Le non-recours aux droits constitue un véritable fléau, touchant des millions de personnes sur notre territoire.
Par manque d’information, par découragement après avoir été confrontés à des démarches administratives kafkaïennes, parce qu’il manque toujours une pièce différente aux dossiers, sans cesse renvoyés aux demandeurs, beaucoup abandonnent et renoncent à avoir accès à leurs droits. En 2013, 20 % des personnes légalement éligibles à la couverture maladie universelle complémentaire – la CMU-C –, soit un million de personnes, n’avaient par exemple pas demandé l’ouverture de leurs droits ! Ce n’est pas acceptable !
Des efforts ont été entrepris par le Gouvernement avec la création de la prime d’activité et la simplification de diverses procédures. Malheureusement, ces mesures de simplification ne concernent trop souvent que les entreprises et sont fondées sur la seule dématérialisation des envois de dossiers, ce qui exclut d’office tous ceux qui ne savent pas ou ne peuvent pas utiliser les techniques informatiques. Nous y reviendrons plus tard, à l’occasion de l’examen d’autres amendements.
Le non-recours aux droits est parfois perçu comme une « économie » réalisée par l’État grâce au non-versement des prestations ou des allocations. Cette conception est gravement erronée : le non-recours aux droits entraîne des dégâts sanitaires et sociaux, à l’origine de coûts très importants, beaucoup plus importants que les dépenses qu’il permettrait d’éviter.
Si l’on prend le seul exemple de la santé, une personne qui aurait pu se soigner dès le début d’une pathologie et ne le fait pas parce qu’elle n’a pas pu ouvrir ses droits à la complémentaire santé finit bien souvent aux urgences. Elle est alors hospitalisée et doit recevoir des traitements de longue durée.
Afin de pouvoir estimer l’ampleur des mesures à prendre pour résoudre les problèmes d’accès aux droits, nous proposons donc de demander un rapport sur le coût du non-recours aux droits. Des chercheurs travaillent déjà sur le sujet, notamment à l’université de Grenoble. L’État pourrait s’inspirer de leurs travaux pour réaliser les estimations.
J’ajouterai un mot à propos de l’argument avancé par Mme la rapporteur au moment de l’examen, en commission spéciale, de cet amendement.
D’après elle, celui-ci serait déjà satisfait du fait de l’existence d’une mission d’information sénatoriale sur le revenu de base, actuellement en cours. Cette mission a terminé ses travaux et je dois vous dire, madame le rapporteur, que nous n’avons procédé à aucun examen précis du sujet dans ce cadre. Donc l’argument n’est, aujourd’hui, pas recevable.