Je veux saluer la clarté du propos de notre rapporteur ainsi que sa franchise. Je ne dis pas, cependant, que son rapport m'a rassurée : c'est tout le contraire !
Une orientation a été fixée, notamment dans le cadre de la stratégie nationale pour l'enseignement supérieur (StraNES) : porter à 60 % la part d'une classe d'âge diplômée du supérieur. Nous avons parlé de 20 000 docteurs supplémentaires par an, d'un niveau de dépenses consacrées à l'enseignement supérieur égal à 2 % du PIB. Cette option signifiait, dans mon esprit, que nous devions nous interroger sur les capacités d'accueil offertes aux étudiants et sur les moyens budgétaires à mobiliser. C'est ce que nous a dit Nathalie Mons, présidente du Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco), lorsque nous l'avons auditionnée.
Je ne nie pas les difficultés et ne suis pas naïve. Lorsque nous avons transposé dans le système LMD des structures existantes, nous savions que cela poserait des problèmes, en particulier en raison de la diversité de l'offre au sein des universités. Il y a aussi des difficultés juridiques.
Mais que nous propose-t-on ? De déplacer le moment de la sélection, jusqu'à présent à l'entrée en master 2, à l'entrée en master 1. On sait que la sélection existe déjà, par l'échec, mais aussi par les limites de la capacité d'accueil. Corinne Bouchoux rappelait la dimension sociale de cette sélection : sur les chances respectives de réussite des enfants de cadres et des enfants d'ouvriers, les chiffres sont connus.
La question posée est celle de la massification. En effet, il ne s'agit pas de faire en sorte que tout étudiant possède un master, mais de répondre à l'exigence d'une élévation globale des niveaux de qualification. Non pas créer une simple adéquation entre les diplômes et le marché du travail, mais permettre à chacun d'accéder à des compétences grâce auxquelles il pourra rebondir, puisqu'un tiers des métiers de demain ne sont pas encore identifiés.
En définitive, ce sont la démocratisation et la réussite pour tous qui sont en jeu. Or je ne vois pas de réponse à cette question dans ce qui nous est proposé aujourd'hui.
Je suis vraiment perplexe s'agissant du droit à la poursuite des études. Monsieur le rapporteur, vous n'en avez pas fait un droit opposable. Or les capacités d'accueil vont limiter l'application de ce droit. Que feront les jeunes obligés de se contenter de leur deuxième ou de leur troisième choix ? À qui s'adresseront-ils si une difficulté se présente ? Qui sera chargé de traiter ce genre de cas ?
Ma dernière interrogation porte sur les moyens. Nous attendons le projet de loi de finances, car il faudra de l'argent, notamment pour organiser la mobilité. En l'état actuel des choses - le débat public nous permettra de continuer à confronter nos points de vue -, nous nous abstiendrons.