Intervention de Bénédicte Caron

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 octobre 2016 à 9h01
Projet d'instauration du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu — Audition de Mme Bénédicte Caron vice-présidente de la confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises cgpme chargée des affaires économiques juridiques et fiscales et Mm. Alain Loehr directeur associé au sein du cabinet d'avocats fidal geoffroy roux de bézieux vice-président délégué du mouvement des entreprises de france medef président de la commission en charge de la fiscalité et pierre-emmanuel thiard ancien rapporteur général pour le conseil des prélèvements obligatoires

Bénédicte Caron, vice-présidente de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) :

Merci de votre invitation. Ce sujet du prélèvement à la source me tient à coeur, en tant que chef d'entreprise et employeur. Le coût de mise en oeuvre de la réforme est très difficile à prévoir.

Les entreprises soit éditent des bulletins de salaire directement en interne, soit les externalisent auprès d'experts-comptables. Le coût est alors différent. Il est improbable, voire inimaginable, que les experts-comptables ne facturent pas de supplément pour réaliser le prélèvement à la source. Les entreprises qui externalisent feront donc face un surcoût. Celles qui internalisent cette tâche devront assumer un coût informatique : contrairement à l'avis de certains, les éditeurs de logiciel ne délivreront pas ce service gratuitement. À cela s'ajoute un coût de formation des services des ressources humaines (RH), afin qu'ils puissent utiliser le logiciel. Dernier coût, caché, le coût humain : on néglige souvent le temps passé à répondre aux salariés. Or les directeurs des ressources humaines sont déjà à saturation. Ils ne pourront consacrer du temps supplémentaire pour répondre à des questions fiscales. Il me semble que la Suisse propose une compensation lorsque le collecteur est l'entreprise. Cela peut être une bonne solution.

La réforme aura une incidence sur la relation entre l'employeur et le salarié. Le montant d'impôt payé est un sujet tabou en France. Le salarié aura des réserves à ce que l'employeur ait connaissance de ses autres revenus et aura l'impression que son employeur s'immisce dans sa vie privée. Dans le texte de loi, les données confidentielles sont aussi un sujet sensible. En cas de manquement à la confidentialité, l'employeur sera responsable et pourra être sanctionné.

Le rapport entre l'employeur et le salarié peut devenir conflictuel à cause du prélèvement à la source : demain, l'employeur versera moins à son salarié, et sa rémunération nette pourra différer de celle de son voisin, à travail égal, en fonction des situations familiales. Ce prélèvement à la source pourrait conduire à des pressions à la hausse sur les salaires. Même si l'impôt sur le revenu ne concerne que 50 % des salariés, le risque est qu'il soit assimilé à une cotisation sociale, voire à une taxe de l'employeur et non plus considéré comme un impôt lié à la situation familiale et individuelle de chacun. Chacun sait, actuellement, combien il paie d'impôt sur le revenu.

Cette réforme peut ne pas être bien comprise et elle est mal vécue : on ajoute une contrainte supplémentaire aux chefs d'entreprise, qui devront y consacrer du temps. Elle aura un impact sur l'attractivité territoriale de notre pays ; on peut craindre que certains chefs d'entreprise aient des réticences à s'y installer.

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