Le débat que nous avons depuis le début de l’après-midi montre bien que la commission spéciale a apporté des modifications substantielles au dispositif de la loi SRU. On l’a vu avec le taux et on le voit maintenant avec le nombre de logements décomptés. Ne nous faites donc pas croire que vous ne touchez pas à la loi SRU !
Lorsque vous incluez les logements financés avec un prêt à taux zéro, il faudra m’expliquer en quoi l’accession privée de ménages qui bénéficient de ce prêt répond à la problématique de l’accès au logement social. À l’Assemblée nationale, nous n’avons modifié qu’un point concernant le décompte des logements SRU, à la demande d’un certain nombre de communes concernées : nous avons intégré dans le décompte les terrains familiaux qui sont utilisés aujourd’hui pour des logements pérennes.
Pour reprendre les choses dans l’ordre et selon la ligne que j’ai défendue précédemment, j’émettrai un avis favorable sur les amendements visant à rétablir les dispositions initiales et un avis défavorable sur les autres.
En conséquence, je suis favorable à l’amendement n° 154 présenté par M. Favier concernant l’inventaire des logements sociaux ainsi qu’à l’amendement n° 150 et défavorable à l’amendement n° 261 rectifié.
La commission spéciale a souhaité intégrer les aires permanentes d’accueil dans le décompte de la loi SRU. Or je tiens à rappeler que ces aires ne sont pas occupées de manière continue. Surtout, elles ne constituent pas des logements pérennes. Je rappelle également que le décompte de la loi SRU permet de donner aux communes et à l’État des contingents sur lesquels ils feront du relogement. Ce n’est pas à ce titre, me semble-t-il, que sont utilisées aujourd’hui les aires d’accueil permanentes.
L’amendement n° 201 et les amendements identiques n° 151 et 621 rectifié visant à rétablir le décompte prévu dans le texte initial, l’avis est favorable.
À ce sujet, et ce n’est pas un débat nouveau, le Gouvernement et le Sénat ont un point de vue divergent sur le fait d’intégrer dans le décompte de la loi SRU les résidences étudiantes gérées par le CROUS, dites « d’ancienne génération ». Je veux être extrêmement précise : des logements étudiants gérés par le CROUS sont aujourd’hui considérés comme du logement social parce qu’ils relèvent de prêts de logements locatifs, notamment de conventionnements APL. Les résidences évoquées dans le texte de la commission spéciale sont celles pour lesquelles il n’y a pas de conventionnement APL.
Je tiens par ailleurs à rappeler – je sais que c’est un sujet de débat dans certaines communes – que les résidences du CROUS ne donnent pas lieu au paiement d’une taxe d’habitation, ce dont beaucoup de maires se désolent. Si nous ne souhaitons pas aujourd’hui intégrer ces chambres « non conventionnées » gérées par les CROUS, c’est parce que, en l’absence d’un conventionnement APL, nous n’avons aucune garantie qu’elles continueront à accueillir des étudiants modestes.
Madame la rapporteur, vous m’aviez interrogée sur le sujet il y a quelques mois dans cet hémicycle. Je maintiens donc la position que j’avais défendue. Vous le savez, nous voulons, par les habilitations qui figurent dans le projet de loi, unifier le régime des résidences universitaires à vocation sociale, qu’elles soient gérées par le CROUS ou par les bailleurs sociaux.
Par ailleurs, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 270 rectifié.
Avec l’amendement n° 264 rectifié bis, nous abordons un autre sujet.
Même si les programmes d’accession sociale à la propriété bénéficient d’aides importantes de l’État et sont portés par des bailleurs sociaux, ce sont des programmes d’accession à la propriété privée. Ils ont beau avoir une vocation sociale, ils ne constituent en rien des logements sociaux, puisqu’il n’existe aucun contingent au titre de l’accession sociale. Surtout, tous les ménages qui entrent dans l’accession sociale ne sortent pas du logement social. Certes, ils ont des revenus faibles – c’est ce qui leur permet d’entrer dans l’accession sociale –, mais beaucoup d’entre eux viennent du parc privé, qui, souvent, ne les loge pas bien.
Nous reconnaissons évidemment, et c’est d’ailleurs pour cela que nous les finançons aujourd’hui, le caractère social de ces programmes d’accession sociale. Nous croyons d’ailleurs à leur développement ; c’est un véritable outil de mixité, mais aussi de stabilisation de nombreux ménages. Mais soyons clairs : ils ne peuvent pas constituer des logements sociaux au titre du décompte de la loi SRU, car ils ne seront utiles à personne en matière de relogement. Cela ferait gonfler artificiellement les taux. Certaines communes pourraient ainsi avoir un taux important de logements sociaux sans pour autant parvenir à reloger leurs demandeurs.
L’accession sociale reste un programme d’accession à la propriété – certes, à vocation sociale –, et c’est pour cette raison que nous sommes opposés au fait que ces logements non conventionnés soient décomptés au titre de la loi SRU. L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° 264 rectifié bis.
Nous demandons le retrait des amendements n° 152 et 153 au profit de l’amendement n° 201. Nous n’avons pas de désaccord sur le fond, mais la rédaction de ce dernier amendement nous semble préférable.
Nous demandons également le retrait de l’amendement n° 156 au profit de l’amendement n° 202, qui porte sur le même sujet, mais qui nous semble plus complet et auquel nous donnons, évidemment, un avis favorable.
J’en viens au financement des communes qui ont déjà plus de 50 % de logements sociaux et à l’amendement n° 407 de M. Dubois et Mme Létard, auquel nous sommes favorables.
Le nombre de communes concernées doit être de l’ordre de trente ou trente-cinq. Je vous donnerai le chiffre précis tout à l’heure. Elles sont essentiellement situées en Île-de-France, mais pas seulement. En effet, il y en a également dans d’autres régions, et pour des raisons très différentes – on retrouve là toute l’histoire de la construction du logement social – : très forte urbanisation, anciens bidonvilles, accueil des rapatriés ; certaines villes ont aussi une offre sociale importante de logements étudiants depuis longtemps.
Pour dire les choses très clairement, beaucoup de ces communes sont concernées par des opérations de rénovation urbaine. Dans ce cadre, il y a des programmes non seulement de réhabilitation, mais aussi de démolition, par exemple quand les logements ne correspondent plus aux besoins. Mais ces communes ont aussi besoin de construire des logements sociaux, non pas pour augmenter le taux artificiellement, mais – comme les maires nous l’ont expliqué – pour accueillir les populations qui sont déjà là.
Certaines communes qui ont entre 50 % et 75 % de logements sociaux – je pense notamment à de nombreuses communes d’Île-de-France que je connais très bien – font partie de celles qui reçoivent le plus grand nombre de demandes de logements sociaux, d’une part, parce qu’elles en ont et, d’autre part, parce que les populations veulent habiter dans ces communes très bien desservies par les transports en commun. Ce n’était pas encore le cas il y a une dizaine d’années. Les futures lignes de métro de la métropole du Grand Paris doivent d’ailleurs permettre de désenclaver certaines de ces communes. Dans moins de dix ans, des communes qui ont certes aujourd’hui 50 % de logements sociaux seront à moins de dix minutes en transport en commun du centre de Paris.
Vouloir limiter par la loi des constructions de logements sociaux simplement en fonction du taux me semble contraire à ce que vous avez cherché à faire : appliquer les règles au niveau local, après discussion. Or, aujourd’hui, il y a une discussion. Je suis d’ailleurs étonnée que vous n’ayez pas évoqué les circulaires et les instructions prises à la suite des trois comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté qui se sont tenus depuis mars 2015. Le ministère du logement, par l’intermédiaire de son administration, décide, après des négociations très serrées avec les communes concernées, s’il autorise ou non la construction de nouveaux logements sociaux. Les agréments ne sont donc pas automatiques.
Il nous semble surprenant que vous cherchiez à encadrer fermement par la loi ce qui se fait aujourd’hui par une discussion avec les communes, y compris devant le comité régional de l’habitat et de l’hébergement. De la sorte, vous empêcheriez cette discussion qui nous paraît importante. Ces communes qui ont plus de 50 % de logements sociaux peuvent être très peu peuplées ou, au contraire, avoir 100 000 habitants. Leurs histoires sont très différentes, et il nous semble nécessaire de laisser aux territoires et au ministère cette capacité de discuter à l’occasion de la demande d’agrément. C’est la raison pour laquelle nous sommes favorables à l’amendement n° 407.
En ce qui concerne l’amendement n° 263 rectifié, l’avis est défavorable, notamment parce qu’il nous semble étonnant – M. Collombat l’a fait remarquer – de chercher à fixer des objectifs et des contraintes en matière de production de logement intermédiaire. Pour y accéder, il y a des niveaux, mais pas de plafond de ressources. Le logement intermédiaire se développe là où les maires en expriment le besoin.
Nous avons lancé un plan important de construction de logements intermédiaires – vous avez voté des dispositions législatives à ce sujet il y a deux ans – porté notamment par la Caisse des dépôts et consignations et la SNI. Aujourd’hui, il produit ses effets. Nous avons évidemment des besoins en logement intermédiaire, mais ils ne sont pas obligatoirement corrélés aux besoins en logement social.
Enfin, nous demandons le retrait de l’amendement n° 614 rectifié au profit de l’amendement n° 202, qui nous paraît plus complet.