Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement d’une extrême gravité. En effet, ce qui s’est produit au sein de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté » n’est pas à la hauteur du Sénat et ne correspond pas au travail de notre assemblée.
La commission spéciale a envoyé dans l’hémicycle un texte tronqué. Elle a sanctionné ce projet de loi par des arguties juridiques qui témoignent, selon moi, d’une volonté politique : empêcher de mettre un certain nombre de sujets sur la table. C’est la première fois, au Sénat de la République française, que nous assistons à cela !
Nous pouvons tous comprendre la présence de cavaliers législatifs, sous tous les gouvernements, dans toutes les majorités et dans toutes les oppositions. Mais quand, au titre de l’article 41 de la Constitution, plus d’une dizaine d’amendements de notre groupe sont supprimés et que sept amendements sont rejetés au titre de l’article 45 de la Constitution, nous nous posons des questions !
La semaine dernière, lorsque la commission spéciale a rejeté l’amendement du Gouvernement visant à créer un délit d’entrave numérique à l’IVG, vous avez invoqué, madame Gatel, la figure de Simone Veil, dont chacun s’accorde à reconnaître l’importance du combat. Or je suis au regret de vous rappeler que, à l’époque de Simone Veil, internet et le numérique n’existaient pas ! Le choix politique que vous avez opéré la semaine dernière, alors que cet amendement était en totale conformité avec le texte sur l’égalité réelle entre les femmes est les hommes, est-il une argutie juridique ou vise-t-il simplement à masquer vos divisions sur l’IVG ?
Par ailleurs, madame la rapporteur, vous avez déposé un amendement, qui a été accepté par la commission spéciale, sur la dégressivité des indemnités pour les fonctionnaires momentanément privés d’emploi. Cet amendement n’a absolument rien à voir avec le texte, mais il a été accepté, tout simplement parce que vous voulez, une nouvelle fois, montrer du doigt les fonctionnaires et vous en servir comme boucs émissaires !
Nous contestons très fermement votre interprétation de la Constitution, dans laquelle, il est vrai, l’un de vos leaders ne voit qu’un bout de papier… Je rappelle que, aux termes de l’article 45, « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Censure ? Arbitraire ? Turpitude ? Bonne foi ? Notre groupe hésite encore, monsieur le président, pour qualifier l’attitude de votre majorité.
Je m’adresse donc au président du Sénat, pour l’alerter très solennellement.
Monsieur le président du Sénat, vous êtes le garant du respect de l’équité. Nous vous avons accompagné dans la réforme du règlement du Sénat. Nous soutenons votre volonté d’être plus efficace et de passer moins de temps sur les textes. Néanmoins, ce travail de clarification ne peut devenir un prétexte, dans le contexte préélectoral que nous connaissons tous, à une nouvelle forme d’interprétation arbitraire, qui pourrait s’apparenter à de la censure.
Monsieur le président du Sénat, je vous demande donc instamment, au nom du groupe socialiste et républicain, d’examiner ce qu’il en est réellement de ces amendements.
Nous en discuterons tout au long de l’examen du présent texte, mais nous ne pourrons pas continuer de travailler avec une majorité sénatoriale qui supprime des amendements déposés en commission, dont nous ne pourrons donc pas discuter en séance. Il y va de la bonne tenue de nos débats pour la suite et la fin de cette session parlementaire.