Le présent amendement vise à rétablir l’article 63 bis, que la commission spéciale a malencontreusement supprimé.
Inséré par l’Assemblée nationale, sur l’initiative de plusieurs députés du groupe socialiste, écologiste et républicain, cet article prévoyait la création d’une procédure dérogatoire de naturalisation au profit de ceux que l’on appelle communément les« oubliés de Madagascar ».
Lorsque la Grande île a accédé à son indépendance, ces personnes d’origine indienne nées à Madagascar avant 1960 n’ont pu obtenir ni la nationalité française ni la nationalité malgache, qui est essentiellement une nationalité de filiation. Elles n’ont pas non plus pu acquérir la nationalité indienne, la preuve d’une lointaine ascendance indienne étant difficile à apporter.
Selon l’Organisation internationale pour les migrations, cette population, dite « sans nationalité », n’est même pas couverte par le statut d’apatride, dans la mesure où Madagascar a dénoncé dès 1965 la convention relative au statut des apatrides et n’a pas encore adhéré à la convention sur la réduction des cas d’apatridie.
Actuellement, les membres de cette communauté n’ont pas la possibilité d’acquérir la nationalité malgache par naturalisation. Selon le ministère de la justice malgache, les demandes de naturalisation émanant de personnes de nationalité indéterminée formulées sur le critère de résidence ou de naissance à Madagascar ne peuvent aboutir.
Ces mêmes personnes ne peuvent pas non plus acquérir la nationalité française par naturalisation, car l’article 21-16 du code civil dispose que « nul ne peut être naturalisé s’il n’a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation », et les exceptions prévues aux articles 21-21 et 21-26 du code précité ne sont pas applicables aux oubliés de Madagascar.
Soucieux de mettre un terme à la situation kafkaïenne à laquelle sont confrontées ces personnes, nous proposons de créer une dérogation à l’obligation de résider en France au moment de la signature du décret de naturalisation, accompagnée de conditions strictes, sachant que le nombre de cas se limite à 150 personnes voire 200 personnes.
Concrètement, nous souhaitons rendre possible l’attribution de la nationalité française aux personnes qui remplissent trois critères cumulatifs : premièrement, être nées dans un territoire alors sous souveraineté française de parents qui y sont eux-mêmes nés ; deuxièmement, ne pas avoir acquis la nationalité de ce territoire ni toute autre nationalité ; troisièmement, résider, au moment de la demande de naturalisation, dans un État dont l’une des langues officielles est le français.
Ce dispositif juridique s’inspire des propositions formulées dans le rapport qu’un ancien magistrat a récemment remis, sur cette question, au ministre de l’intérieur. S’il était adopté, il n’aurait pas pour effet d’ouvrir une brèche aux conséquences incalculables dans nos principes du droit de la nationalité.
En effet, il importe de préciser que le dispositif proposé serait applicable pendant une période relativement courte – six mois à compter de la publication de la loi – et aurait vocation à bénéficier à un nombre très limité de personnes, estimé à environ 200.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter le présent amendement. Il vise à corriger une erreur de l’histoire s’agissant de personnes, qui, oubliées au moment du processus de décolonisation, en appellent, depuis plus de cinquante ans, à leurs racines françaises.