Je remercie les auteurs de ces trois amendements, qui rejoignent l’intention du Gouvernement et de nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des différences partisanes.
Sur ce sujet extrêmement sensible, le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de s’exprimer à plusieurs reprises et pourra de nouveau se prononcer dans l’hypothèse probable où de nouveaux recours seront engagés auprès de lui. Quoi qu’il en soit, pour le moment, nous en sommes au stade du débat législatif.
Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale était effectivement important dans la mesure où il proposait d’étendre l’infraction de négationnisme à tous les crimes contre l’humanité, ce que le droit positif ne permet pas à ce jour.
Les amendements en discussion visent à réprimer le négationnisme en limitant, de manière équilibrée selon nous, le risque de voir le juge pénal dire l’Histoire. Leurs auteurs proposent soit que le crime contre l’humanité ait donné lieu à une condamnation pénale, soit que la négation, la minoration ou la banalisation constitue une incitation à la violence ou à la haine envers une personne ou un groupe de personnes.
Cette dernière expression, qui manifestement fait l’objet du débat, crée une condition de caractérisation de l’infraction qui se cumule avec la banalisation. Le champ d’application de l’infraction est donc différent de celui du délit d’incitation à la haine ou à la violence, qui peut être constitué même en l’absence de banalisation d’un crime contre l’humanité. L’expression « la négation, la minoration ou la banalisation » reprend d’ailleurs, cela a été rappelé, les termes d’une décision-cadre de l’Union européenne du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’abord, tout en respectant la liberté d’expression, de réprimer les propos outranciers, qui sont une menace pour la cohésion nationale, parce qu’ils appellent à la violence ou au meurtre ou les banalisent.
Je me tourne maintenant vers M. Marseille, Mme Jouanno et M. Gaudin, qui savent combien la négation des crimes contre l’humanité peut porter atteinte à la cohésion sociale, et je salue leur engagement.
L’amendement que vous avez présenté, monsieur Marseille, vise les mêmes objectifs que celui notamment de M. Guillaume. Simplement, votre amendement me paraît incomplet, parce qu’il exclut les dispositions sur l’apologie de crime contre l’humanité, qui me paraissent indissociables du négationnisme. Puisque nous voulons étendre le champ de l’application des infractions de presse réprimant l’expression d’une parole qui porte atteinte à la dignité des personnes ayant subi des tueries de masse, il n’est pas satisfaisant, selon nous, de limiter cette extension au seul négationnisme : louer quelque chose ou nier son existence sont finalement les deux faces de la même haine que nous voulons réprimer.
L’objet de votre amendement mentionne que les dispositions du texte adopté par l’Assemblée nationale relatives à l’apologie ne prévoient pas l’exigence d’une condamnation préalable. Il est pourtant compréhensible de vouloir punir tous les propos qui louent un crime contre l’humanité, quels qu’ils soient, qu’ils aient fait l’objet d’une condamnation ou pas. En revanche, il est important de limiter le champ d’application de l’infraction de négationnisme. En effet, il ne s’agit pas de réprimer l’expression d’un simple doute sur l’existence d’une tuerie dans le cadre, selon la formule de la CEDH, d’un débat d’intérêt général dans le cas où l’expression de ce doute n’incite pas à la haine ou à la violence.
Le Gouvernement est donc très favorable aux deux amendements identiques visant à rétablir l’article dans sa rédaction issue des travaux l’Assemblée nationale, au profit desquels je vous invite à retirer le vôtre, monsieur Marseille.