Intervention de Jean-Marc Ayrault

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 27 septembre 2016 à 14h35
Audition de M. Jean-Marc Ayrault ministre des affaires étrangères et du développement international

Jean-Marc Ayrault, ministre :

Rappelons tout de même deux ou trois éléments. Même si beaucoup de choses ne nous plaisent pas, la Turquie reste un État de droit. Les 28 membres de l'Union européenne ont reçu le ministre turc des affaires européennes à Bratislava et il ne faut pas sous-estimer l'impact sur ce pays de la tentative de coup d'État militaire de juillet dernier. Les autorités turques ont eu le sentiment que les Européens sous-estimaient l'importance de cet événement - cela n'a pas été le cas de la France, puisque nous avons réagi tout de suite. Or on ne peut nier à un État le droit de poursuivre les auteurs d'une tentative de coup d'État, même s'il est vrai que la Turquie en profite pour procéder à des « purges », visant notamment les membres du mouvement Gülen, au sein de l'armée, de l'administration et de la presse.

Pour ce qui concerne l'application de la peine de mort, il est clair qu'un pays membre du Conseil de l'Europe ne peut revenir en arrière.

Quant à la question kurde, nous assumons clairement notre position selon laquelle le PKK est un groupe terroriste, mais nous poussons au dialogue pour régler la question kurde.

Vous évoquez également les relations de la Turquie avec certains pays, mais ne sous-estimons pas le poids des liens qui l'unissent à l'Europe. Certes, elle a renoué avec la Russie, ce qui est plutôt positif, ainsi qu'avec Israël et l'Iran, mais cela n'a pas eu pour effet de réduire notre dialogue avec elle. Nous avons un partenariat stratégique avec la Turquie et y avons des intérêts importants.

La Turquie est intervenue militairement en Syrie pour, d'abord, protéger sa frontière, avec un effet non négligeable pour la France : ce faisant, elle empêche le passage des membres de Daech.

L'objectif de la Turquie était ensuite d'empêcher la jonction de deux cantons kurdes en Syrie, pour éviter l'établissement d'une zone contrôlée par les Kurdes à ses portes. C'est pour elle fondamental.

La Turquie est donc devenue un acteur engagé en Syrie, comme en Libye où elle soutient les milices de Misrata. Il faut par conséquent parler avec elle.

J'en viens à la crise migratoire. La France accueille des demandeurs d'asile dans le respect de ses engagements internationaux. Elle le fait dans la clarté et l'humanité, d'où la décision du Gouvernement, rappelée par le Président de la République hier, de démanteler la jungle de Calais, qui pose un problème majeur pour la région, mais aussi pour l'image internationale de la France - certains s'en servent contre nous.

Mais démanteler ne suffit pas. Il faut aussi gérer l'accueil de façon équitable et répartir les demandeurs d'asile par petits groupes sur l'ensemble du territoire national. C'est faisable pour un pays de 67 millions d'habitants. Pour l'essentiel, les demandeurs d'asile sont syriens, soudanais ou afghans. Ils viennent de régions exposées à la guerre. Mais soyons clairs : les autres, les migrants qui n'ont pas vocation à rester en France, doivent repartir.

J'en viens à l'Iran. Nous avons eu une réunion intéressante à l'ONU sur le nucléaire iranien. Globalement, les experts indépendants de l'Agence internationale de l'énergie atomique le disent, l'accord est respecté. La levée des sanctions économiques, engagement pris dans le cadre de cet accord, pose en revanche problème du côté des États-Unis. Cela tend les relations avec les Iraniens, qui s'en plaignent et accusent les Américains de jouer un double jeu. Pour notre part, nous ne cessons de leur demander de lever ces sanctions.

L'Iran, vous le savez, soutient Bachar Al-Assad et souhaite sa victoire. Mon homologue iranien, Mohammad Javad Zarif, à qui j'ai posé la question, affirme être défavorable à la partition de la Syrie et à la préservation de la Syrie utile.

La France, quant à elle, tient sa place. Elle a fermement dénoncé les violations du cessez-le-feu en Syrie. Si nous n'avions pas été aussi fermes dans nos positions - au Conseil de sécurité, dans les réunions ministérielles du Quint -, les lignes n'auraient pas autant bougé.

Les Américains ont cru que, en discutant avec les Russes, la situation allait s'arranger. C'est tout le contraire qui s'est passé. Notre marge d'action est réduite, mais nous devons l'utiliser. C'était très clair lors de la réunion ministérielle du Quint dont je vous ai parlé : nous avons fait bouger les Américains et les Britanniques et ainsi fait en sorte que le Conseil de sécurité se réunisse en urgence à l'initiative de nos trois pays.

Gaëtan Gorce, quant à lui, me demande s'il ne vaudrait pas mieux suspendre notre intervention militaire pour faire baisser le nombre d'attentats en France.

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