Intervention de Françoise Gatel

Réunion du 5 octobre 2016 à 14h30
Égalité et citoyenneté — Article 14 decies

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel, rapporteur :

Nous arrivons à une étape particulière de ce débat.

Nous avons été surpris par un amendement déposé en première lecture, contournant quelque peu l’avis du Conseil d’État, par lequel le Gouvernement exige que nous l’habilitions à revoir par ordonnance les conditions d’ouverture des établissements privés, alors même qu’une demande identique formulée par l’AMF, l’Association des maires de France, avait été refusée par le ministère, sous prétexte d’inconstitutionnalité.

Par cet amendement, le Gouvernement souhaite remplacer les régimes de déclaration en vigueur, instaurés par des lois datant du siècle dernier, par un régime d’autorisation préalable.

Monsieur le ministre, vous mettez tout en œuvre pour nous convaincre de la faible portée de ce changement en nous assurant qu’un régime d’autorisation est déjà en vigueur en Alsace-Moselle et que, l’absence de réponse de l’administration valant acceptation, rien ne distinguera le futur régime de l’actuel.

N’y a-t-il pas pourtant une différence, en matière d’exercice d’une liberté fondamentale, entre une déclaration à l’administration et la demande d’une permission ?

Mes chers collègues, il s’agit en effet bien de déterminer les conditions d’exercice d’une liberté fondamentale : l’enseignement. Notre commission a choisi, avec beaucoup de rigueur, de conserver le principe d’une déclaration et d’unifier les règles en les renforçant, afin de sécuriser ce dispositif.

En outre, contrairement à vous, monsieur le ministre, nous avons prévu un renforcement des contrôles a posteriori en faisant obligation au recteur de contrôler au moins une fois par an les classes hors contrat.

Mes chers collègues, le durcissement du dispositif d’ouverture que nous proposons est le fruit de la lucidité nécessaire face aux dévoiements auxquels nous assistons ; dans le même temps, il respecte la liberté constitutionnelle.

Monsieur le ministre, qui serait suffisamment ingénu pour croire que des personnes mal intentionnées commettraient la maladresse de ne pas remplir correctement un dossier d’autorisation d’ouverture ?

Ici même, il y a plus d’un siècle, le 17 novembre 1903, notre assemblée examinait le projet de loi Chaumié, qui avait pour dessein de remplacer, pour l’ouverture des écoles privées, le régime de déclaration par un régime d’autorisation préalable. Permettez-moi de citer ici, comme d’autres avant moi, un de nos plus illustres prédécesseurs, Georges Clemenceau. S’élevant contre cette initiative, qu’il qualifiait de liberticide, il s’adressa en ces termes à ses collègues : « Vous avez fait la liberté de la presse, vous avez fait la liberté de réunion, vous ferez […] la liberté de conscience. Vous aurez le courage de faire la liberté de l’enseignement. »

Alors mes chers collègues, je vous en conjure, en ce jour, ne défaites pas ce qui est une liberté constitutionnelle, mais sécurisez, dans l’intérêt des enfants, la procédure d’ouverture.

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