Intervention de Philippe Dallier

Commission d'enquête Chiffres du chômage — Réunion du 4 octobre 2016 à 8h05
Examen du rapport

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier, rapporteur :

Concentrons-nous ce matin sur les propositions d'ajouts, puisque je vous ai déjà présenté le rapport le 21 septembre dernier. Néanmoins, je vous rappelle les grandes lignes de notre travail. En ce qui concerne la sincérité des chiffres - tant les données de l'Insee sur le chômage au sens du Bureau international du travail (BIT), que celles de Pôle emploi et de la Dares - il n'y a pas de doute, ces chiffres ne sont pas « truqués ». En revanche, sont-ils fiables ? Cela est un autre débat ! Ils peuvent ne pas toujours refléter exactement la réalité, on l'a vu. Sans doute des efforts ont-ils été faits, mais il y a régulièrement des problèmes de fiabilité et il y en aura encore. Ainsi, le Gouvernement a expliqué l'augmentation du nombre de chômeurs au mois d'août dernier - 50 000 demandeurs d'emploi supplémentaires en catégorie A - par le jour supplémentaire permettant de s'actualiser, ce qui n'est pas faux... Donc, on le voit, tout cela reste soumis à interprétation.

Cela dit, in fine, ce qui importe le plus, ce n'est pas tant le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A (3,5 millions de personnes), ni celui des chômeurs au sens du BIT (2,8 millions), que l'écart entre le dernier chiffre et celui de l'ensemble des demandeurs d'emploi des catégories A, B, C et D, soit 6,2 millions de personnes, auxquels il faut d'ailleurs ajouter tous ceux qui ne sont pas inscrits à Pôle emploi, et ils sont nombreux. Nous avons pu le constater dans le département du Nord, où 40 % des allocataires du RSA ne sont pas inscrits à Pôle emploi - ce qui représenterait, en extrapolant, environ 800 000 personnes en France. Si l'y on ajoute en sus les jeunes de 18 à 25 ans qui ne sont pas suivis par une mission locale ni inscrits à Pôle emploi, on constate que le « halo » du chômage est très important.

C'est là-dessus qu'il faudrait se concentrer et c'est ici que les comparaisons avec les politiques des autres pays européens sont intéressantes. Comment ont-ils tenté de ramener vers l'emploi ceux qui sont au chômage ou à temps partiel non choisi ?

Je ne reviens pas sur la situation au Royaume-Uni, en Allemagne et en Italie, le rapport est assez détaillé à ce sujet. Nous avions des a priori, concernant par exemple les « mini-jobs », les « midi-jobs » et les contrats à un euro en Allemagne. Ils ont pu, vus de loin, susciter des commentaires négatifs. Certains commentateurs en soulignent la précarité mais négligent de voir qu'ils ramènent des personnes vers l'emploi en entreprise.

Or qu'est-ce qui est le plus précaire ? Être au RSA et sans travail, ou avoir un mini-job ? En outre, et je vous proposerai de l'ajouter dans le rapport, les efforts consentis en Allemagne et au Royaume-Uni ont permis à ces pays de dégager d'importantes marges de manoeuvre, d'où l'instauration ensuite d'un salaire minimal en Allemagne qui profite à tous les salariés et l'amélioration des conditions de travail au Royaume-Uni avec, là encore, un salaire minimal. Il faut donc mesurer tout cela et de manière objective...

Sur la suggestion de Mme la présidente, reprenant une idée de M. Jean-Baptiste de Foucauld, je propose l'organisation d'assises annuelles de l'emploi rassemblant le Gouvernement, les syndicats, le patronat et des économistes pour faire le point des politiques économiques et tracer des perspectives.

Lors d'une réunion précédente, Jean-Claude Lenoir estimait avec raison que le débat public se concentrait trop sur les chiffres des demandeurs d'emploi de catégorie A. J'ai donc modifié l'avant-propos du rapport pour insister sur ce point.

Georges Labazée estimait pour sa part que la définition du chômage au sens du BIT est très restrictive. Il est vrai que le chiffre de 2,8 millions de personnes comparé aux 3,5 millions de demandeurs d'emploi de catégorie A peut surprendre. Néanmoins, nous rappelons dans le rapport la définition du chômage au sens du BIT : il faut ne pas avoir travaillé dans la période de référence, être immédiatement disponible et être en recherche active. Ce chiffre ne veut rien dire de plus.

Jean-Baptiste Lemoyne a suggéré de demander à Pôle emploi de suivre les personnes entrant en catégorie D et bénéficiant d'une formation - que deviennent-elles ensuite ? C'est pourquoi nous demandons à Pôle emploi, d'une part, de publier les transferts entre catégories, qui existent déjà, d'autre part, de suivre la situation des personnes bénéficiant d'une formation à l'issue de celle-ci.

Enfin, nous avons ajouté au rapport sept annexes permettant une comparaison entre les pays de l'Union européenne sur différents critères : le taux de chômage, le salaire annuel brut moyen, le revenu médian, le revenu moyen, le pourcentage des salariés ayant un emploi à durée déterminée, la part des emplois à temps partiel et le taux de pauvreté. Cela permet d'éclairer le débat sur la précarité. Selon une étude de la Banque mondiale, cependant, la pauvreté a reculé en Allemagne récemment.

Figurera également dans les annexes l'instruction de Pôle emploi du 21 avril 2016 sur la mise en oeuvre du plan « 500 000 formations supplémentaires ». Nous avons réclamé ce document après la parution d'un article du Canard enchaîné à ce sujet cet été.

Par ailleurs, dans la conclusion, je souhaite préciser que les pays qui ont fait des efforts utilisent le résultat de ces efforts pour améliorer les conditions des salariés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion