Intervention de Élisabeth Lamure

Commission des affaires économiques — Réunion du 12 octobre 2016 à 9h30
Accélération des procédures et stabilisation du droit de l'urbanisme de la construction et de l'aménagement — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure, rapporteure :

Les deux auteurs de la proposition de loi ont fait un excellent travail, qu'ils ont déjà présenté devant notre commission en juin dernier. Ils ont depuis rendu un rapport, intitulé « droit de l'urbanisme : l'urgence de simplifier ». Ils ont été les rapporteurs d'un groupe de travail constitué au sein de la délégation aux collectivités territoriales et présidé par M. Pointereau. Ce texte comporte donc des mesures répondant prioritairement aux besoins des collectivités. Cette démarche a été impulsée et suivie personnellement par le président du Sénat. Elle est donc, au-delà de la démarche personnelle de ses deux co-auteurs, l'expression d'une initiative institutionnelle plus large, dont l'ambition est de positionner le Sénat sur la thématique de la simplification du droit. Cela exige de trouver un accord entre les différents groupes politiques du Sénat, et de trouver un accord institutionnel entre les deux chambres et le Gouvernement. C'est l'ambition, peu commune, de ce texte.

Cet objectif explique largement son contenu et son format. Il retient l'urbanisme comme champ de simplification, parce qu'une consultation menée en 2014 par le Sénat auprès des maires, et qui avait obtenu plus de 4 000 réponses, avait montré que l'urbanisme et le droit des sols sont les domaines où le besoin de simplification est le plus fort pour les collectivités. Ces questions sont de surcroît modérément clivantes : à l'évidence, trouver un accord politique dans des domaines comme le droit de l'environnement, du patrimoine ou de l'accessibilité aurait été plus difficile. Les auteurs du texte se sont enfin efforcés de lui garder un format raisonnable - une quinzaine d'articles - pour qu'il ait des chances d'être adopté dans la durée limitée d'une niche parlementaire.

Si les auteurs ont limité la taille et le champ de ce texte, ils ont adopté une démarche ambitieuse car inclusive et innovante. Ils se sont appuyés sur une grande consultation nationale, qui a reçu quelque 11 000 réponses. Ils ont également - ce qui est original - soumis l'ensemble de leurs propositions à une étude d'impact pour faire le tri entre les vraies simplifications et les fausses bonnes idées, si bien que les dispositions qui vous sont soumises visent juste, en traitant le contentieux de l'urbanisme, le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales ou encore l'articulation des documents d'urbanisme. En tout cas, leur démarche a été très appréciée et les simplifications qu'ils proposent sont attendues. Ce n'est certes pas une révolution, mais c'est une avancée significative dans la bonne direction.

Les deux premiers articles comportent cinq mesures pour accélérer le contentieux de l'urbanisme. La première est la cristallisation des moyens à l'initiative du juge et non plus seulement à l'initiative des parties dans le contentieux de l'urbanisme. La deuxième oblige les requérants à rédiger des conclusions récapitulatives liant les parties. Ces dernières seront obligées d'indiquer, à chaque étape de l'instance, les moyens qu'elles invoquent devant le juge. Les moyens non évoqués seront réputés abandonnés. Cela accélèrera le travail des juges, qui ne seront plus obligés de produire eux-mêmes la synthèse des dossiers en rassemblant des informations dispersées dans de nombreux documents. Cela donnera également plus de transparence aux parties, qui sauront exactement quels sont les arguments de la partie adverse. Enfin, cela accélérera le traitement des recours en appel. Troisième mesure : la création d'un mécanisme de caducité de l'instance, afin de lutter contre les procédures dilatoires. Tout requérant qui ne produira pas dans un certain délai un élément demandé par le juge sera réputé s'être désisté, rendant caduque l'instance avec impossibilité de réintroduire une nouvelle requête sur la même affaire. C'est un outil pour lutter contre les procédures dilatoires où certaines parties ont intérêt à ne pas produire des pièces ou à le faire très tardivement.

Les délais de jugement en matière d'urbanisme seront encadrés, et le tribunal administratif devra prononcer sa décision dans un délai de six mois à compter de l'enregistrement de la réclamation au greffe. Enfin, la suppression de l'appel pour le contentieux de l'urbanisme dans les zones tendues serait prorogée pour cinq ans, ce qui ferait mécaniquement gagner deux ans.

Les articles 3 et 4 portent sur l'articulation des documents d'urbanisme, question très sensible pour les collectivités locales. L'article 3 simplifie la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanismes (PLU). Le code de l'urbanisme prévoit une obligation de compatibilité des documents d'urbanisme, devant être satisfaite dans des délais stricts - trois ans en cas de révision. Cette obligation est une cause d'instabilité pour les PLU, qui doivent être révisés à intervalles rapprochés pour suivre l'évolution, souvent désynchronisée, des documents supérieurs. Cet article revoit donc les mécanismes de la mise en compatibilité. La solution proposée, plébiscitée par l'Association des maires de France (AMF), l'Assemblée des Communautés de France (ADCF) et la Fédération des SCoT, et soutenue par le Gouvernement, consiste à établir tous les trois ans un rendez-vous au cours duquel la collectivité sera tenue d'analyser la situation de son PLU et de décider s'il faut le mettre en compatibilité avec les documents supérieurs. C'est le constat d'une incompatibilité éventuelle du PLU, à l'occasion de cette analyse triennale, qui marquera le point de départ de l'obligation de mise en comptabilité. Ainsi, toutes les évolutions du PLU liées à la hiérarchie des documents d'urbanisme interviendront selon un calendrier triennal connu d'avance, car propre au PLU, au lieu de dépendre de l'évolution des documents supérieurs sur lesquels la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) n'ont aucune maîtrise. Par ailleurs, les délais pour mettre le PLU en compatibilité avec les documents supérieurs courront à compter du moment où, suite au rendez-vous triennal, la décision d'engager une évolution du PLU est prise. Cela assouplit le délai de mise en compatibilité, puisque l'on passe d'un délai de rigueur de trois ans à un délai, adapté à la situation de la collectivité, qui sera compris entre trois et six ans.

Les articles 5 et 6 portent sur le domaine de l'aménagement. Ainsi, l'article 6 concerne les zones d'aménagement concerté (ZAC). Il donne aux collectivités la faculté de fusionner la délibération de création de la ZAC avec la délibération de réalisation, ce qui peut être utile pour des projets de faible dimension, dont les éléments sont connus largement à l'avance. Il permet aussi de reporter l'étude d'impact au moment du dossier de réalisation de la ZAC. Nous avons un débat avec le Gouvernement pour savoir si cette dernière disposition est conforme au droit européen. La question n'est pas encore tranchée.

L'article 7 fait face à la dégradation des relations entre les services de l'État et les collectivités qui est constatée par les acteurs de terrain dès lors qu'il s'agit de mener à bien des projets de construction ou d'aménagement complexes. Les élus se sentent en effet confrontés à des injonctions contradictoires des différentes administrations, qui travaillent en silos et adoptent trop souvent une posture répressive plutôt que facilitatrice. Pour encourager voire systématiser le dialogue entre l'État et les collectivités sur les projets structurants, l'article 7 avance deux propositions majeures. D'abord, la nomination d'un référent juridique unique en matière d'urbanisme. Nommé par le préfet et placé sous son autorité, il serait chargé de conseiller et d'informer les porteurs de projets et les élus en matière d'aménagement, d'urbanisme et de construction. Ensuite, la mise en place d'une conférence de conciliation et d'accompagnement des projets locaux, présidée par le préfet. Cette conférence aurait un rôle de consultation sur les projets locaux qui lui seraient transmis par le maire ou le président de l'EPCI de la commune d'implantation. Elle serait la transformation de la commission départementale de conciliation des documents d'urbanisme. Le texte la renomme et élargit ses compétences afin de renforcer la transversalité et la coordination entre les services de l'État face aux projets locaux : ce sera un lieu où les services de l'État parlent avec les collectivités et les porteurs de projets, ce qui les aidera à accompagner les projets. Le texte ne lui donne aucune attribution décisionnelle, pour ne pas donner prise au contentieux et pour ne pas rajouter une nouvelle étape aux processus déjà longs d'élaboration de projets.

L'article 9 propose d'expérimenter un mécanisme d'association des architectes des bâtiments de France (ABF) à la définition des règles locales d'urbanisme, afin de rendre plus intelligible la motivation de leurs décisions. Il ne s'agit de toucher ni aux missions ni aux pouvoirs des ABF, ni de nier que ces derniers jouent un rôle clé dans la préservation du patrimoine, mais de favoriser un dialogue entre collectivités et ABF afin que les règles, souvent implicites, qui motivent les décisions des ABF soient davantage objectivées, mieux connues des acteurs et donc mieux intégrées, dès le départ, dans leurs projets.

Le dispositif expérimental prévoit que l'autorité compétente en matière de PLU puisse demander à l'ABF de proposer ses prescriptions pour la protection au titre des abords des monuments historiques. Si l'ABF accepte, l'autorité compétente en matière de PLU pourra décider d'annexer ses prescriptions au PLU. Dans ce dernier cas, les décisions de l'ABF devront être motivées sur le fondement des prescriptions qu'il a lui-même édictées. Cette expérimentation est prévue pour une durée de trois ans.

Enfin, les articles 11, 12 et 13 comportent des dispositions visant à expérimenter la mutualisation des places de stationnement adaptées aux personnes handicapées, à clarifier les conditions de construction d'extensions ou d'annexes en zones agricoles et à accélérer les procédures de travaux en site classé en cas d'urgence.

Les auteurs de ce texte ont voulu s'en tenir à une approche sectorielle, en se concentrant sur l'urbanisme et le droit des sols. Les textes sur l'urbanisme ayant tendance à l'embonpoint, il faudra une discipline forte et partagée pour éviter l'inflation et donc l'échec du texte. Il ne s'agit pas ici de rejouer les débats sur la loi ALUR ou le texte relatif à l'Égalité et la citoyenneté, mais d'examiner un texte de simplification avec bon sens et pragmatisme, qui offre des simplifications de procédures pour les collectivités. Les auteurs ont souhaité continuer à s'inscrire dans une démarche de co-construction unissant la majorité et l'opposition, ainsi que le Sénat et le Gouvernement, afin d'aboutir à des propositions techniquement robustes en commission et à une adoption conforme par la suite.

Mes quelques amendements visent essentiellement à clarifier et sécuriser certaines dispositions du texte.

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