Intervention de Jacques-Bernard Magner

Réunion du 5 octobre 2016 à 14h30
Égalité et citoyenneté — Article 15

Photo de Jacques-Bernard MagnerJacques-Bernard Magner :

Actuellement, seuls les mineurs lycéens peuvent créer leurs propres journaux et être directeurs ou codirecteurs de publications diffusées uniquement au sein de leur établissement scolaire. Le projet de loi étendait ce droit à l’ensemble des mineurs de seize ans et plus, y compris pour les publications en ligne. Cet article a été supprimé en commission spéciale. Contrairement à ce qu’avance Mme Gatel dans son analyse pour justifier cette suppression, il s’agissait non pas d’une remise en cause de la majorité à dix-huit ans, mais simplement d’une extension d’un droit en vigueur pour une partie des mineurs seulement. En outre, le droit reconnaît déjà des prémajorités économiques ou pénales.

Concernant la question de la responsabilité des mineurs, qui justifierait également, pour la rapporteur, la suppression de cet article, le Conseil d’État a été très clair sur ce point dans son avis sur le présent texte. Il a « estimé nécessaire de compléter le projet de loi afin de préciser que la responsabilité civile des représentants légaux du mineur nommé directeur de publication ne puisse être engagée qu’à raison d’une faute du mineur dans les conditions prévues par la loi du 29 juillet 1881 et sur le fondement de l’article 1384 alinéa 4 du code civil ».

Afin d’éviter que la responsabilité des parents ne soit engagée en l’absence de faute du mineur et du simple fait de l’existence d’un préjudice causé par la publication, il est donc précisé explicitement que la responsabilité parentale pourra être recherchée sur le fondement de l’article 1384 du code civil uniquement si le fait à l’origine du dommage est susceptible d’engager la responsabilité civile du directeur de la publication, dans les conditions prévues par la loi du 29 juillet 1881.

Il n’y a donc aucune ambiguïté et aucun risque juridique à étendre ce droit ; il faut juste opérer un changement de regard vis-à-vis de la jeunesse pour lui faire plus confiance. Car, même dans la presse lycéenne, qui bénéficie pourtant d’un cadre juridique encourageant et protecteur, un changement de regard serait nécessaire là aussi pour que les adultes laissent vraiment les lycéens prendre les responsabilités auxquelles ils aspirent. Ainsi, selon l’Observatoire des pratiques de presse lycéenne, en 2010, 73 % des journaux lycéens avaient un responsable de publication adulte, qui, en plus, n’avait généralement pas été choisi par la rédaction.

En moyenne, 45 % des journaux lycéens sont soumis à un contrôle avant publication, et ce contrôle concerne même jusqu’à 68 % des journaux dont le responsable est un élève. Pourtant, depuis 1991, les lycéens, mineurs compris, ont le droit d’assumer la responsabilité juridique de leur publication « sans autorisation ni contrôle préalable du chef d’établissement ».

Nous avons donc encore des progrès à faire en matière de liberté d’expression. Ce projet de loi nous en offre l’occasion. Le journalisme jeune est un véritable atelier de pratique démocratique qui mériterait d’être mieux valorisé, développé et, surtout, le droit de publication doit devenir un droit accessible à l’ensemble de la jeunesse, conformément à nos engagements internationaux.

Les jeunes de plus de seize ans non scolarisés, les jeunes d’un conseil de jeunes ou d’un club de sport, par exemple, ne peuvent pas publier leur propre journal. Pourquoi une telle discrimination ?

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