Notre commission examine aujourd'hui ce qui pourrait être le dernier texte de la législature consacré au sport. Cela ne doit rien au hasard. Notre commission de la culture a su démontrer, ces dernières années, qu'elle nourrissait un intérêt particulier pour le sport, qui est à la fois une activité bénéfique à la santé et au développement personnel, un vecteur favorable à l'éducation et à l'émancipation de la jeunesse, et une activité économique créatrice d'emplois, essentielle à l'attractivité économique de nos territoires.
Beaucoup des membres de la commission se sont impliqués dans les questions relatives au sport : les spécialistes reconnus comme Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits du sport, ou encore Michel Savin, qui préside le groupe d'études relatif aux pratiques sportives et aux grands événements sportifs, mais également Claude Kern, Mireille Jouve, Christine Prunaud ou encore Corinne Bouchoux.
Il était naturel que nous prenions l'initiative de répondre aux attentes des fédérations et des ligues, qui souhaitent accélérer le développement du sport professionnel tout en améliorant sa régulation.
Le Sénat a du reste produit ces dernières années plusieurs rapports sur l'avenir du sport professionnel : le rapport de la mission d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales, présidée par Michel Savin, en 2014 ; le rapport que j'avais cosigné avec Jean-Marc Todeschini sur les grands stades et les arénas, et le rôle des collectivités territoriales en la matière ; le rapport du groupe de travail sur l'éthique du sport de juillet 2013, dont les dix propositions ont influencé le contenu de la présente proposition de loi.
Ces travaux ont constitué une base utile à la concertation organisée entre octobre 2015 et avril 2016, à l'initiative du secrétaire d'État chargé des sports Thierry Braillard, pour rassembler au sein de la Grande Conférence sur le sport professionnel français l'ensemble des acteurs : les fédérations, les syndicats, les sportifs, mais aussi les pouvoirs publics.
Cette Conférence a rendu, le 19 avril dernier, un rapport accompagné de plus de 60 propositions. Son constat est sans appel : en dépit de 1'intérêt médiatique et de l'engouement populaire pour certains sports, et alors qu'il constitue un facteur d'activité locale et d'animation territoriale, le secteur du sport professionnel français est en grande difficulté.
Les clubs, qui constituent l'unité de base du sport professionnel, connaissent depuis plusieurs années une grande fragilité financière qui tient, en particulier, à l'insuffisante diversification de leurs recettes. Selon le rapport de la Grande Conférence sur le sport professionnel français, les subventions d'exploitation versées par les collectivités territoriales représentent, en moyenne, 26 % des ressources des clubs pour le basketball de Pro B, mais 78 % pour la ligue B masculine de volley-ball, les recettes provenant du sponsoring et de la billetterie étant trop réduites et les droits TV présentant de grandes disparités.
La faiblesse de la culture du sport en France expliquerait que nos concitoyens n'aient pas l'habitude de prendre le chemin des stades ou des salles, à l'inverse de nos voisins européens. Cela dit, rares sont les stades et les salles en France qui donnent envie de se déplacer ! Des changements sont en cours, on l'a vu lors de l'Euro 2016 de football, mais ils sont lents.
Michel Savin, Jean-Jacques Lozach, Claude Kern et moi avons, la semaine dernière, découvert, à Lyon, le « Parc OL » et discuté avec Jean-Michel Aulas du nouveau modèle économique de l'Olympique lyonnais. Selon lui, c'est la cotation du club et le choix déterminé d'investir dans la durée qui ont permis de réaliser cet équipement unique en France. Le stade compte 58 restaurants et plus de 6 000 places VIP. Le sujet est donc bien d'ordre capitalistique : le sport français a besoin de se réformer pour pouvoir attirer de nouveaux investisseurs dans la durée.
Afin que ce surcroît de moyens ne conduise pas à des dérives, il est essentiel d'accompagner la professionnalisation par un renforcement des garde-fous éthiques. La pratique du sport professionnel donne parfois lieu à des comportements inacceptables sur le terrain et en dehors. C'est pourquoi toutes les avancées dans la voie de la professionnalisation et - ce n'est pas un gros mot - du « sport business » doivent avoir pour corollaire une vigilance accrue et des principes réaffirmés.
Les paris truqués - chacun a en mémoire l'affaire qui a frappé le club de handball de Montpellier -, les comportements inappropriés de certains joueurs de football, qui nuisent gravement à l'image de leurs clubs, les rumeurs insistantes de dopage dans certaines disciplines, à présent la fraude technologique dans le cyclisme, sont des dérives face auxquelles le législateur devait réagir. La présente proposition de loi ne va pas révolutionner le sport professionnel, mais elle marque une étape importante, elle débloque certains problèmes auparavant non abordés.
Dès le dépôt de la proposition de loi, j'ai proposé, avec l'accord de Mme la présidente, d'associer un membre de chaque groupe politique aux auditions. Je remercie donc Mireille Jouve, Christine Prunaud, Michel Savin, Jean-Jacques Lozach et Claude Kern de s'être rendus disponibles pour mener en quelques jours une large concertation et améliorer la rédaction sur certains points.
L'article 1er crée une obligation pour chaque fédération et chaque ligue de créer avant le 31 décembre 2017 un comité doté d'un pouvoir d'appréciation indépendant, pour veiller à l'application d'une charte d'éthique et de déontologie.
L'article 2 a pour objectif de rappeler aux fédérations leur rôle en matière de lutte contre la fraude technologique. L'article 3 étend l'interdiction de parier pour les acteurs des compétitions sportives à toute leur discipline.
Les articles 4 et 5 renforcent la transparence des flux financiers en prévoyant un contrôle financier des agents sportifs, qui sont au coeur de nombre de polémiques. Ces articles renforcent également les pouvoirs des directions nationales du contrôle de gestion, les directions nationales de contrôle de gestion (DNCG), qui devront désormais contrôler les clubs et les agents.
La proposition de loi vise aussi à améliorer la compétitivité des clubs. L'article 6 vise à renforcer leur attractivité aux yeux des investisseurs. Aujourd'hui, les clubs dépendent des associations sportives, titulaires du numéro d'affiliation émis par les fédérations, lequel permet de participer aux compétitions. Des conventions pluriannuelles prévoient les conditions dans lesquelles les clubs peuvent en disposer. L'article 6 concerne la durée de cette convention, entre un et cinq ans aujourd'hui, entre six et douze ans dans ma rédaction initiale - mais je vous présenterai un amendement pour aller plus loin.
Il est aussi proposé de reconnaître le droit d'usage de la société sportive à l'endroit du numéro d'affiliation. Cette évolution est très attendue par les clubs et les ligues, pour faciliter l'arrivée de nouveaux investisseurs, en quête de sécurité juridique.
L'article 7 comporte la principale innovation de cette proposition de loi : l'application au sport professionnel de la fiducie, prévue par le code civil pour gérer des actifs, notamment immobiliers, au sein d'une structure indépendante. La concertation a été intense et les questions nombreuses. Est-ce équitable pour les sportifs les moins connus ? Beaucoup de précautions devront être prises, aussi bien dans la loi que dans le décret d'application, ce qui pourrait nuire à la simplicité. Nous devrons donc reconsidérer la rédaction tout en maintenant le principe : mieux distinguer les deux aspects de la rémunération des sportifs professionnels : le salaire lié aux performances sportives et la rémunération de l'image, qui doit dépendre de la notoriété et de l'attitude. Il serait plus sage de revenir au mécanisme de redevance préconisé par le rapport Glavany de 2014.
L'article 8 de la proposition de loi permet aux fédérations de salarier les arbitres. L'article 9 met en place une conférence permanente sur le sport féminin, qui devra favoriser la médiatisation des disciplines féminines. Cela passe par le renforcement de l'expertise des ligues féminines dans la négociation des droits audiovisuels.
Les articles 10 et 11 sont relatifs à la lutte contre le dopage. Le premier vise à étendre l'application du profil biologique et le second à rétablir la compétence de l'Agence française de lutte contre le dopage sur les compétitions qui ne sont pas organisées par les fédérations.
Ces dispositions ne sont donc pas hétérogènes ; ce sont des mesures complémentaires qui visent à maintenir un équilibre entre deux exigences : l'une éthique et l'autre économique. Nous devons préserver cet équilibre, ici comme en séance publique.
Dans le prolongement des travaux menés par le Sénat, des dispositions nouvelles sur le rôle des collectivités territoriales pour soutenir le développement du sport professionnel seront examinées. Nous discuterons du texte le 26 octobre en séance publique. Les députés, en janvier prochain, devront comme nous se discipliner afin que le texte puisse être adopté avant la suspension des travaux fin février. Si certains débats doivent être rouverts, ils pourront l'être ultérieurement.
Merci à la présidente d'avoir permis à un rapporteur issu de l'opposition sénatoriale de conduire un travail de fond dans un esprit d'ouverture et de confiance. C'est la preuve que notre commission sait rassembler les énergies et travailler au-delà des différences politiques.