sécurisation du dispositif de la CMU-C pour les jeunes en rupture familiale ; cette mesure a toute sa place dans ce texte.
L’autonomie, c’est aussi la mobilité. Beaucoup d’entre vous représentent ici des territoires ruraux. Vous savez combien, sans permis de conduire, tout devient difficile. Je veux saluer ici les avancées obtenues à cet égard. Il sera désormais possible, grâce à ce projet de loi, de mobiliser le compte personnel formation pour financer la formation au permis de conduire.
Faire confiance à notre jeunesse, c’est également lui permettre d’avancer progressivement vers la vie adulte, avec de nouveaux droits, qui entraînent aussi de nouvelles responsabilités. Je regrette que la commission spéciale du Sénat ait supprimé la possibilité, pour les mineurs de 16 ans et plus, de devenir directeur de publication, la prémajorité associative ou le droit de demander son émancipation à 16 ans.
Pendant plus de cent ans, la loi de 1901 n’a posé aucune condition d’âge pour créer une association, sans que cela soulève de difficultés en matière de responsabilité des mineurs. Je n’oublie pas que c’est le Sénat qui, en saisissant le Conseil constitutionnel en 1971, sauva la liberté d’association telle que nous la concevons aujourd’hui. Je ne doute pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous manifesterez votre attachement à cet héritage, en revenant à l’esprit qui animait vos illustres prédécesseurs.
Ouvrir de nouveaux droits aux jeunes de 16 ans et plus, c’est leur permettre d’aller progressivement vers leur majorité. C’est l’apprentissage de la responsabilité, l’apprivoisement de la citoyenneté. J’invite donc le Sénat à faire sienne la phrase de Fénelon : « La jeunesse ressent un plaisir incroyable lorsqu’on commence à se fier à elle ». Notre jeunesse a besoin de preuves de confiance ; nous vous proposons de lui en donner.
J’en viens maintenant au titre III du projet de loi et aux dispositions relatives à l’égalité réelle, notamment à la lutte contre les discriminations.
J’entends dire, ici et là, que ces dispositions seraient composites. Elles ont pourtant une cohérence, en ce qu’elles participent à faire vivre la promesse de l’égalité républicaine partout et pour tous.
En tant que ministre de la ville, je suis surpris que les dispositions sur le droit d’interpellation des conseils citoyens aient été supprimées par la commission spéciale. J’aurais pourtant pu m’y attendre, dans la mesure où, en 2014, la minorité sénatoriale de l’époque avait voté contre la création de ces derniers dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Leur mise en place montre qu’ils sont utiles, comme certains d’entre vous ont pu le mesurer dans leur propre territoire. Pourquoi donc refuser ce droit d’interpellation, alors même que le rôle des élus a été conforté par le dispositif en question ? Je vous proposerai donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de rétablir l’article 34 du projet de loi.
Nous renforçons également notre arsenal de lutte contre les discriminations, le racisme, l’antisémitisme et tout ce qui, subrepticement ou bruyamment, altère chaque jour un peu plus le lien social. Nous généralisons la circonstance aggravante de racisme, d’antisémitisme, d’homophobie et de sexisme.
Le projet de loi tend aussi à améliorer la répression des délits de provocation et d’injures racistes ou discriminatoires, en renforçant les peines encourues, en ajoutant la peine de stage de citoyenneté et en levant les obstacles juridiques qui interdisent aujourd'hui une sanction efficace de ces délits. Un chiffre devrait suffire à vous convaincre : en 2014, seulement 221 condamnations ont été prononcées, alors qu’il suffit de parcourir les réseaux sociaux pour dénombrer des dizaines de faits qui mériteraient condamnation.
Si, en la matière plus qu’en tout autre, nous avons un devoir moral d’efficacité, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est de celles que l’on touche avec une main prudente. La commission spéciale a adopté plusieurs amendements qui bouleversent les grands équilibres de cette loi protectrice de la liberté d’expression. Pour sa part, le Gouvernement est attaché aux garanties procédurales prévues par la loi de 1881 ; je ne doute pas que nos débats seront riches sur ce point.
Je pourrais évoquer encore de nombreuses autres dispositions. Le texte a été, selon l’expression consacrée, considérablement enrichi au cours de son examen à l’Assemblée nationale. Je pense notamment à la reconnaissance du parrainage civil, à la prise en compte de l’engagement dans les diplômes, à la réforme du régime d’ouverture des écoles privées hors contrat, lequel est aujourd’hui trop souple, au renforcement de la parité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté est bien un texte de progrès. Je connais la tempérance du Sénat, son souci de la précision, sa rigueur, son exigence. Je sais aussi que cette tempérance peut être audacieuse, pour dépasser les clivages et les positions attendues. J’espère que nos débats prouveront que nous partageons l’idée d’une République ferme et généreuse.