Je voterai l’amendement n° 86 rectifié, dont je suis cosignataire. J’ai longuement hésité, compte tenu de la situation actuelle de notre pays et de la tension à laquelle sont confrontées les forces de police.
Mais nous devons aussi faire face à des discriminations – en tout cas, telle est la perception des personnes concernées – qui ne permettent pas de développer le sentiment d’appartenance à la République dans la tête de ceux qui subissent ce type de contrôles et qui, en termes de droit, peuvent poser problème.
La CEDH l’a rappelé dans un arrêt de 2005 et la cour d’appel de Paris a condamné l’État en 2015, lequel a fait un recours en cassation. Nous attendons le jugement, mais il est fort probable que l’État soit condamné si nous ne faisons rien. Il serait préférable que le législateur propose une porte de sortie.
Je sais bien que, depuis 2012, avec le port du matricule, le code de déontologie, puis les caméras que l’on déclenche à la demande des personnes contrôlées, un certain nombre de mesures ont été mises en œuvre pour lutter contre les contrôles abusifs. Mais ce n’est pas suffisant.
Si j’ai finalement cosigné cet amendement, c’est, d’une part, parce que le récépissé permet une traçabilité – au lieu de n’avoir qu’un « ressenti » de discrimination, nous pourrons établir la réalité de celle-ci – et, d’autre part, parce qu’il s’agit d’une expérimentation. Nous ne sommes pas obligés d’appliquer le dispositif d’un seul coup sur l’ensemble du territoire. Nous l’expérimenterons sur les territoires qui le souhaitent.
Eu égard à l’impasse juridique à laquelle nous pourrions bientôt être confrontés, il me semble préférable de proposer des solutions. Cette expérimentation me semble tout à fait raisonnable. De la sorte, comme l’a rappelé Yves Pozzo di Borgo, nous nous inspirerions de certaines préconisations de Dominique Baudis lorsqu’il était Défenseur des droits. Celui-ci notait aussi qu’un certain nombre de polices, au Royaume-Uni et aux États-Unis, par exemple, utilisent ce genre de dispositif justement pour lutter contre les discriminations ressenties. Il convient de mesurer ces discriminations de fait.
L’expérimentation nous permettra d’étudier, sans fermer aucune porte, si le récépissé est une solution. Il est préférable de tester cette solution que de rester sur des dogmes, tels que le récépissé donnera davantage de travail, ou n’empêchera pas tout, ou bien conduira à la mise en place de fichiers…