Intervention de Christian Favier

Réunion du 4 octobre 2016 à 14h30
Égalité et citoyenneté — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Christian FavierChristian Favier :

Depuis des mois, avec l’état d’urgence et la déchéance de nationalité, on instille la peur : comment imaginer pouvoir, aujourd’hui, avec ce projet de loi, infléchir le sentiment d’angoisse exacerbé qui alimente tous les replis et toutes les violences ? Les peurs sont multiples : peur du terrorisme, bien sûr, mais aussi peur de l’exclusion, peur du déclassement. Et ce n’est pas le coup de rabot donné à l’aide personnalisée au logement, qui concerne 600 000 familles, qui va calmer ces inquiétudes.

S’appuyant sur ces ambiguïtés et ces lacunes, la commission spéciale a totalement récrit ce projet de loi, en y apportant de la cohérence. Malheureusement, cette cohérence est avant tout celle du rejet de toute contrainte, de toute règle, sous couvert de défense de la libre administration des collectivités et de la liberté des entreprises, conformément au dogme de la dérégulation et de la déréglementation.

Fondant ses travaux sur la défaillance de l’État, en termes de dotations notamment, la commission spéciale a justifié et légalisé le recul de l’engagement des collectivités en matière de solidarité et d’investissement public.

Nous avons ainsi assisté à un « détricotage » total du droit au logement. La loi SRU a été vidée de sa substance, alors même que le nombre de demandeurs de logement ne cesse d’augmenter et que le mal-logement progresse. Pis, les nouvelles dispositions pénalisent même les maires bâtisseurs, en les obligeant à construire du logement privé plutôt que du logement public.

Les valeurs portées par la majorité sénatoriale de droite ont envahi ce texte, qui promeut maintenant une société du chacun pour soi, une société où les droits sont à la carte, changeant au gré du lieu de résidence, une société qui favorise l’« entre soi » et la reproduction des inégalités.

Les élus communistes et républicains, pour leur part, portent un tout autre diagnostic et ont une tout autre ambition pour notre pays.

Le problème des quartiers populaires, c’est non pas leurs habitants, mais bien les politiques nationales qui y ont été menées. Le problème, c’est l’effacement de l’État par la suppression des services publics, le manque de fonctionnaires, le niveau record du chômage des jeunes, le recul de l’école comme catalyseur de l’égalité, tout cela engendrant un sentiment dangereux d’abandon.

Nous vivons dans une société de plus en plus inégalitaire, une société marquée par les reculs sociaux, où l’on veut nous faire croire que la précarité serait une fatalité, une société où l’ascenseur social est bloqué, où le déclin est présenté comme inexorable.

Le renoncement des gouvernements successifs depuis quatorze ans, voilà ce qui a fait le lit de la perte de repères ! Leur détermination à être de simples gestionnaires des déficits publics signe leur impuissance. Dans le même esprit, les dénis de démocratie, le recours répété au 49.3, le non-respect de la parole politique ont fini de miner l’idée d’une République du peuple au service du peuple.

L’interférence des intérêts privés avec les politiques publiques et la faiblesse des modèles de représentation ont ruiné l’idée même que la politique pouvait être la source d’un progrès collectif, et non simplement l’outil de reproduction d’une élite autoproclamée.

Reposant sur une identification erronée des problèmes et des maux de notre société, ce projet de loi ne peut y apporter les bonnes réponses. Le retour de l’État et la « République en actes » promis par le Premier ministre, ce doit être aussi le retour des services publics, leur modernisation, leur diversification, pour mieux répondre aux besoins d’une société moderne ouverte sur le monde, d’une société humaine.

Ainsi, nous estimons que la responsabilité première des pouvoirs publics devrait être de redéfinir ce qui nous rassemble et d’identifier les droits nouveaux qui doivent être attachés à la citoyenneté : des droits politiques, bien sûr – de ce point de vue, nous regrettons amèrement l’absence remarquée, dans ce projet de loi, de l’octroi aux étrangers du droit de vote aux élections locales, promesse du président de la République –, …

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