Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 octobre 2016 à 9h01
Projet d'instauration du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu — Audition de Mme Bénédicte Caron vice-présidente de la confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises cgpme chargée des affaires économiques juridiques et fiscales et Mm. Alain Loehr directeur associé au sein du cabinet d'avocats fidal geoffroy roux de bézieux vice-président délégué du mouvement des entreprises de france medef président de la commission en charge de la fiscalité et pierre-emmanuel thiard ancien rapporteur général pour le conseil des prélèvements obligatoires

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

Je ne suis pas hostile, par principe, au prélèvement à la source, qui existe dans tous les pays hormis la Suisse et la France. L'idée semble séduisante. Mais je constate qu'il y a beaucoup plus de situations compliquées - comme celle des multi-employeurs, des particuliers employeurs, des revenus non salariés ou fonciers... - posant des questions à ce jour non résolues. J'ai lu hier les 413 pages de l'évaluation préalable, qui m'ont laissé dubitatif.

L'objectif du Gouvernement est la simplification. Actuellement, nous avons un système fiscal unique au monde : on déclare les revenus de l'année précédente, et on paie soit par mensualisation, soit par tiers provisionnel. Le contribuable connaît le montant de l'impôt payé puisqu'il connaît ses revenus de l'année n-1. C'est un système simple, mais sans imposition contemporaine. Le système proposé n'est pas si contemporain : le taux est calculé pour les neuf premiers mois de l'année sur la base des revenus de l'année n-2. Certes, les revenus sont contemporains, mais le taux appliqué, individualisé, ne l'est pas. De plus, il n'y aura pas un seul taux dans l'année : sur les neuf premiers mois, les entreprises devront appliquer un premier taux, et ensuite un taux actualisé à partir des revenus de l'année n-1 sur les trois derniers mois. Le système n'est donc pas linéaire.

Par ailleurs, chacun devra continuer à faire une déclaration, donnant lieu à régularisation du taux. De plus, la retenue à la source ne s'appliquera qu'aux salaires, pensions et certains revenus de remplacement. Pour tous les autres revenus - pensions alimentaires, revenus fonciers ou non-salariés - ce sera un système d'acompte, et non un prélèvement à la source. Plus on y réfléchit, plus le système se complexifie. Certes, le texte actuel autorise des modulations, par exemple pour prendre en compte un mariage mais, contrairement à ce qui est indiqué dans le dossier de presse du Gouvernement, il ne prévoit pas la possibilité de modifier simplement le taux de prélèvement en cas de naissance.

Les réductions d'impôt dont bénéficient neuf millions de foyers fiscaux - comme par exemple pour l'emploi à domicile - ne seront pas prises en compte immédiatement dans le taux du prélèvement. Certaines familles, actuellement non imposables, pourraient le devenir avec le prélèvement à la source. Abonder temporairement la trésorerie de l'État ne sera pas si populaire auprès des ménages...

Pourquoi quatre projets de réforme précédents n'ont jamais abouti ? Certes, les autres pays ont mis en place ce système mais on essaie de calquer un mode de prélèvement adapté à un impôt individualisé sur un système d'imposition familialisé. Est-ce compatible sans réforme fiscale majeure ? La CSG a un taux unique sur les salaires et est individualisée. À cela s'ajoute qu'on applique le prélèvement à la source à un système fiscal complexe avec des revenus salariaux, des BNC, des BIC et des revenus fonciers avec différents abattements...

Ne pourrait-on pas proposer des solutions alternatives à la réforme, comme nous le demandions dans notre amendement de principe inscrit dans la loi de finances pour 2016 ? Une solution simple, sans argument contraire à ma connaissance, serait, après une année de transition, d'avoir une imposition contemporaine, avec ensuite une information en temps réel de l'administration fiscale qui applique la mensualisation. La DGFiP continuerait à prélever mensuellement l'impôt sur la base des DSN, plutôt que de transmettre aux entreprises cette responsabilité. Pourquoi risquer des conflits, alors que l'impôt est globalement accepté en France ? Le taux de recouvrement spontané est de plus de 98 %, exceptionnel au sein de l'OCDE. On peut mettre en place une imposition contemporaine, plus moderne, sans recourir aux employeurs. Pierre-Emmanuel Thiard pourrait-il nous expliquer quels pourraient être les obstacles à cette solution, hormis un décalage d'un mois - contre une année aujourd'hui - mis en avant par le Gouvernement ?

L'année de transition est une usine à gaz. Les Français s'imaginent qu'il n'y aura pas d'impôt, mais en 2017 ils paieront l'impôt sur les revenus de 2016, et en 2018 sur ceux de 2018. L'année 2017 est neutralisée, mais l'administration a prévu ceintures, bretelles, garde-fous et parachutes pour examiner dans chaque rémunération ce qui est ou non exceptionnel. Pour la première fois, on entrera dans le détail de tous les contrats de travail pour examiner cela. Ce sera un tel travail pour l'administration qu'elle prévoit déjà d'augmenter le délai de reprise fiscale de trois à quatre ans. Le directeur général des finances publiques, Bruno Parent, a confirmé, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale que cela créera un pic d'activité pour les services fiscaux. On est tombé sur la tête ! On veut simplifier la vie du contribuable, avec la télédéclaration et la déclaration pré-remplie, qui sont des succès. Mais ici, ce serait un retour en arrière. Que pensent les entreprises de cette année 2017 de transition?

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