Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, à mon tour je souhaite vous présenter l’une des briques du grand édifice du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. L’ambition de ce texte est grande, car il s’agit d’une mobilisation générale pour le vivre ensemble, ce ciment indispensable de notre pacte républicain.
À l’heure où la tentation du repli sur soi s’accroît, où la peur de l’autre grandit, nous devons tout faire pour redonner confiance à nos concitoyens. Nous avons l’immense responsabilité de ne pas nous laisser envahir par ce mouvement insidieux de défiance de tous à l’égard de tous et de trouver des réponses pour favoriser la cohésion sociale dans notre pays.
J’en suis convaincue, la manière dont nous faisons société se traduit avant tout dans la manière dont nous partageons l’espace public dans toutes les villes, tous les quartiers et tous les territoires.
Depuis la loi Siegfried de 1894, le modèle français du logement social s’est imposé comme un pilier de notre pacte républicain, au même titre que la sécurité sociale et les services publics. Ce modèle généraliste, qui permet de réconcilier droit au logement et mixité sociale, doit être sans cesse renforcé et amélioré, car il est une force inouïe pour notre pays, regardé par nombre d’autres pays européens. Je le redis, le logement social est le logement de tous, 70 % des Français y étant éligibles.
Pendant longtemps, et en particulier après la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il a fallu construire vite et beaucoup, nous nous sommes contentés de cet impératif d’efficacité. Cela nous a conduits à construire de manière industrielle, pour répondre aux besoins de nombreux Français. Cependant, vous le savez, l’idéal des grands ensembles s’est ébréché contre le chômage de masse : ce qui devait être un urbanisme de rêve, sans voitures, avec un espace pour chaque fonction, s’est mué en lieu de relégation sociale. La diversité sociale, clef du succès de ces quartiers, s’est peu à peu estompée.
Oui, nous avons construit vite, trop vite parfois, souvent de manière trop indifférenciée, pour répondre à l’urgence. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à ce que le Premier ministre a appelé, après les attentats de janvier 2015, l’« apartheid social et territorial ». Ce n’est pas un vain mot, c’est une réalité dans de nombreux quartiers.
Cette situation est la résultante de logiques d’exclusion par le haut et par le bas. Certains entretiennent en effet sciemment une ségrégation spatiale, par le refus délibéré de prendre leur part dans la solidarité nationale, notamment en ne construisant pas de logements sociaux : s’il y a des ghettos de pauvres, c’est aussi parce qu’il y a des ghettos de riches.
C’est la résultante de logiques urbaines ayant conduit à construire des logements, mais pas les équipements publics et les transports en commun qui permettraient de relier certains quartiers ouverts au reste de l’agglomération.
C’est la résultante, enfin, de logiques discriminatoires – n’ayons pas peur des mots – qui enferment des jeunes de talent dans leur quartier, parce qu’on leur refuse ici un entretien d’embauche, là l’accès à un logement au-dehors de leur quartier, au motif que leur nom de famille a une consonance qui ne plaît pas. Nous avons toutes et tous une responsabilité dans cet empilement de difficultés qui entretiennent le repli sur soi et la défiance. Nous avons surtout le devoir d’y remédier, car, ne nous y trompons pas, le fléau de la discrimination n’affecte pas que ceux qui en sont victimes : c’est la société tout entière qu’il fissure en profondeur.
Il nous faut pour ce faire reprendre le flambeau d’une politique du logement qui, historiquement, a constitué un moteur essentiel et reconnu de tous du progrès social dans notre pays.
C’est pour cette raison que, depuis 2012, le Gouvernement a fait du logement, et notamment du logement social, une priorité. Même si beaucoup reste à faire, chacun peut le constater : les résultats sont là.