Intervention de Geoffroy Roux de Bézieux

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 octobre 2016 à 9h01
Projet d'instauration du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu — Audition de Mme Bénédicte Caron vice-présidente de la confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises cgpme chargée des affaires économiques juridiques et fiscales et Mm. Alain Loehr directeur associé au sein du cabinet d'avocats fidal geoffroy roux de bézieux vice-président délégué du mouvement des entreprises de france medef président de la commission en charge de la fiscalité et pierre-emmanuel thiard ancien rapporteur général pour le conseil des prélèvements obligatoires

Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président délégué du Mouvement des Entreprises de France (MEDEF) :

Le MEDEF n'est pas hostile, par principe, à une réforme rendant contemporains le prélèvement de l'impôt et la perception des revenus. De nombreux économistes considèrent que cela va dans le bon sens et évite de créer de l'épargne de précaution. Mais cette réforme, telle qu'elle est prévue, est inutile et précipitée.

Aucun test sur des panels d'entreprises n'est prévu. Plus de sept ans ont été nécessaires pour mettre en place la DSN, par tranches d'entreprises. Avec cette réforme, on avance à marche forcée ! Malgré les propos du secrétaire d'État chargé du budget, je confirme que cette réforme est réalisée sans véritable concertation. Christian Eckert nous a certes reçus à deux reprises ; on nous a informés, en nous présentant le projet. Mais la concertation est un échange qui implique un dialogue et une prise en compte des objections des principaux intéressés. Certes, une seule réunion de concertation s'est tenue avec les services techniques, après notre audition devant la commission des finances de l'Assemblée nationale. Nous ne savons pas encore s'il y en aura une deuxième. Je maintiens donc mes propos : nous avons été informés, mais sans concertation.

Notre objection majeure est que, dès lors que l'employeur deviendra collecteur d'un impôt complexe, cela entraînera des discussions qui n'ont pas lieu d'être au sein de l'entreprise. Le 31 janvier 2018, le salaire médian devrait s'élever à 2 200 euros. Le taux moyen prévu étant de 10 %, 200 euros seront donc déduits en moyenne sur la feuille de paie. Les salariés n'iront pas sur le site internet des impôts pour comprendre, mais directement dans le bureau de leur patron, à l'instar de ce qu'ils avaient fait lors de la fiscalisation des heures supplémentaires, pour l'interroger sur cette réduction de salaire. Il faudra aussi revoir la rémunération des commerciaux, en augmentant le fixe et en baissant la part variable, pour prendre en compte le cash moyen payé mensuellement aux salariés, pour éviter la fronde.

De plus, grâce au concept irréaliste de discrimination fiscale, inventé par le Conseil d'État, un salarié pourrait se plaindre d'une absence d'augmentation en raison de sa situation patrimoniale. Imaginez le nombre de contentieux que cela entraînera, alors que c'est improuvable !

Enfin, la notion de secret fiscal sera étendue à l'ensemble des collaborateurs chargés du prélèvement. Or cela relève du pénal. Si, par vengeance ou maladresse, le taux fiscal d'un salarié est divulgué, le mandataire social en devient responsable.

Pour toutes ces raisons, nous sommes fondamentalement opposés à cette réforme. La contribution sociale généralisée (CSG) est certes déjà un impôt collecté par les entreprises, mais elle a un taux unique, sans niche fiscale, sans prise en compte de la situation conjugale ni du quotient familial. C'est d'ailleurs le cas de la plupart des impôts prélevés à la source. En Angleterre, l'impôt a trois taux et deux dépenses fiscales. Dès que vous connaissez votre salaire, vous connaissez votre taux, sans problème de confidentialité. La comparaison avec les autres pays n'est donc pas pertinente.

Actuellement, la fédération Syntec représentant les éditeurs de paie ne connaît pas le coût de la mise en place de la réforme. Il est certainement de l'ordre de quelques milliers d'euros, ce qui est négligeable pour une grande entreprise, mais pas pour une PME. Reste le coût caché lié au temps passé par le chef d'entreprise ou le responsable des ressources humaines à expliquer aux salariés, en particulier à ceux qui se trouvent dans une situation spécifique, les raisons du taux de prélèvement et du montant du salaire net.

Cette réforme sera peut-être facilement mise en place dans toutes les grandes entreprises qui ont des effectifs en contrats à durée indéterminée stables. Mais, désormais, les emplois sont surtout des contrats courts, de l'intérim, ou encore avec des employeurs multiples. Tous ces cas réclament des traitements particuliers, soit une complexité supplémentaire imposée à l'entreprise.

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