Intervention de Isabelle de Silva

Commission des affaires économiques — Réunion du 12 octobre 2016 à 9h30
Article 13 — Audition de Mme Isabelle de Silva candidate proposée aux fonctions de présidente de l'autorité de la concurrence

Isabelle de Silva, candidate proposée par le président de la République aux fonctions de présidente de l'Autorité de la concurrence :

Je suis très sensible aux questions d'aménagement du territoire. Aujourd'hui, l'ENA n'a pas bonne presse : les reproches qui lui sont faites ne me semblent pas justifiés. Les fonctionnaires qui en sortent sont dévoués et motivés par l'intérêt général.

J'en viens aux questions plus sectorielles qui m'ont été posées.

Sur le numérique, la frontière entre l'Arcep et l'Autorité de la concurrence est bien délimitée même si nous sommes toutes deux concernées par l'itinérance et le développement du numérique sur tout le territoire. L'Autorité de la concurrence aura un rôle important à jouer pour réguler ce secteur. La concurrence entre les opérateurs devra être réelle. Je rappelle que l'Autorité n'a pas craint d'user de ses pouvoirs en infligeant à Orange une amende record en raison de ses pratiques sur le marché des entreprises. En lien avec l'Arcep, l'Autorité de la concurrence a ouvert ce secteur à la concurrence. Lorsque les trois opérateurs mobiles ont mis en place une forme d'oligopole tarifaire, elle a fermement sanctionné ces pratiques. Elle continuera à se préoccuper de ce secteur pour que la concurrence soit pleine et entière et que les infrastructures se développent sur tout notre territoire.

Comment faire émerger des champions français ou européens ? Cet objectif légitime n'est pas du seul ressort de l'Autorité. L'environnement économique doit être suffisamment ouvert et dynamique. Grâce à ses capacités d'innovation, la France peut devenir un champion du numérique. Lorsque nous avons examiné le projet de rapprochement entre la Fnac et Darty, nous avons pris en compte la concurrence d'Amazon, d'où la décision finalement prise. Ces enseignes ont complétement intégré la stratégie numérique dans leur processus de vente. Le droit de la concurrence n'est pas un obstacle à certains rapprochements et à la constitution de champions nationaux ou européens. L'Autorité a néanmoins été vigilante pour éviter des positions dominantes au niveau local. Le numérique étant le domaine stratégique de demain, j'y porterai une attention toute particulière.

L'économie collaborative, qui est soumise à très peu de règles, peut poser des problèmes d'égalité de traitement puisque les acteurs économiques traditionnels sont soumis à diverses régulations. Outre la décision de l'Autorité de la concurrence, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la situation respective des taxis et des VTC. La question de la modernisation de la réglementation doit se poser lorsqu'émergent de nouveaux secteurs économiques, notamment du fait du numérique. L'Autorité souhaite éviter de brider les nouvelles formes d'économies. La réglementation ne doit pas être un obstacle à la modernisation de notre économie.

Il a été reproché à l'Autorité de la concurrence de ne pas s'être prononcée sur les rapprochements des centrales d'achat. Mais la législation ne le lui permettait pas, car il ne s'agissait pas d'opérations de concentration stricto sensu. Avec la loi d'août 2015, l'Autorité est entrée dans une nouvelle ère : désormais, elle pourra notifier les rapprochements entre centrales d'achat, qui sont une nouvelle forme de travail en commun entre les entreprises. Certes, il y a distorsion de concurrence lorsque quatre centrales se rapprochent et regroupent 90 % du marché de la grande distribution et que les producteurs sont éparpillés. Dans son avis de 2015 sur le rapprochement des centrales d'achat, l'Autorité a dressé la liste de ses préoccupations, qu'il s'agisse des distributeurs ou des fournisseurs qui s'adressent à ces centrales. L'Autorité a indiqué les limites à ne pas franchir et a rappelé qu'elle serait attentive à la bonne exécution de ces contrats. Elle a également démontré sa capacité d'adaptation à la spécificité du secteur agricole. Si elle dénonce les ententes, elle encourage les rapprochements officiels, sous forme de coopératives ou de filières. Ainsi, elle a souhaité la constitution d'une filière officielle des producteurs de volailles, plutôt que d'infliger des amendes.

L'Autorité est en train d'examiner le fonctionnement du marché des audioprothèses : celles-ci sont très chères et de nombreux Français ne peuvent s'appareiller faute de remboursement suffisant. Certaines prestations comprennent à la fois la vente de l'appareil et le suivi de la personne appareillée. Sans doute faudra-t-il distinguer le coût de l'appareil du suivi du patient. Le choix du consommateur serait ainsi mieux éclairé.

Le réseau européen de la concurrence fonctionne bien. Les autorités nationales de la concurrence rapprochent leurs pratiques et mènent des enquêtes croisées. Elles travaillent également en bonne intelligence avec la Commission européenne qui n'intervient que sur les grands dossiers européens.

J'ai été étonnée lorsque, jeune fonctionnaire j'ai assisté au démembrement d'administrations d'État pour créer des autorités administratives indépendantes (AAI). Cette évolution était pourtant nécessaire car la Commission européenne voulait démanteler les monopoles nationaux souvent détenus par des États actionnaires. À l'épreuve des faits, le modèle fonctionne : il s'agit d'un nouveau mode d'action de l'État : les AAI, au service de l'État et des politiques publiques, rendent compte de leur action. Je suis attachée à la légitimité démocratique de ces institutions.

Je serai, bien sûr, attentive aux moyens qui me seront alloués, tant budgétaires qu'humains. Des crédits supplémentaires ont été accordés depuis la loi d'août 2015, mais il n'est pas certain qu'ils soient suffisants. Comptez sur moi pour tirer le signal d'alarme si je ne peux faire face aux missions qui me sont confiées.

L'affaire SFR est en cours d'instruction : je préfère ne pas évoquer ce sujet à ce stade, mais nous en reparlerons.

Lorsque certains membres de l'Autorité se trouvent en situation de conflit d'intérêt, la règle est, bien évidemment, de ne pas siéger.

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