Je remercie le rapporteur pour son travail. Un petit souci légistique, malgré tout : nous avons cosigné une proposition de loi dont le contenu était clair ; or le Gouvernement s'apprête à profiter de ce vecteur législatif pour concrétiser les engagements qu'il a pris le 4 octobre dernier. Ainsi, la proposition va se retrouver vidée de l'une de ses parties, ou complétée par une autre partie, suivant l'interprétation choisie. Nous aurons donc une sélection, mais aussi un nouveau droit - les temps sont à la création de droits, au « toujours plus de droits » !
Pour ce qui concerne l'esprit originel de la proposition de loi, nous ne pouvons qu'y souscrire. D'une part, alors que les accords de Bologne avaient instauré le cadencement LMD, nous en étions restés, en France, au vieux cadencement licence-maîtrise, ce qui occasionnait une sélection au milieu du gué. D'autre part, la sélection, c'est le moyen de sauver l'université française. Il faut affronter cette notion. Pourquoi le mot fait-il peur ? Il n'est que l'autre nom du mérite républicain, si tous ont les mêmes chances.
Le Gouvernement, néanmoins, décide d'inclure dans cette proposition de loi la création d'un nouveau droit : le droit à la poursuite des études. Le problème est d'abord d'ordre légistique : créer un nouveau droit sans avoir évalué ni les conséquences ni les modalités de cette création, c'est un jeu de dupes. Certes, le Gouvernement a besoin d'un antidote au mot « sélection », afin d'étouffer dans l'oeuf le poison naissant d'éventuelles manifestations ; mais aucune évaluation n'est proposée et, surtout, le texte repose sur une contradiction : on y parle à la fois de sélection et de droit au master pour tous.
L'éducation nationale a réussi le pari de la massification dans les années soixante-dix et quatre-vingt. Mais pour affronter les problèmes de l'échec et du décrochage massifs, la solution ne passera pas, demain, par la massification, mais par la promotion de la diversité des parcours. Les êtres humains ne sont pas des prototypes et l'approche quantitative mène dans un mur !
Je suis toujours prêt à accompagner les démonstrations d'unanimisme ; mais cette façon de légiférer, c'est tout ce que nous n'aimons pas - et je précise que la droite, aussi bien que la gauche, y a recours. Surtout, et franchement, ce droit au master pour tous, qui, en outre, va créer un régime à deux vitesses, nous inquiète. Mon groupe soutient donc l'esprit de la proposition de loi de M. Dupont ; pour le reste, nous sommes très réservés.