Ainsi, soixante mesures concrètes d’intervention ou d’expérimentation ont été mises en œuvre sur tout le territoire, avec pour objectifs, d’une part, la promotion de la citoyenneté, et, d’autre part, la lutte contre les inégalités et les discriminations. Certaines de ces actions nécessitent une adaptation ou un prolongement législatif. Le présent texte est le complément nécessaire et pragmatique de l’action de l’État.
Au travers de ce projet de loi, il s’agit donc d’aller plus loin dans la culture de l’engagement au service de l’intérêt général, de la société dans son ensemble et, prioritairement, de la jeunesse, en créant les conditions d’un parcours citoyen généralisé, depuis l’école primaire jusqu’à la terminale. La consécration en serait l’engagement dans le service civique, puis dans la réserve civique. Ce parcours sera matérialisé par un livret citoyen, remis à tous les jeunes dès l’âge de seize ans. Cet âge nous paraît d’ailleurs tardif : pourquoi ne pas remettre le livret citoyen dès le cours préparatoire, afin que toutes les démarches citoyennes puissent effectivement y être consignées, à l’école, au collège, au lycée ?
Le parcours citoyen généralisé soulève en outre la question de la valorisation de l’engagement dans le second degré. Pourquoi celui-ci serait-il réservé aux étudiants, qui ne forment pas l’intégralité d’une classe d’âge ?
La mesure phare de ce projet de loi, en matière de citoyenneté, réside dans la création des conditions d’un service civique universel. J’espère qu’il existe un large consensus, dans notre assemblée, sur ce dispositif.
Cependant, on ne peut pas parler d’engagement sans évoquer notre tissu associatif. En France, on dénombre aujourd'hui 1, 3 million d’associations, qui emploient 2 millions de personnes, soit 10 % de l’emploi privé, et rassemblent 16 millions de bénévoles et 23 millions de membres.
L’association est un creuset de l’engagement. C’est pourquoi nous sommes très attachés au rétablissement du congé pour responsabilités associatives. Cette mesure, sur laquelle le Haut Conseil à la vie associative travaille depuis plusieurs années, est attendue par le secteur associatif. Malheureusement, la majorité sénatoriale l’a supprimée en commission spéciale.
À ce sujet, nous ne pensons pas que les services de Bercy doivent garder le monopole de la définition du caractère d’intérêt général d’une association, même si cette reconnaissance a des conséquences fiscales. Il faut sortir la notion d’intérêt général de son sens strictement fiscal.
Tout comme nous croyons à la pédagogie active – partir du faire pour maîtriser les concepts –, nous croyons à la citoyenneté active : s’impliquer dans un projet pour se sentir citoyen et développer des attitudes civiques. En parallèle des 300 heures d’enseignement moral et civique dispensées sur l’ensemble de la scolarité, développons au sein de l’école le débat démocratique, les projets citoyens, le tutorat par les pairs, pour plus de fraternité et de solidarité. Allons jusqu’au bout de cette démarche de promotion de la citoyenneté active en reconnaissant la prémajorité associative.
Faisons confiance aux jeunes en leur permettant de construire de vrais projets associatifs en autonomie, en autogestion, oserai-je dire ! Le réseau national des juniors associations accompagne ainsi un millier d’associations de fait, créées et gérées par des mineurs.
Oui, des mineurs sont présidents d’association, et cela ne crée pas de problème ! Oui, ils gèrent des budgets, sans difficulté majeure ! Alors, ne soyons ni frileux ni méfiants : le cadre formel d’une association est bien plus protecteur pour les mineurs que des pratiques informelles hors de tout cadre.
Nous vous proposerons donc de rétablir l’article 15 ter, relatif à la prémajorité associative, et, dans le même esprit, l’article 15, sur l’extension du droit de publication des mineurs.
Nous nous inscrivons en faux contre l’analyse de Mme la rapporteur Françoise Gatel, selon laquelle la reconnaissance de nouveaux droits aux mineurs de seize ans constituerait une remise en cause de la majorité à dix-huit ans. En effet, il existe déjà de nombreuses dispositions de sous ou sur-majorité.
Concernant le volet du titre II relatif à la mixité sociale dans l’habitat, les divergences au sein de notre assemblée sont également édifiantes.
Le projet de loi était sous-tendu par l’ambition de mettre en place de nouveaux dispositifs pour assurer une meilleure répartition territoriale des attributions de logements sociaux. En effet, les chiffres montrent une augmentation constante du nombre de ménages à faibles revenus dans les quartiers qui en comportent déjà une proportion importante.
Réserver un quart des logements sociaux aux ménages les plus pauvres hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville a donc le mérite de mettre en œuvre autrement la mixité sociale, avec des résultats rapidement évaluables.
Le texte prévoyait également de poser les bases d’une réflexion intercommunale sur les attributions de logements sociaux, pour éviter les situations de blocage. Il donnait à l’État des moyens forts et concrets pour assurer le respect des objectifs de mixité.
Après l’examen du projet de loi par la commission spéciale, cette ambition a perdu toute portée. La mise en œuvre des exigences de mixité relèverait non plus de la loi, mais de contrats de moyens et d’objectifs signés localement. Le même traitement a prévalu pour le dispositif de la loi SRU. Le projet de loi, afin de répondre à une demande forte des élus, prévoyait un recentrage de ce dispositif sur les territoires où la pression, en termes de demande de logement social, est avérée, en particulier sur les territoires agglomérés ou, en tout cas, bien desservis par les transports en commun.
Autre réponse apportée par le Gouvernement, toutes les communes nouvellement entrantes dans le dispositif de la loi SRU seront exonérées de prélèvements SRU pendant trois ans. En contrepartie de ces ajustements, le Gouvernement attend une contribution rigoureuse à l’effort de construction de logements sociaux sur les territoires où les besoins en logements sociaux existent.
Au rebours de cette volonté, en commission spéciale, la majorité sénatoriale a vidé le dispositif de la loi SRU de son objet essentiel : la construction de logements locatifs sociaux sur tous les territoires. Mes chers collègues, est-ce vraiment le moment de réduire la pression en faveur de la construction de logements sociaux ?
Pis encore, la commission spéciale a supprimé tout financement public pour la construction de nouveaux logements sociaux pour les communes qui en comptent déjà 50 % sur leur territoire. Cette mesure fait écho à celle qui a été prise au printemps par la région d’Île-de-France de mettre un terme au financement de logements très sociaux dans les communes qui en comptent déjà plus de 30 %.
Mais, chers collègues de la majorité sénatoriale, que proposez-vous pour que les communes déficitaires se mettent enfin à construire des logements sociaux ?