Voilà un débat intéressant sur le sens de la politique de la ville !
Pourquoi une telle politique est-elle menée, dans ce pays, depuis trente ans ? Parce que des centaines, voire des milliers de quartiers ont été délaissés par la République et que quelque 5 millions de nos concitoyens, que nous le voulions ou non, vivent aujourd'hui dans des conditions peut-être pas tout à fait dignes, en tout cas différentes de celles que vous, mesdames, messieurs les sénateurs, connaissez à titre personnel.
Les gouvernements successifs, toutes sensibilités politiques confondues, ont donc mis en œuvre des politiques de rattrapage dans ces territoires.
L’objectif, et je pourrais évoquer l’action de l’ANRU à ce sujet, a été de rénover des quartiers qui, pendant trente ans, avaient été délaissés sur un plan urbain et architectural. Ainsi, 47 milliards d'euros ont été injectés dans notre économie grâce au programme dit « ANRU 1 », et 20 à 30 milliards d'euros le seront sûrement grâce au programme dit « ANRU 2 », qui débutera dans quelques mois.
Nous ne pouvons que nous en féliciter au regard de l’amélioration de la vie des habitants. Toutefois, nombre de ces réhabilitations ont été mises en œuvre sans recueillir l’avis de ces derniers et certaines, parfois, ont échoué – nous avons certainement toutes et tous, ici, des exemples à évoquer.
On peut être opposé au principe même de conseil citoyen, et il est vrai que l’actuelle majorité sénatoriale, qui était minoritaire à l’époque, a voté contre la création de tels conseils. Les sénateurs qui viennent de s’exprimer pour défendre une position visant à n’accorder aucun droit supplémentaire à ces instances sont donc cohérents, je tiens à le souligner, avec leur vote initial de février 2014.
Néanmoins, le Gouvernement, soutenu par la majorité de l’Assemblée nationale, défend une autre position. Nous voulons donner ce droit supplémentaire aux habitants et leur permettre, ainsi, de participer à la démarche de coconstruction. En effet, madame la rapporteur, la coconstruction que vous évoquiez tout à l’heure ne fait intervenir que des instances stabilisées, des institutions : l’État, les collectivités territoriales, les bailleurs sociaux, la Caisse des dépôts et consignations, les organismes de sécurité sociale, etc.
Certes, les dossiers sont complexes, mais comment peut-on imaginer régler de telles questions de fond sans mettre tous les partenaires concernés autour de la table ? Or aujourd'hui, il manque un partenaire dans la démarche de coconstruction : les habitants eux-mêmes !
L’objet de cet amendement est de leur permettre, enfin, de participer. Aujourd'hui, ils peuvent s’exprimer au travers des conseils citoyens, mais demain, grâce à ce droit d’interpellation – celui-ci n’est pas un droit d’injonction, contrairement à ce que j’ai entendu dans certains propos –, ils pourront dire leur désaccord ou leur souhait de voir évoluer la réponse publique apportée dans le cadre du contrat de ville.
Il y a là, en quelque sorte, une marque de confiance envers les citoyens. Est-il anormal que nous, représentants d’institutions diverses et variées ou d’exécutifs locaux, puissions, à un moment donné, entendre de manière officielle la voix portée par ceux pour qui nous travaillons ?
Pour ma part, je n’ai pas peur des citoyens ! Et puisqu’il est question de méfiance vis-à-vis des élus, monsieur le président du groupe du RDSE, j’espère que vous ne faites pas preuve de méfiance à l’égard des habitants qui vous ont fait confiance.