Intervention de Daniel Dubois

Réunion du 4 octobre 2016 à 14h30
Égalité et citoyenneté — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Daniel DuboisDaniel Dubois :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen en séance publique du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, je souhaite pour ma part attirer votre attention sur le titre II, consacré au logement social, plus particulièrement sur l’article 20, qui vise à réviser et à encadrer considérablement les règles d’attribution des logements sociaux, et ce au nom de la mixité sociale.

En effet, cet article prévoit entre autres que tous les bailleurs sociaux devront consacrer au moins 25 % des attributions de logements situés en dehors des QPV au quartile des demandeurs les plus pauvres et, à l’inverse, fixer un objectif d’attribution dans les quartiers les plus en difficulté aux demandeurs plus aisés. Il prévoit également de rendre publics, d’ici à 2022, les critères d’attribution comme les données sur les immeubles et les logements vacants. Il encourage enfin la « location choisie », permettant au demandeur de faire des demandes spécifiques pour les logements qui l’intéressent le plus.

Mes chers collègues, je me pose une question simple : ces mesures seraient-elles de nature à résoudre les problèmes de mixité sociale ? Je pense très franchement que non ! Je crois même qu’elles seraient contre-productives.

Grâce à mon expérience en la matière, je connais l’engagement et le dévouement des maires et des bailleurs sociaux. Il ne sert à rien de passer d’une politique de la carotte et du bâton à une politique du bâton et du bâton.

Le texte du Gouvernement multiplie les nouveaux critères de priorité pour l’attribution des logements sociaux. Avec une telle multiplicité de priorités, y a-t-il encore des priorités ? Le rôle du Gouvernement n’est pas d’organiser le concours Lépine de la meilleure ou de la moins mauvaise priorité. Nous savons bien que trop de priorités tue la priorité !

Quelles sont les missions des organismes d’HLM ? Assurer la mixité sociale et loger nos concitoyens les plus modestes.

Pourquoi alors intégrer dans le droit commun les personnes relevant du droit opposable au logement, qui doit rester une voie de recours exceptionnelle ?

Pourquoi loger prioritairement des personnes qui, si elles sont en situation d’expulsion, ne sont pas dans la légalité ? Cette prime à la mauvaise foi pose d’ailleurs un sérieux problème de principe !

Pourquoi demander aux bailleurs sociaux de loger prioritairement les personnes connaissant un cumul de difficultés financières et d’insertion ? Nous le savons, l’insertion est une compétence relevant principalement de l’État. Ce dernier doit l’assumer au travers de ses centres d’hébergement et de réinsertion sociale, dans lesquels le public le plus en difficulté doit pouvoir bénéficier de l’accompagnement de professionnels de l’insertion.

Avec ce texte, le Gouvernement fait entrer le logement social dans une logique de quotas. Où est la confiance ? Où est l’autonomie des acteurs de terrain ? Ce sont les élus locaux et les organismes d’HLM, avec leur connaissance des spécificités locales, qui sont en mesure d’assurer une politique de peuplement efficace et équilibrée.

Comment pouvez-vous croire, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous serez plus efficaces dans vos ministères parisiens que ces acteurs de proximité ? C’est, au pire, un péché d’orgueil, au mieux, le témoignage d’une certaine méconnaissance de la réalité de la gestion opérationnelle des bailleurs sociaux.

À trop les occuper à devoir remplir des cases, vous allez les détourner de l’essentiel. Comment espérer, d’ailleurs, qu’ils puissent ainsi sereinement s’atteler à la construction de nouveaux logements, alors que, vous le savez, nous ne construisons pas suffisamment ?

Concernant la question des attributions, le Sénat a redonné de l’oxygène à ce texte. Je remercie Mme la rapporteur Dominique Estrosi Sassone de son travail, de sa disponibilité et de son écoute sur ce sujet.

Nous ne sommes pas dupes : avec un tel contrôle des attributions, ce texte participe au final de la tentative de nationalisation de la politique du logement par l’État, au mépris des réalités locales et des élus locaux.

Voilà, mes chers collègues, l’essentiel de ce que je souhaitais vous dire en quatre minutes à l’occasion de cette discussion générale. Je laisserai ma collègue Valérie Létard s’exprimer au nom du groupe UDI-UC au sujet des modifications apportées par le Sénat à l’article 55 de la loi SRU.

Je conclurai mon intervention par un appel. Le logement social mérite un vrai débat national. Il mérite bien plus que quelques chapitres au sein d’un projet de loi de réconciliation de la gauche, à huit mois de l’élection présidentielle !

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