Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, ces deux dernières années ont été marquées par des événements particulièrement dramatiques, qui ont aussi montré l’ampleur des fractures sociales présentes dans notre pays et celle du sentiment d’abandon qu’éprouve une partie de la population. Exclusion sociale, marginalisation des personnes vulnérables, discrimination, non-accès aux droits : il est plus que temps de s’occuper prioritairement de remédier à ces fêlures profondes qui divisent et minent notre République.
Le texte initial du Gouvernement contenait plusieurs propositions fortes. Malheureusement, de nombreuses dispositions phares ont été supprimées par la commission spéciale du Sénat, et le texte sur lequel nous travaillons aujourd’hui n’est pas du tout à la hauteur des enjeux.
Le titre Ier du projet de loi traite de la jeunesse. Il comportait, à l’origine, de bonnes dispositions : le renforcement du service civique, des mesures pour donner plus d’autonomie et de capacité d’initiative aux jeunes, une plus grande représentation de la jeunesse dans les conseils locaux, une meilleure information des jeunes sur leurs droits.
À ce propos, nous voudrions insister sur un point : il faut, nous semble-t-il, parler de toute la jeunesse. Rappelons que, en France, selon les chiffres donnés en 2013 par le Conseil d’analyse économique, près de 2 millions de jeunes ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation ; ils sont complètement invisibles.
Le projet de loi prévoit justement de renforcer le service civique, dont le critère d’accès est non pas le niveau de compétences, mais l’engagement des jeunes. C’est une très bonne chose, mais encore faut-il avoir les moyens d’aller chercher les jeunes qui ne connaissent pas le dispositif. Actuellement, l’objectif de mixité sociale n’est pas suffisant. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que l’Agence du service civique disposera des moyens de travailler en ce sens ?
Le titre II est relatif, quant à lui, au logement social. Les écologistes sont très attachés au principe de mixité dans le logement social affirmé à l’article 20 : l’objectif de 25 % de logements sociaux attribués, dans les quartiers hors quartiers prioritaires de la politique de la ville, aux 25 % des demandeurs de logement aux revenus les plus faibles est très loin d’être disproportionné ! Malheureusement, ce principe a été remplacé, dans le texte que nous examinons aujourd'hui, par une simple proposition de contractualisation par commune. Nous défendrons le retour à la version initiale.
Nous étions également favorables aux mesures complétant la loi SRU prévues à l’article 29. Là encore, le dispositif a été supprimé par la majorité sénatoriale, qui a remplacé les objectifs chiffrés par une contractualisation au cas par cas. Les communes seront simplement tenues de ne pas passer sous la barre des 15 % de logements sociaux. Selon nous, c’est là une véritable régression, au regard de l’ampleur des besoins en matière de logement social.
Par ailleurs, il nous semble important d’aborder d’autres thématiques liées au logement ; nous avons déposé des amendements en ce sens. Je pense notamment à la lutte contre l’habitat indigne, à l’hébergement d’urgence – le moins que l’on puisse dire est que ce problème se pose avec force ! –, à l’habitat mobile, à la domiciliation des sans-abri ou au logement des jeunes et des étudiants.
Enfin, le titre III du projet de loi vise à renforcer la lutte contre le racisme et les discriminations. Il a été enrichi par de bonnes dispositions à l’Assemblée nationale. Malheureusement, beaucoup ont été supprimées par la commission spéciale du Sénat. Nous déposerons un certain nombre d’amendements tendant à les rétablir.
Il nous semble important de poursuivre la mobilisation pour l’accès aux droits. Nous parlons aujourd’hui d’égalité et de citoyenneté : le citoyen a des devoirs ; il a également des droits, et la République se doit de garantir l’accès de tous à ces droits. Or, de fait, nombreux sont ceux qui n’ouvrent pas leurs droits sociaux, parce qu’ils ne les connaissent pas ou parce que, perdus dans les méandres administratifs, ils finissent par y renoncer.
Le non-recours aux droits, dont l’incidence financière a été chiffrée à près de 6 milliards d’euros en 2014, ne représente pas une économie pour les finances publiques, bien au contraire ! En effet, ses conséquences sociales et sanitaires entraînent des dépenses énormes. Nous ferons un certain nombre de propositions de simplification, afin de faciliter le recours aux droits.
Je terminerai en exprimant un souhait du groupe écologiste. Nous espérons que la discussion qui s’ouvre aujourd'hui sera pragmatique et s’appuiera sur les réalités du terrain, sans être envahie par des postures idéologiques ou par les démarches démagogiques ou populistes qui sévissent aujourd'hui dans notre pays ! Certes, nous sommes en période préélectorale, mais nous souhaitons que puisse s’affirmer au Sénat une volonté commune de renforcer et de renouveler la mobilisation pour l’égalité et la citoyenneté.